~ Shoot to thrill ~ (Wilby)

Vivre à fond, ou ne pas vivre du tout, c'est un peu le crédo du blond. Nouvelle journée rime avec connerie supplémentaire. Pas de raison particulière; il le fait parce qu'il en a envie, c'est aussi simple que ça. Pourquoi se prendre la tête quand on peut s'amuser ? Plutôt que de s'ennuyer à faire les courses, Denzel a décidé de dérober son repas du midi. Un sandwich bon marché à trois dollars, on va quand même pas râler pour si peu. De toute façon, c'est comme ça qu'il fonctionne; faut pas chercher plus loin. Une petite épicerie, comme il en existe cinquante dans le coin, sera sa cible du jour. Ecouteurs sur les oreilles, branché sur Ac-Dc, la musique lui offrira cette petite étincelle d'énergie, probablement nécessaire à sa fuite. Débarqué à vélo, casquette à l'envers; le jeune homme souhaitait être aussi rapide que discret, une fois sur place. Pas de caméras ou de détecteurs à l'entrée de ce shop vieillissant, encore mieux qu'il ne l'espérait. De quoi lui éviter un énième passage chez les flics, ça s'annoncait bien.
Comportement louche remarqué à l'entrée par le caissier; une raison de plus pour prendre ses jambes à son cou, juste après avoir rangé le sandwich au fond de son sac à dos. Le timing est serré, mais Denzel a le temps de remonter sur son vélo avant que l'homme ne lui mette la main dessus. Fier de lui, sous le feu de l'adrénaline, le jeune homme file d'abord sur le trottoir, slalome entre les piétons; retrouve ensuite la chaleur de l'asphalte et le risque de se manger une voiture, à force de jouer au con. Danger public coupé du monde au profit du rock 'n' roll et d'un délire personnel, se tourne en arrière pour observer l'homme qui persiste à vouloir lui courir après, relâche une main du guidon pour lui offrir l'affront d'un majeur dressé, droit dans sa direction.
Le retour de bâton ne se fait pas attendre; la roue avant se plante dans le trottoir, bloque brutalement le vélo et Denzel effectue un magnifique vol plané, projeté au dessus du guidon. L'atterrissage s'effectue quelques mètres plus loin, à plat dos sur le béton; mais heureusement pour lui, son sac à dos est présent pour limiter les dégâts. Respiration coupée, acouphènes et vision trouble quelques secondes, avant que la douleur ne fasse son apparition. - Woow.. Merde. Ca fait mal et c'était pas prévu.  

Faut-il que je fasse quelque chose ? Evidemment. Je l'avais remarqué direct ce petit gars, dès lors qu'il était rentré dans l'épicerie. La même attitude que je prenais quand j'étais prêt à dérober quelque chose. Je restais donc là, à vouloir voir comment il allait se débrouiller. Mais surtout, j'étais curieux de voir ce qu'il souhaitait voler. Un simple sandwich ? Tu te fous de ma gueule ? C'est tout ? Et le pire dans tout cela, c'est que le gérant de l'épicerie sortit pour tenter de le course. Pour un simple sandwich. La situation me fit rire. Mais j'en profitais de son absence, pour me prendre un sandwich à mon tour, puis deux paquets de chips ainsi qu'une canette de bière. Je déposais le tout dans mon sac, ni vu ni connu. Je pris un paquet de cigarettes, et attendit sagement que le gérant revienne. Je payais le paquet de cigarettes, et m'en alla. D'une facilité. Je regardais autour de moi, à la recherche du jeune homme. Après quelques minutes à sa recherche, je l'aperçus, au sol. Il avait du perdre le contrôle de son vélo. Je m'avançais vers lui et lui tendis la main afin de l'aider. "Allez, viens." Puis une fois debout, je sortis de mon sac, le paquet de chips que j'avais pris pour lui, ainsi que la canette de bière. "C'est pour toi." Non, je n'avais pas pitié de toi. J'avais trouvé cela drôle. Puis tu y étais presque arrivé, alors ça valait bien un repas un peu plus copieux, qu'un simple sandwich, non?

