La roue du temps tourne inexorablement et c’est un vent frais qui s’est installé sur la ville, bercé par une couverture nuageuse irisée que le soleil n'est pas encore parvenu une seule fois à percer. C'est une nouvelle année plutôt maussade qui s'annonce pour la majorité et mêmes les sans-abris ont trouvé de quoi se réfugier, les températures ayant dangereusement chuté. Mais les meilleurs sentiments restent toujours ancrés dans le cœur des plus vaillants et certains Adams, restés sur le campus pour le réveillon, se sont regroupés le temps d'une soirée pour fêter entre eux et à leur façon la fin de cette année.
Lui aussi fut de la partie, à défaut d'avoir traversé les océans pour retrouver des visages familiers. Il aurait dû prendre cet avion pour Hong Kong histoire d'effacer les derniers jours passés, de mettre une distance... Ce qu'elle a admirablement bien fait de son côté. Pourtant il a tiré une leçon de ce repas savamment organisé : même le cœur le plus froid peut être aimé, Witter ayant elle aussi, malgré son sale caractère, quelqu'un qui l'apprécie sincèrement pour ce qu'elle est en réalité. Ça et le poids de rumeurs sur le départ précipité d’Haiwee accompagnées de regards noirs lancés puisqu’ici, très vite, tout se sait.
Et tandis qu'il quittait le campus pour aller se réfugier dans cet appartement évidé de sa présence, il y réfléchissait : Si Witter pouvait dissimuler une relation aux yeux du monde, alors rien ne l’empêchait lui aussi de le tenter, de se libérer de certaines contraintes imposées et ainsi peut-être...de se faire pardonner. Il pesa le pour et le contre une fois assis, étudia rapidement les risques associés à une telle relation sous le regard soucieux de son valet. Jamais auparavant ce dernier n'avait vu son protégé ruminer de la sorte, partageant tous ses problèmes d’ordinaire. Et le lendemain il pris une décision, entassant silencieusement ses affaires dans un sac sans lui adresser le moindre regard. " Et si votre oncle cherche à vous contacter." Le vieil homme avait compris qu’il était inutile s’insister, l’étudiant étant plus que borné. Il s'était arrêté, juste inclinant le visage sans vraiment se retourner. " Improvise. Dis-lui que je suis souffrant." Une raison toute trouvée pour le laisser en paix quelques temps.
Alors sans donner de plus amples explications il prit un taxi qui l’abandonna sur le tarmac des grandes lignes aériennes, changeant radicalement ses habitudes et dans un siège middle-class se vautrer. Direction le Wyoming, un vol sans escale jusqu’à l’aéroport de Denver où il loua un véhicule pour continuer durant des heures et dans la neige le trajet, vérifiant de temps à autres sur une carte sa position, le réseau laissant cruellement à désirer. Derrière le volant de son pickup il a observé le paysage changer et revêtir son épais manteau neigeux visible sur des kilomètres. Des hectares et des hectares, des terres inhospitalières à perte de vue et au beau milieu une route peu dégagée. Dans le doute il s’est arrêté, hélant des gamins à la peau tannée par le froid pour demander où se trouvait la réserve Wind River et se voir rire au nez, un doigt pointé vers l’horizon pour l’aiguiller.
Ce n’est que tard le soir, à la nuit tombée, que ses feux ont léché le premier lotissement de ce village aux allures délabrées. Quelques vitres éclairées laissaient apprécier de la chaleur des foyers mais aussi de leur pauvreté, illuminant les murs craquelés et peu décorés des pièces. Au ralenti son véhicule s’est enfoncé dans les allées où des chiens, peut-être sauvages, allaient et venaient entre les poubelles rouillées en quête de restes avariés. Il a laissé ce monde fait de simplicité une fois le centre traversé pour se rendre à quelques kilomètres plus loin dans les montagnes, là où une serveuse d'un pub brièvement visité lui a glissé qu'il pourrait la trouver.
C'est aux abords d'un ranch que la course de l'héritier s'est arrêtée, ses feux se heurtant à une clôture faite de rondins pour mourir et attendre dans l'obscurité, observer cette propriété un peu plus entretenue que tout ce qu'il a pu croiser.
MADE BY @ICE AND FIRE.
(Sheng Lao Xian)
Shut the door, Dim the lights. Your body's warm And it's so cold outside. Take off your clothes, Close your eyes ━ ━ ━
We'll be in hell tomorrow. But, we are...
heavenbound tonight ∇