(albus&becca) une belle amitié peut commencer à partir d'un désastre.

Il y a cet endroit en ville qui est devenu en quelque sorte mon repère, mon QG. Il y a encore quelques semaines je ne le connaissais pas du tout, mais alors que je me promenais un soir, le nom de l’endroit m’a interpellé et depuis j’y vais au moins deux/trois fois par semaine. Il faut dire que j’y ai aussi un trouvé un ami, un compagnon de beuverie. Albus. La première fois, je ne l’avais même pas reconnu, lui si. Il a fait les deux autopsies de mes fils. Je ne sais pas vraiment si on en a parlé. Pour être honnête, je ne me rappelle quasiment pas de nos moments ensembles. Mes rares souvenirs vont de nos débuts de soirées, et après c’est le trou noir. Je me réveille chez moi, ou sur son canapé, ou encore autre part. Même en ayant aucuns souvenirs, je sais que je passe du bon temps avec lui et c’est pour ça que je continue à venir ici et à le voir.

*****

Ce soir, il semblerait que je sois venue un peu plus tôt que d’habitude car après trois pintes de bière, il n’était pas encore là. Ou alors était-il tout simplement en retard. Il allait devoir me rattraper. Alors que je commandais une quatrième pinte, je le vis enfin franchir la porte de l’établissement. Je lui fis un signe de la main afin qu’il m’aperçoive. Je ne m’en rendis pas compte, mais à son apparition, j’en souris. J’étais heureuse de le voir. Et ce sentiment de joie, je ne le connaissais plus depuis quelques semaines maintenant. “J’ai cru que tu n’allais pas venir.” Et alors qu’il se trouvait à mes côtés, je me vis l’enlacer. A la pensée de ne pas le voir ce soir me fit me rendre compte à quel point je m’étais attachée à sa personne.

@Albus Jasinski

Le Loup revient à la tanière. De l'homme, il ne reste plus grand choses, point de grandes attaches, myocarde flétri et givré de ses pertes. C'est dans mes enfers que je replonge. Soir après soir. Je promets pourtant de ne pas recommencer mais la tentation est trop grande. Oublier, ne serait-ce qu'un instant. Oublier mon Diable, oublier mon Ange. Celle que j'ai offert en sacrifice dans d'absurdes luttes. Elle était lumineuse, emplie de bonté et innocente encore. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit elle ? J'aurais pris sa place de bon gré, mais la vie est cruelle, s'obstine à me maintenir ici bas. Alors, je me moque d'elle, je viens attiser ses fléaux en me perdant davantage chaque soir. Dans mes débauches, j'ai rencontré une Alliée. Cette femme qui a perdu ses raisons de vivre, époux plongé dans l'entre deux mondes, les héritiers dormant sous terre. Beaucoup de drames pour une seule femme. Et pourtant, j'admire sa force. Paradoxalement, elle éveille en moi des relans de tendresse, de ces humanités qu'on garde malgré soi, malgré les amertumes qui nous gagnent. Le travail m'a absorbé plus tard qu'habituellement, et je tente de rester sobre lorsque j'enchaine les gardes. Le boulot a toujours été mon rempart. Mais l'heure est venue, et un certain empressement à la retrouver. Quoi qu'on fasse finalement, le cœur s'attache, ce traître. « Désolé, j'ai eu plus de travail que prévu. » Mes bras répondent aux siens, enferment sa taille gracile entre mes paumes, avec tendresse, une possessivité animale et latente. Complice de mes enfers. Mes lèvres marquent avec un doux appui l'ombre de sa pommette. « Et toi tu ne m'as pas attendu. » Clin d'oeil appuyé, alors que je commande un whisky double sans glace. « Je vais devoir te rattraper. » Pour que les démons nous enlacent ce soir encore, qu'on oublie de concert dans nos vaporeuses atmosphères. Les débris du ciel désormais enterrés.

Bientôt un an que j’ai perdu mon fils et mon mari. Bien que celui-ci soit toujours vivant... mais plus réellement de ce monde. Il ne semble pas vouloir savoir ce qu’il veut : mourir ou vivre. Rester auprès de sa femme et sa fille ou rejoindre son fils. Bientôt un mois que j’ai accouché et perdu ce nouveau-né. Trop de choses se sont passées en si peu de temps. Et bien que j’aie réussi à me relever lors de la première épreuve, à l’heure d’aujourd’hui, je n’en ai plus aucune envie. A quoi bon ? A quoi bon suivre les règles et être un modèle pour tout le monde, si c’est pour vivre un tel enfer ? “Tu commences à me connaitre, non ? Je ne suis pas du genre à attendre en me tournant les pouces.” Ce contact avec lui me faisait du bien. Je n’ai pas forcément envie de coucher avec ou de vivre quoique ce soit dans ce genre, bien que de nos nuits oubliées, qui sait ce qui a pu se passer. Mais j’aime ce rapprochement et savoir qu’au fond, je peux compter sur lui. Pour le moment, j’ai simplement besoin d’une compagnie de beuverie, mais qui sait, plus tard, lorsque je me déciderais à revenir à la réalité... Si jamais cela arrive. “Fais donc.” Répondis-je tout en souriant. Nos deux boissons arrivèrent quasi en même temps. “A nous.” C’était devenu notre petite tradition à chaque premiers verres pris ensembles. A nous. A cette amitié, des plus bizarres, mais qui semble totalement nous convenir, pour l’instant.

