you had me at food (albus&leandra)

Les matinées chargées passent à une vitesse incroyable. L'après-midi l'est un peu moins, alors je vais pouvoir me poser un peu. J'entre à la fondation, dit bonjour à ceux que je croise, un thé glacé dans une main, une boite avec une petite salade dans l'autre, je fait des petits signes à droite et à gauche, le sourire aux lèvres. Midi passé, j'ai l'impression que j'arrive après tout le monde. Passe dans un couloir, en enchaine un autre, et tourne rapidement, cognant une épaule, la salade qui termine au sol, le thé entre l'homme et moi, au sol. Je rigole un peu, "C'est une boisson en moins !" et une salade. Lève les yeux vers l'homme, rigole légèrement ; "Oh Albus." je le croise parfois, j'aurais espéré éviter. "Je.. je suis désolée j'ai été un peu rapide." regarde son pantalon, ses chaussures ; "T'as pas été trop touché par le thé ? Tu t'en sors bien ? Peut-être mieux que mes chaussures..." qui sont tâchés un peu partout, ici et là. Heureusement que les prochains rendez-vous sont téléphoniques.

@Albus Jasinski

Je profite d'une journée de repos pour passer rapidement à la fondation. J'ai quelques détails à régler et un cours à donner. Je pars du principe que si les techniques que j'ai appris peuvent aider les autres à se défendre alors je donne sans hésiter. Je vois trop d'agressions, trop de violences subies dans mon boulot. Ce que fait Leandra a toujours eu un sens pour moi. Ma mère a subit des années sans jamais rien faire pour s'en sortir, ni réaliser que ce n'était pas normal. Et ne parlons pas de moi. J'ai toujours admiré mon amie, sa force, son ambition et sur ce point, on se retrouve carrément. Sur d'autres aussi, à l'occasion mais on a toujours évité d'en reparler. Les années avaient fait qu'on a presque oublié, sauf que ça a dérapé il n'y a pas longtemps encore. Bref, je viens aujourd'hui sans chercher à la croiser particulièrement, je la sais occupée. Partant pour reprendre ma journée, elle vient me percuter, m'arrosant de thé et de salade, que je parviens à esquiver en grande partie. Mimique agacée car je n'aime pas ce genre de choses, mais c'est elle. Alors... « Leandra. T'en fais pas. Je t'aurais bien proposé de sortir déjeuner avec moi, mais je suppose que tu n'as pas le temps. » Sourire compatissant envoyé à tes traits sophistiqués, la plupart de mes journées de travail se passent de nourriture. « Et je suis en tenue de sport, c'est pas grave. » Je t'aide à nettoyer le plus gros des dégâts, te suivant jusqu'à ton bureau pour jeter les ordures. « Assieds-toi. » Regard posé et amusé, tu sais que tu ne peux pas trop déroger à ce genre de demandes me concernant. « Je m'occupe de tout. Reste-ici. » Phalanges qui viennent entourer ta cheville pour enlever avec douceur l'escarpin, puis l'autre. On va réparer ce petit incident et si je peux t'aider à gagner un peu sérénité dans cette journée, je prends.

De toute la fondation, de tous les volontaires, de tous les employés, de tous les visiteurs, hommes, femmes, qui traversent ses murs, il fallait que ce soit toi. Il fallait que ce soit Albus, face à qui je prenais un soin fou à éviter. Depuis la dernière fois, je faisais attention. Je prenais soin de regarder l'emploi du temps, voir s'il était dans les locaux en même temps que moi, je regardais les journées où il était prévu, et je faisais en sorte d'être soit en rendez-vous, soit enfermée dans mon bureau. On pouvait pas toujours tout éviter, surtout que c'est sur base de volontariat, il allait forcément être présent les journées où ça n'était pas prévu. « Leandra. T'en fais pas. Je t'aurais bien proposé de sortir déjeuner avec moi, mais je suppose que tu n'as pas le temps. » je lui offre un sourire, c'est l'excuse pour laquelle j'aurais opté s'il m'avait sérieusement demandé. Un acquiescement discret de la tête, j'ai rarement le temps, d'où les salades et thé glacés, même en hiver. « Et je suis en tenue de sport, c'est pas grave. » regarde l'homme ; "J'ai remarqué." comme d'une taquinerie, alors que mes pas me mènent à quelques pas de là, dans mon bureau. « Assieds-toi. » offre une moue ; "Oh t'en fais pas c'est-" et son regard se pose, je souris et fini par m'assoir ; "Très bien." je le regarde faire, et ça me frappe, pourquoi j'avais pas envie de le revoir. Il m'attire, Albus. Je saurais l'expliquer. Je suis pas comme ça, d'habitude, mais là, lui, c'est différent. « Je m'occupe de tout. Reste-ici. » Ses doigts qui caressent ma cheville, et un frisson qui me parcours. Si j'avais su que ma cheville était un point sensible, je ne lui aurais pas laissé une telle occasion. "T'es sûr ? Je peux totalement... m'en occuper." mes yeux sont happés par les siens, le laissant totalement maître de la situation et un sourire plus tard, je demande de manière innocente, comme si de rien ; "Comment ça va, depuis la dernière fois ?" ne parlons pas de ce qu'il s'est passé, cette fameuse dernière fois, mais comment tu vas depuis. Concentrons-nous sur l'après, pas sur l'avant.

