BÉBÉ-LOUP COHEN ▶ JOSÉPHINE SKRIVER

un sourire dégoutant. cette rangée de dent, pareil à celles d'un redoutable prédateur, la nargue étrangement. si blanches, mais sombres en même temps. feinte gentillesse qui dissimule que d'arrières pensées. sa petite moue d'enfant disparait, et se fausse derrière un rictus léger. elle sert davantage la main gracile de sa mère, et se cache derrière sa longue jupe plissée. le monde la terrifie, et la laisse déjà si perplexe. si proche d'être désillusionnée, même si cela ne saurait tarder. un jour où l'autre, cette inique réalité la percutera, comme nous tous. son regard rêveur se pose sur la foule grouillante, et l'examine déjà avec un dégout non contrôlé. la laideur l'inquiète, et cette absurdité qui se lit sur leurs visages faussement épanouis ! ces sourires sans raison, et cet esprit si simple! un haut le cœur lui vient déjà. elle s'agrippe encore plus à sa mère, se confortant dans la douceur. « oui, mon cœur ? » s'inquiète-t-elle innocemment. la désignée écarquilles ses yeux. de sa rêverie ainsi tirée, elle peine à retrouver le fil de la réalité. « on s'en va maman ? » bredouille bébé, la mine boudeuse. si jeune, l'humain n'a de grâce à ses yeux. si jeune, la vie a perdu sa saveur, et n'est plus qu’insipide. « maintenant ? ce n'est pas un peu tôt ? » se plaint cette grande enfant. toujours, elle a conservé son mental d'autrefois, comme si tomber enceinte si jeune, et si fragile l'avait empêcher de grandir. les rôles sont presque inversés. bébé veille sur sa tendre mère qui peine à sortir de son adolescence à peine trépassée. « tu décides, après tout. » se résigne-t-elle avec plaisir, malgré tout. les concessions ne sont que quotidien lorsque l'un possède plus de maturité que l'autre. mais, n'est-ce pas après tout que du pessimiste ? cet esprit critique et réaliste n'est-il pas qu'une vision morne et trop franche de la triste réalité ? ne faut-il pas parfois une once d'idéalisme ? bien évidement. lorsque l'on est déjà valdingué ce monde inique, à quoi bon ? l'on ne fait que voir par son prisme, en somme. chacun décide. tout comme cet imbécile ; il a pensé avoir emprunté la voix idéale, mais aussi sombre que son âme. il a osé croire en l'amour une piètre fois, et est tombé de haut. il en était incapable, s'en est-il rendu compte à ces horribles mots qui lui annonçait un tel bouleversement. crise et larmes. étais-ce un crime de fuir ? le malheur, as-t-on le droit de le fuir si on le partage avec un autre que soi ? s'il est fait à deux ? et si l'origine du problème, ce qu'il a quitté, est un bébé ? vaste question. les explications se contredisent et se heurtent à la raison. son esprit s'embrouille et est pris d'un brouhaha infernal.

peu importe.


peut importe. rien ni personne ne lui en tiendra rigueur, si jamais elle meurt. son corps abandonné prendra la poussière dans le néant, et aucun ne viendra honorer sa mémoire. si obsèques il y a, sa tombe demeurera vide de fleur. c'est le prix à payer de l'extrême différence, de la solitude. elle est en a toujours eu conscience, et cela la détruit. savoir qu'à jamais vous serez oublié, et que rien ne peut y remédier est un gouffre profond. bébé résonne avec pessimiste, affalée dans sa baignoire, l'eau brûlante coulant doucement. les larmes roulent sur ses joues, et viennent se déposer dans le creux de son cou. elles attaquent sa peau, et laissent des traces indélébiles. sa main court le long de son avant-bras. que d'injustices. que de mésaventures. que davantage de raisons, mais qu'une solution. freak. lit-elle sur son ventre, sauvagement entaillé. un liquide vermeil y luit encore. la beauté de la souffrance. une goutte s'y échappe bientôt, et se fraye un chemin jusqu'à une voisine. un peu plus loin se dessine fat en lettres hachées, mais d'une taille risible. sans doute à bout de souffle. et tant d'autres s'en suivent! que de tristes conséquences! souvent, elles ne sont causées que par la méchanceté humaine, et le rejet. un mauvais regard la détruit, la ravage. des murmures haineux la font défaillir. à fleur de peau. en toute circonstance. un défaut ? peut être. ses yeux se ferment, et la coupent quelques instants de ce monde inique. ses doigts se ferment sur un objet métallique si salvateur. sa lame n'est qu'une promesse et sa faiblesse une entrave. bébé la fait jouer le long de son poignet et remonte doucement. la douleur est lourde, mais la rend plus légère, étrangement. un flot épais pleure lentement. il déverse sa misère. l'eau déborde. la mère cri. son monde est déjà détruit. adieu la vie, elle espère.

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