@Albus Jasinski

Etrange complicité qui s'est développée entre nous. De celles qui relient les cabossés, les Arrachés du cœur. Béances en commun et vices aspirées par nos âmes. On tente d'oublier dans les substances, la douleur. Sachant pertinemment que cela ne nous enlèvera pas cette pierre froide et rugueuse sur les vestiges du cœur. Mais on partage et c'est déjà suffisant dans un monde de solitude. Savoir que tu seras là est une étrange consolation. Seul soutien dans nos destructions. Qu'on tombe ensemble et peut-être que la chute sera moins lourde. Si tes bras m'enlacent. Billes apatites qui observent tes matures désenchantées. « Et tu fais bien. » Rien de pire que la passivité. Au moins, on accélère le processus à défaut de le subir. Je commande un verre pour te rattraper, une fois le contenant posé, mes phalanges osseuses et graciles de pianiste ignoré viennent l'entourer. Ma gorge s'en repaît, de ce feu empoisonné. « A nous. » avais-je dit, juste avant de poursuivre mon geste. « Alors ta journée ? » Suffisamment difficile pour vouloir l'oublier. A priori.

La soirée promettait. Comme toutes celles que l'on passe ensembles. Même si je ne me souviens pas de toutes celles que l'on peut passer ensembles, je sais pertinemment que je passe un bon moment avec lui. Car oui, après chaque soirée, je me sens plutôt bien. Apaisée. Fatiguée, avec un mal de crâne très souvent, certes, mais moralement, je me sens bien. Ce qui est étrange étant donné que je ne me rappelle pas de ce que l'on a pu se dire. Mais il faut croire que cela joue énormément sur mon moral, et c'est ce qui importe. Une fois son verre servi, il me demanda comment s'était passé ma journée. Je ris nerveusement. "Pas la meilleure, mais pas la pire non plus. Une journée comme toutes les autres, en ce moment." A vrai dire, je les subissais plus qu'autre chose mes journées. Attendant avec impatience qu'elles se terminent, afin de passer au lendemain. Espérant quoi au juste ? Qu'elle soit meilleure ? J'ai espoir, même si au fond cela est difficile d'avoir une bonne journée en ce moment. "Et la tienne ?" Je ne savais encore pas comment il faisait pour faire ce qu'il faisait : travailler avec des morts. Sur le morts. Mais il faut de tout pour faire ce monde. "En tout cas, je suis certaine que notre soirée sera meilleure." Il n'y avait aucun doute là dessus. Je lui fis un énorme sourire. Etant réellement heureuse qu'il soit là, à me tenir compagnie ce soir.

@Albus Jasinski

On vient ici pour oublier, mais la courtoisie habituelle veut qu'on échange les questions de rigueur. Nos journées sont pourries, dépourvues de sens et ce depuis quelques temps, mais vois comme je souris poliment à ta réponse, ne prenant que peu d'égard pour te raconter la mienne. « Intéressante, comme toujours, il y a pas mal de travail et je n'étais pas entouré d'incapables aujourd'hui malgré la période estivale, je m'estime chanceux. » Des fois, le bonheur tient à peu de choses. Mais je souhaite désormais qu'on se concentre sur notre soirée, poursuivant la descende de ma boisson, on lâchera ensemble, laissant la brume nous parer pour mieux nous aider à poursuivre le lendemain. « De quoi as-tu envie pour notre soirée ? » C'est notre petite habitude, laisser parler la spontanéité, la vérité sans s'attacher à ce que les autres pourraient penser, que les souhaits soient simples ou plus originaux, peu importe, on suit la pulsion du moment.