Quelques secondes de brouillard complet avant que l'image et le son ne reviennent entièrement. Le corps fait mal, mais faudra composer avec. Denzel a connu pire, c'est pas une chute en vélo qui va réellement l'arrêter. Tout ça pour voler un sandwich à trois dollars, il ferait presque pitié. Quelques mouvements avec la tête, le temps de faire craquer les cervicales et le blond se redresse; réajuste la casquette sur sa chevelure dorée. Et c'est là qu'il arrive, cet inconnu qui lui tend la main. Pas besoin de savoir qui il est, ni d'où il peut sortir; du moins, pas pour le moment. C'est pas tous les jours qu'on lui tend la main, alors Denzel s'empresse d'accepter le geste et se relève, enfin. - Merci bien. ça tourne un peu, mais ça passe. De toute façon, le jeune homme ne souhaite pas perdre de temps. Le regard tourné vers la rue, là où le caissier le poursuivait. On dirait qu'il a lâché l'affaire, tant mieux pour lui. Attention reportée sur l'homme lui faisant face, canette de bière et paquet de chips qu'il lui offre, sans que Dz ne comprenne pourquoi. - C'est pas nécessaire.. Je fais pas la manche. c'est tellement rare que la générosité n'attende rien en retour, qu'il est, pour l'instant, incapable d'y croire. Incapable d'accepter, surtout. - J'peux pas rester dans le coin, les flics vont probablement débarquer. ce serait un miracle que l'épicier n'ait appelé personne en renfort. Les merdeux dans son genre, c'est la bête noire des petits commerces. - Vas-y mec, on bouge ! parce qu'il entend les sirènes, et qu'il prendra pas le risque de se faire choper. Courir dans les petites rues de la ville, il sait faire. L'adrénaline n'était visiblement pas assez élevée dans son corps, il fallait en rajouter une couche. Désolé - ou pas - pour le brun, qui n'avait rien à voir avec ses histoires.   

"Les flics ? S'ils arrivent ce sera pour moi et non pour toi." Lui dis-je directement. Ils n'allaient pas se déplacer pour un petit voleur de sandwich, ni pour moi. Mais je voulais le mettre en confiance. "Contrairement à toi, a côté du sandwich, j'ai volé deux paquet de chips et cette cannette de bière." Je comprenais totalement sa réaction et le fait qu'il n'ait pas accepté mon petit cadeau. J'aurais réagit de la même façon que lui. J'avais beau vivre dans la rue, il ne m'est jamais arrivé de faire la manche, je ne voulais pas en arriver à ce stade. Je volais. Je profitais des filles. Puis j'ai eu la chance que mon meilleur ami réussisse dans sa vie, mieux que moi. "Allons-y." Terminais-je par dire, si cela le rassurait de quitter le quartier.


Alors que nous marchions avec un pas pressant pour quitter le quartier, je regardais le jeune homme. Il ne semblait pas sans abri. Peut-être juste n'avait-il pas les moyens pour se payer un repas correct. Ou alors était-ce juste pour l'adrénaline du vol à l'étalage. J'en avais des questions, oui. Mais je me taisais. Ne voulant pas l'effrayer, ou qu'il pense que j'étais un flic ou autre. Non, je ne le suis pas. J'étais juste un mec paumé comme lui. Sans vouloir tirer des conclusions hâtives. "Je m'appelle Wilby." Décidais-je de lui dire. Chose que je ne fais normalement jamais : donner mon vrai prénom. Mais si je voulais qu'il me fasse confiance, il fallait que je commence par être honnête et franc avec lui.

C'est vrai, les flics n'allaient probablement pas se déplacer pour un petit voleur de sandwich; l'affaire serait plutôt reléguée en bas d'une pile de dossiers, tous en attente et pas foncièrement urgents. La seule chose qui inquiétait Denzel, c'était le casier judiciaire et l'historique de son passage en cellule, facilement retraçable pour les forces de l'ordre. Loin d'être inconnu des services, on avait tendance à le mettre d'office dans la catégorie des coupables, quelle que soit le motif. Et c'était ça, qu'il souhaitait éviter. - Plus facile quand l'épicier est sorti du magasin. Petit joueur. clin d'oeil amusé du gamin, taquin dans le moindre de ses mots. - J'aurais fait pareil. s'empresse-t-il de rajouter, mince sourire aux lèvres. On appelle ça "tirer profit de la situation", et c'est totalement son style, habituellement.