Je ne suis pas du genre à assister autrui, mais j'aime prendre soin des personnes qui me sont chères. Je suis aussi froid que protecteur parfois et tu as toujours su éveiller cette facette en moi. Sûrement parce que tu n'es pas ce genre de personne à demander de l'aide, tu te construits par toi-même, à la seule force de tes bras et je sais ce que des journées trop occupées veulent dire. « ça me fait plaisir. » dis-je en ne te laissant pas réellement le choix. Je ne veux pas de ces banalités et fausses excuses qu'on déballe par politesse, toi et moi, on a ce point commun de chercher avant tout l'efficacité. Comment je vais depuis la dernière fois ? Regard blotti contre le tien, certaines images reviennent malgré moi, et l'alchimie s'était confirmé dans cette nouvelle union fugace, aussi tendre que passionnée, refuge éphémère pour nos corps et nos âmes sans promesses. « Plutôt bien, je n'ai pas vraiment eu le temps de réaliser les jours qui sont passés. » Happé par la spirale quotidienne. « Je reviens. » Ne voulant pas m'éterniser sur le sujet, je sors rapidement de la fondation, dépose les escarpins pour les faire nettoyer, en achetant d'autres au passage, j'y mets le prix sans vraiment m'inquiéter, je sais que comme moi, tu ne portes pas du bas de gamme. Et je commande une nouvelle salade et un thé sur mon smartphone qui arrivera en livraison, ce sera plus rapide. Retournant dans ton bureau, je viens t'apporter la paire de rechange comme si de rien était. Homme taciturne et insaisissable. « La nourriture arrive. » Je suis satisfait des solutions mises en place d'une redoutable efficacité. « Et toi, comment tu vas depuis la dernière fois ? » Rictus à peine visible, je suis ce genre d'homme qui aime garder la maîtrise de toute situation.

Les journées sont chargées, puisqu’il faut les occuper. Combler les silences, masquer les absences. Celles qui sont lourdes, pesantes. Je sais que tu connais ce côté de moi, t’arrives à le lire, t’arrives à le voir. Un talent bien à toi. « ça me fait plaisir. » moi aussi, mais je le tairai. Tes yeux qui se figent dans les miens, ça me sort de ma journée, rien qu’un instant. La dernière fois, j’ai pas envie d’en parler, ni de voir les images défiler, pourtant ça reste dans un coin de ma tête, je m’en rends surtout compte quand ses doigts frôlent ma cheville.  « Plutôt bien, je n'ai pas vraiment eu le temps de réaliser les jours qui sont passés. Je reviens. » La tête fait oui, comprends totalement. Les jours passent, se ressemblent, tout est pareil. Une routine qui s’installe, animée par toi, une fois. Une seule fois, j’y tiens. Une seule fois, parce que je tiens à garder ce semblant d’amitié, bien qu’elle ait déjà été écorchée. Il sort de la pièce, et je me retrouve là, sans chaussure. Je suppose qu’il est parti dans les toilettes pour les rincer, alors, en attendant, j’ouvre mon ordinateur et décide de répondre à certains mails. Quand il passe la porte, mes yeux se relèvent. « La nourriture arrive. » Puis les yeux se baissent sur les chaussures, “C’est pas les miennes.” Ce n'est pas une question, je sais que ce n’est pas les miennes.  « Et toi, comment tu vas depuis la dernière fois ? »  Mes yeux se posent dans les siens, et j’affiche un visage similaire au sien. Un rictus en coin, les épaules qui se haussent, comme si de rien. “Plutôt bien.” le pire dans tout ça, c’est que je nous y revois. Je me racle la gorge, éloignant toutes les pensées de ma tête ; “Tu m’offres des chaussures et tu fais venir de la nourriture.” mes lèvres se pincent ; “Tu manges avec moi au moins.” Ce n’est pas une question, comme pour ces nouvelles chaussures. “Et je te rembourserai les chaussures.” Toujours pas une question non plus, femme indépendante jusqu’au bout, qui paie pour ce qu’elle use.


