TAMARA CHENG ► haruna kojima

Tamara Jacey Cheng est un drôle de personnage, diront tous les gens qui ont pu la côtoyer.
Née d'une famille extrêmement riche, d'un père entrepreneur et d'une mère ancienne mannequin à Shanghai, Tamara aurait pu être élevée comme l'héritière, la petite princesse pourrie gâtée qui ne ferait jamais rien de sa vie hormis porter des robes hors de prix pour accompagner ses parents à tel ou tel gala officiel.
Mais non. Tamara Cheng n'est pas ce genre de fille. Quand elle se regarde dans un miroir, elle se trouve trop grande, trop maigre, aux oreilles trop décollées et déteste la paire de lunettes qu'elle a sur le nez. Elle déteste se coiffer et se contente de laisser ses longs cheveux brun foncé en bataille, elle déteste faire du shopping et porte des vêtements disparates récupérés au détour de placards ou de friperies. Elle se déteste elle-même, si bien que personne ne l'a jamais vraiment aimée à sa juste valeur.
Vous vous attendez à voir une héritière de la famille Cheng comme une sublime jeune femme prête à se marier, revêtant ses plus prestigieux habits, douée en cuisine et souhaitant avoir de nombreux enfants pour perpétuer la famille Cheng ? Tamara Cheng est étudiante. Elle étudie la médecine, a les mains dans des cadavres dix heures par jour pour décrocher son diplôme et commencer son internat, et elle aime ce qu'elle fait. Elle est grande, maigre, vêtue de chemises à carreaux, une paire de lunettes souvent tordues sur son nez, les cheveux en bataille ou attachés à la va-vite avec une pince, plongée dans un bouquin. Elle est mal à l'aise pour parler en public et n'a jamais ramené un quelconque garçon à la maison.
Depuis son enfance, Tamara Cheng aime étudier. Elle est très intelligente, mais aime étudier. Elle a parcouru les écoles les plus prestigieuses de Taiwan, non seulement parce que sa famille pouvait les lui payer, mais aussi parce qu'elle décrochait les concours à la suite les uns des autres.
Cependant outre sa famille, Tamara inquiète. C'est pour cela que ses parents ont pris la décision de l'envoyer aux Etats-Unis : pays extraverti, connu pour ses rêves de réussite sociale et professionnelle, « l'oncle d'Amérique » de beaucoup de gens. Dans l'espoir de voir leur fille lâcher un peu ses livres et mettre le frein sur l'excellence pour la voir voler de ses propres ailes et avoir une vraie vie d'étudiante...
La seule chose pour laquelle Tamara se lâche et s'amuse, c'est la musique. Mais jamais en public : toujours seule, dans une pièce fermée. Pour jouer de plusieurs instruments : batterie, guitare, piano principalement. Elle chante aussi, et c'est d'ailleurs son instrument favori, sa voix. Mais elle a tellement peu confiance en elle que les seuls talents musicaux qu'elle montre au monde sont le solfège, et quelques notions pratiques pendant les examens obligatoires. Mélomane, talentueuse. Rares qualités pour une héritière richissime.
Si vous croisez Tamara Cheng sur le campus, autant vous le dire tout de suite : vous ne la verrez probablement pas si vous ne la connaissez pas. Elle est insignifiante, elle est banale. C'est une riche héritière taiwano-chinoise, mais personne ne lui prête attention, ici, à Harvard... Elle est effacée, discrète, silencieuse, sauf si l'occasion se présente.
Donnez lui un corps à recoudre, et là, on pourra reparler de la vraie Tamara Cheng.