Albus me raconta sa journée, en gros. Sans rentrer dans les détails, et cela m'allait très bien. Non pas que je m'y intéressais pas. Mais ce n'était pas pour cela que nous nous étions retrouvés ce soir. Je lui souris donc, afin de lui montrer que j'étais contente que sa journée s'était "bien passée", si on peut dire cela ainsi. Car tous les deux, nous ne vivons pas nos journées, nous les subissons. Du moins en ce moment. On les subit, attendant que le lendemain soit meilleur. Que nous allions mieux, tous les deux. Sans réellement savoir si nous irons mieux un jour. Je regardais autour de moi, puis vis une cible de fléchettes libres. "Une partie de fléchettes ça te dit ?" Evidemment, ca n'allait pas être une partie comme les autres. "Si tu perds tu bois." Rajoutais-je avec un grand sourire. Sans même attendre sa réponse, je me levais pour aller commander des shots pour tous les deux. Le laissant sur ma règle des plus simples. Une fois les shots en main, je le rejoignis vers la cible. "Je suis gentille, je te laisse commencer."

@Albus Jasinski

On se retrouve dans le vide de nos nuits pour nous changer les idées. On se laisse porter, parfois dans les folies, d'autres dans les drames et on garde toujours un souvenir vaporeux de nos nuits. On lâche prise et je me sens suffisamment en confiance avec toi pour le faire. Des années que je ne le fais plus, que je contrôle tout en permanence, mais cette soupape que je trouve avec toi, elle me fait un bien fou. Elle me permet de continuer comme si de rien était lorsque l'aube vient de nouveau draper le jour sur les nuits solitaires. Un instant, je retire le masque, je respire à nouveau, et je laisse la spontanéité s'emparer de mon corps, de mes pensées. « ça marche. » Jeu léger, sans conséquences. Je prends la première fléchette, la lançant parfaitement dans la cible. Mais je prends un shot quand même. « Sinon ce sera trop long. » Sourire rapide et discret. Je suis agile et je tiens bien l'alcool alors que je dois participer de mon plein gré à ma destruction histoire de te suivre dans la danse déchéante qu'on programme. « à Toi. » Plante l'aiguille dans ce cœur boisé, touche la cible pour qu'on puisse mieux couler.

Le jeu semblait convenir à mon ami. Heureusement, parce que sinon je n'avais aucune autre idée. Ayant déjà un peu les idées embrumées par les verres que j'avais pris en l'attendant. Je retenais que lors de notre prochaine soirée ce serait lui qui devrait donner une idée de quoi faire ensembles. Chacun son tour. Je le vis alors planter directement la fléchette au centre. M'aurait-il caché son talent ? "Je me suis peut-être trompée de jeu enfin de compte ..." Parce que contrairement à lui, je n'étais pas aussi bonne. J'allais enchainer les shots, je le sentais. Et comme s'il avait lu dans mes pensées, il se prit tout de même un shot, prétextant que ce serait trop long sinon. J'en ris, avant de jouer mon tour. Fléchette en main, je lui dis. "Regarde mon talent." Au lieu de lancer la fléchette, je l'accompagnais pour la planter en plein dans le mille. "Tir parfait." Dis-je en me retournant et en lui faisant face. "Ca vaut le coup que tu prennes 2 shots ça !" Bah quoi ? Il fallait bien qu'il me rattrape. Puis je voulais aussi voir s'il était aussi bon après quelques grammes d'alcool dans le sang. Pour le moment, ce n'est pas très drôle.

@Albus Jasinski

Oui c'est pas le meilleur jeu pour me faire boire rapidement. Militaire de carrière, je ne compte plus mes heures d'entraînement au tir ni même en activité réelle, malheureusement. Je suis médecin avant tout, mais intégrer l'armée m'avait poussé à développer davantage certaines facultés. Alors, qu'importe le jeu, tant que j'ai l'ivresse, tant que je suis avec toi. Sourire marqué et furtif alors que ma trachée se délecte du feu de l'alcool. Je t'observe, accompagner la flèche par toi-même dans la cible, rictus peint sur mon marbre. « Tu as un talent indéniable. » Tu devrais même songer à faire carrière. J'enchaine deux shots de plus, dans le plus grand calme, sentant le sang me chauffer légèrement, on est encore loin du compte mais ça va venir, doucement. Je commande deux supplémentaires, t'en apportant un après avoir lancé une nouvelle fléchette. « On devrait pas boire quand je rate en fait. » Oui, je change les règles et ce sera sans doute plus rapide la descente. J'enchaine les tirs et je sais même plus trop, mais ça y est, l'ivresse me gagne, je me sens plus léger. Diable, comme c'est bon. « Si on pouvait crever nos démons avec un dard, ce serait trop bien. » Mais les nuages planent et reviennent toujours à l'aube. « J'ai envie de danser Rebe. » Lâcher, plus réfléchir et je crois que je suis enfin en état de le faire.