Quelques coups d'oeil en arrière pour être certain qu'ils ne soient pas suivis, coupant par les petites rues en évitant soigneusement les artères trop fréquentées du centre; Denzel finit par se détendre complètement et n'hésite pas à sortir une cigarette de son paquet, expirant brutalement la fumée tout en constatant l'apparition d'une douleur costale. Manquait plus que ça. - Denzel. répond-il en le regardant du coin de l'oeil, avant de tendre le paquet dans sa direction. - Tu fumes ? c'est peut-être idiot à dire, mais certaines amitiés commencent par là: le simple partage d'un bâton de nicotine. La drogue, c'est bien connu que ça rapproche.  

Le jeune homme semblait se détendre suite à ce que je venais de lui révéler. Mon vol. Et sa réponse me fit sourire. "Ouais j'en ai profité, j'avoue." L'occasion avait été trop belle pour la laisser passer. Mais ce n'était pas la première fois que je le faisais. J'avais pris plus de risques plus jeune. C'était l'occasion de revenir en arrière, mais aussi de faire connaissance avec le jeune homme. Etrangement, j'avais envie d'en savoir plus sur lui et sur ses raisons. Simple curiosité. Après que nous nous soyons éloignés du quartier, nous nous échangeâmes nos prénoms. "Enchanté." Dis-je avec un sourire aux lèvres. Je sentais que quelque chose pouvait se passer entre nous. Amicalement parlant. Je me voyais un peu en lui. "Ouais carrément." Je lui piquais une cigarette. "Merci." Après l'avoir allumé et mis en bouche, je lui demandais. "Alors, le sandwich ? C'était pour l'adrénaline ou parce que t'es vraiment dans la merde ? Financièrement parlant ?" J'espérais ne pas lui faire peur en étant aussi direct.

Deux voleurs dans la même épicerie. Clairement pas une bonne journée pour le shop en question. Et déjà, l'idée de recommencer, naissante dans son esprit; mais avec un complice, cette fois. Lui. Parce qu'il est doué, et qu'il sait tirer profit du malheur des autres. Dans ce monde, faut être con pour survivre; Denzel l'a appris à ses dépens. - On formerait une fine équipe tiens. le premier détourne l'attention, le deuxième dérobe. En fonction des cibles, ils pourraient se remplir les poches. Encore une idée stupide Denz'.

Assez confiant pour échanger les prénoms, assez complices pour partager une cigarette. Les meilleures histoires commencent toujours avec du poison. C'est une technique universelle, limite ancestrale. Mais c'était sans compter sur la question suivante, celle qu'on tait en règle générale; parce que c'est plus simple ainsi. - Ca change quelque chose ? demande-t-il sans prendre la peine de le regarder, se contentant de poursuivre sa route en direction du bord de mer. - J'ai pas besoin de pitié. Ni de compassion. mais il s'en doute, n'est-ce pas ? Il devait même s'attendre à une réaction aussi défensive de sa part. - Je suis Robin des bois. tu sais, celui qui vole les riches pour donner aux pauvres ? Excuse en carton, presque plus ironique qu'autre chose. Il n'est rien du tout, et tout est parfait de cette manière.  

L'idée était bonne de former un duo. Il est vrai qu'on en ferait un bon d'ailleurs. Mais je ne sais pas si j'en serais capable. Après tout, cela fait dix ans que je me débrouille seul, sans compter sur quiconque. A part Kaiden. Mais c'est différent. Il ne m'aide pas à voler ou autre. Non, lui, il m'aide juste financièrement lorsque je suis vraiment à la ramasse. "En effet, ça peut se discuter." Terminais-je par répondre. En fin de compte il n'était pas le seul à être sur la défensive le petit.
Tout en marchant, je me mis à lui poser des questions. Des questions peut-être un peu trop indiscrète. Je le savais. Moi-même, je n'y aurais surement pas répondu. Alors je ne lui en voulais pas de ne pas y répondre directement. Ma curiosité était surement mal placée. Peut-être qu'un jour, plus tard, si nous nous revoyons, j'en saurais un peu plus à son sujet. Mais il est vrai que pour une première rencontre, j'en pose peut-être un peu trop des questions. "Je vois." J'en aurais bien eu besoin d'un robin des bois. Bien que je n'aurais surement pas accepté. Comme il venait de le dire pour lui-même : pas de pitié ni de compassion. "J'ai vécu dans la rue." Dis-je directement. Et j'y serais surement si je n'étais pas entré à Harvard. J'avais maintenant un toit sur la tête, mais je continuais tout de même à voler, de temps en temps, pour mes repas. Etrange non ? Surprenant venant de quelqu'un qui a sa place dans une telle université. Ouais, mais c'est pas moi qui ai payé. Bref.