 

Je suis un homme pragmatique, capable de brasser milles tâches simultanées. L'excès d'activité a toujours été bénéfique pour moi, parvenant quelques instants à faire taire un mental tyrannique. Je sais que tu as de la même trempe Leandra et je t'ai toujours admiré pour cela. Alors, si je peux t'aider. Entre amis, cela me semble parfaitement naturel. Je réapparais dans ton bureau, nouveaux escarpins aux phalanges, et le lunch en route. « Effectivement, mais le gras tache trop pour se passer d'un pressing. » Et nous savons tous deux que tes chaussures ont suffisamment de valeur pour mériter ce traitement de faveur. « Parfait. » dis-je d'un petit rictus en observant les nouvelles à tes pieds. « Je n'ai pas prévu de nourriture pour moi. Je ne veux pas m'imposer. » Ce serait très malpoli mais je suis heureux d'apprendre que tu vas bien. « Tu as qu'à m'offrir quelque chose en retour. Ce que tu voudras. » Sourire affable et regard complice que je t'offre. L'ambiguïté pourrait se nourrir mais je parle évidemment d'une paire de chaussures ou une chemise, peu importe. « ça me fera un prétexte pour te revoir. » Puisqu'un remboursement reste mécanique, sans aucune once de chaleur. Je ne sais pas si tu sauras lire entre les lignes, ce besoin insidieux d'un réconfort chaleureux. Peu importe les frontières qu'on franchit, ta présence m'a toujours été bénéfique et je ne compte pas m'en passer.

En toi, je vois mon reflet, en partie. Il y a cette partie que je vois, que je frôle du bout des doigts. J’ai l’impression qu’on danse sur le même rythme, qu’on vit sur les mêmes pas. Est-ce qu’on danse sur la même musique ou est-ce que depuis ce soir-là, j’ai attrapé ta main et je me suis laissée emportée, inconsciemment ? Je reconnais que prendre soin de mes escarpins, ça te vaut des points. Je connais aussi les hommes de ta posture, avec ta prestance, et je sais que je ne dois pas me laisser tomber de nouveau. Il faut que je sois forte, malgré la tension qui nous porte quand mes yeux se bloquent dans les tiens. Mes épaules se haussent, à propos du repas ; “On peut partager, j’ai pas très faim de toute façon.” c’est la nourriture qui cale l’estomac pour ne plus l’entendre, tu sais. Cette nourriture qui comble les bruits du ventre quand le milieu de l’après-midi arrive. Il parle de lui offrir quelque chose en retour et mon sourire me trahit. Si présent, impulsif, manque de contrôle, complètement. “Un prétexte pour se revoir, ça me va très bien.” On en a pas forcément besoin, mais on vit dans l’ombre, tous les deux. Les soupirs non assumés, l’ambiguïté cachée. “Je pense déjà connaître ta taille.” continue dans la taquinerie, d’un jeu qui n’en finit plus.

J'ai appris à me passer de nombres de choses. Le corps ne s'étonne même plus des privations qu'il endure, alors effectivement, envisager un déjeuner ne m'avait même pas effleuré l'esprit. Et tu fais partie de la même veine, je le sais parfaitement. « Ok. » dis-je avec un petit sourire. Quelques feuilles de salade pour te faire plaisir, pour combler la bienséance qu'impose ce genre de moments. « J'imagine, tu es observatrice. » dis-je cette fois avec un sourire plus narquois. Tout comme moi. Tu n'as pas perdu une miette de nos rapprochements, révélant une facette bien plus passionnée. On a ce commun de parfois laisser les flammes entre les failles d'une apparence plus glacée. Lâcher-prise a du bon et avec toi, je peux le faire en toute confiance. Je sais la réciproque vraie, même si on aborde jamais vraiment le sujet. Pas de promesses, pas de faux-semblant, simplement deux solitudes qui se retrouvent et qui exultent ensemble le temps d'une danse entrelacées. Jeu dangereux tout de même, qui vient semer un goût de rappel à nos lèvres, un besoin de ressentir à nouveau la liberté insidieuse qui vient s'épanouir dans ces silences plus charnels. Un instant, mon regard se perd dans ces méandres passionnées et éphémères. « Comment tu vas autrement ? » Billes claires qui viennent se suspendre aux tiennes, sans détour. La question peut sembler anodine, mais tu sais parfaitement que par cet interrogative, je viens te demander, comment tu te sens, vraiment.

J'ai toujours été joueuse, ça se voit dans la lueur de mes yeux. C'est ça qui nous a amené à se côtoyer de manière plus proche. On y arrive pas, à ne pas s'attirer. On joue, on continue à jouer, et dans nos mots on s'y perds. « Ok. » Personne ne dit jamais non à Leandra, va savoir pourquoi. Peut-être que j'ai cette aura qui arrive à convaincre les gens, cette chose en plus, ce petit je ne sais quoi qui fait que personne n'ose me dire non. Peut-être que c'est seulement les locaux, ça impressionne et peut-être que ça y joue, aussi, qui sait. « J'imagine, tu es observatrice. » la tête fait oui. "J'ai l'œil pour ces choses là, oui." sourire en coin. Dans ton cas, je n'ai pas eu que l'œil, et ce n'était pas pour me déplaire, d'ailleurs. Je ne me suis jamais accordée ce genre de folie, ou rarement. Je préfère former un quelque chose avec un homme, être dans un couple, être dans les débuts d'une histoire. Ce n'est pas dans mon adn, que de m'abandonner à quelqu'un pour un moment de délivrance intense. Pas dans mon adn de montrer mon corps à quelqu'un qui n'éprouve pas de sentiments pour l'âme. Pourtant, avec toi, c'est différent. Je suis peut-être différente aussi. « Comment tu vas autrement ? » Les yeux se relèvent, offre un sourire avant de comprendre la réalité de la question. Les épaules se haussent, le dos ne fait qu'un avec la chaise. "La routine qui prends le dessus, j'ai prévu des travaux dans une maison que je viens d'acheter, je trouvais mon appartement trop petit pour moi toute seule." rigole légèrement. "Je pense que j'ai besoin de rencontrer quelqu'un, quand j'ai pas les enfants je me sens incroyablement seule." et ça travaille, ces réflexions là. Non pas que ça me pose problème d'être seule, mais ça commence à faire un moment maintenant. "Et toi, comment tu vas ?" que je sois pas seule à m'ouvrir.

On ne te refuse rien c'est une certitude et je n'ai même pas envie d'essayer. Tu es de ces femmes de poigne et de force incarnée, construite à la seule agilité de tes paumes. Pas loin de bâtir cet empire à ton image et rare sont les personnes qui suscitent mon admiration. Tu en fais partie. Je souris simplement, furtif, tout juste en coin, à ta réplique avant de m'intéresser à ta réalité, ton paysage interne du moment. « Tu as essayé les applications de rencontre ? » Sourcils qui se froncent. « C'est merdique sauf pour un coup. » Et ça m'est arrivé clairement. Tu as toujours été plus stable et ancrée que moi. Une famille, des enfants. T'es la femme exemplaire et suffisamment sauvage pour pas donner envie d'aller tourner la tête sous d'autres jupons. Je comprends pas que ça marche pas vraiment avec ton homme. Mais je peux pas donner de leçons en la matière. « J'imagine que ces choses se font naturellement ? » Et en attendant, il faut se laisser vivre selon moi. « Et pourquoi n'aimes-tu pas être seule ? » Moi j'aime ça plus que tout autre chose, bercé de mes solitudes, j'ai trop peur de mes ombres pour les donner en spectacle, mais seul, je les apprivoise aisément. Ce que tu cherches, c'est ce que je fuis. Paradoxe étrange. Et si tu es honnête, je dois l'être aussi. « Pas de travaux pour moi. La seule personne qui me fait faire n'importe quoi c'est Lilith. » Ma chienne qui a bientôt un an, je perds toute crédibilité en sa compagnie, c'est assez terrible. « Autrement, je me concentre sur le boulot, sur des conquêtes d'un soir, j'aide Dwayne à chercher le mec qui a tué sa femme. Et puis y'a toi dans tout ça. » Billes absinthes qui viennent t'observer. Je sais que je suis pas le bon mais ça m'empêche pas de te désirer. Y'a eu cette fois pendant nos études et puis maintenant, et le pire dans ces ravages c'est que c'est encore mieux avec le temps. Index posé sur l'angle de ma mâchoire, je me perds un instant dans ce goût sulfureux de provocation, loup belliqueux lorsqu'il s'agit des conquêtes féminines, presque vorace. « Comment vont les enfants ? » Tu vois comme l'expertise se marque entre insidieux désir et paisible indifférence amicale. J'exulte dans mes silences, rassuré par ces ficelles que je manipule selon ma propre hargne.