Qu'on se le dise, c'est une idée d'enfer. A deux, les opportunités s'élargissent; ils pourraient même viser des commerces plus conséquents. Denzel n'a pas vraiment de limite à son génie; ou à la connerie, dans ce cas précis. Quand on a rien à perdre, les barrières s'envolent; ne laissant que des opportunités à prendre, ou à laisser. - Réfléchis-y sérieusement. le regard est appuyé cette fois, sous-entend une véritable proposition. - Si on le fait pas pour nous.. On peut le faire pour les autres. comme robin des bois. T'es un cliché vivant, blondinet. Mais personne ne lui enlèvera ça. Il aime faire le con, autant que rendre service. Wilby est clairement direct dans ces questions; un poil trop pour le gamin. Trop tôt, surtout dans ces circonstances. Un jour peut-être, s'ouvrira-t-il de manière spontanée, sans se poser plus de questions. Mais pas ici, pas aujourd'hui. Le brun est déjà conscient qu'il vole, qu'il pourrait avoir des ennuis avec la police. Et qu'il a volé un sandwich, pour se nourrir. Ca fait pas mal d'informations gratuites, pour une première fois. - Toi, tu passes pas par quatre chemins, pas vrai ? souffle-t-il en esquissant un sourire amusé, se dirigeant vers un escalier de secours. Objectif: aller poser son derrière en hauteur et manger au devant d'un somptueux panorama. - Amène toi, on sera tranquille là-haut. pas grand monde dans le coin, personne pour venir les embêter pendant le repas. - J'imagine que t'en es sorti, du coup ? Vu comment t'en parles. ajoute-t-il tout en grimpant les marches, s'aidant des rambardes en fer pour aller plus vite. Vagabond un jour, vagabond toujours.  

Je secouais la tête tout en lui souriant pour lui montrer que j'allais réellement y réfléchir. Ne souhaitant pas lui donner de réponse directement. Cela fait des années que je fais tout en solitaire, plus ou moins. Cela sera compliqué pour moi de tout remettre en cause. Mais il est vrai que je voyais bien un duo comme le notre. Puis comme il le dit, si on ne le faisait pas pour nous, nous pouvions le faire pour les autres. A méditer. "Je ne veux pas que tu te méprennes à mon sujet." Répondis-je, parce qu'au contraire, je ne suis pas de ce genre normalement. Je fonce oui, tel un bélier que je suis. Je ne réfléchis pas avant de parler ou d'agir, mais très rarement je suis franc. Préférant mentir, pour ne pas me mettre trop dans la merde. Je le suivis là où il m'emmena. Il semblait tellement à l'aise. Je l'appréciais déjà ce garçon. Dommage que je ne l'ai pas rencontré plus tôt. Mais vaut mieux tard que jamais, n'est ce pas ? "Ouais... Mais seulement parce que je suis rentrée à l'université." Je me retenais de dire que c'était aussi un choix que de rester dans la rue. Ayant un salaire, j'aurais pu m'offrir un logement, seulement je n'y voyais pas d'intéret. Je préférais garder mon salaire pour d'autres choses : comme les jeux par exemple. Puis, on n'y est pas si mal dans la rue. Surtout lorsqu'on se débrouille comme moi à trouver des femmes qui peuvent nous loger le temps d'une nuit. Ni vu, ni connu. "Enfin bon, tout ça pour dire que tu ne dois pas te méfier de moi. Je suis la dernière personne qui viendrait te faire chier." Je contemplais la vue qui nous était offerte, et je me mis à rire. "Tu ramènes des meufs ici ou quoi?" S'en était presque romantique... D'autant plus que j'imaginais l'endroit la nuit ou au moment du coucher du soleil. Pas mal. J'allais peut-être lui piquer l'idée.