jaspeandra ∞ such a lonely heart

such a lonely heart


Deux bouteilles de vin. On savait faire avec autre chose, on se souvient de la vodka sur cette plage, de ce baiser qui nous a amené aux ennuis, des autres, des suivants, des prochains. Baisers. Ennuis. Cette fois-ci, je viens pour panser des plaies, parce que t'était que trop habitué à panser les miennes. Je frappe à la porte, chez Spencer. J'ignore qui c'est, probablement une de tes conquêtes, j'en sais rien, je m'en fous. T'es à la dérive de toute façon et parfois je sais même plus qui tu es. Je frappe, et quand t'ouvres, je montre les deux bouteilles. "J'en ai une troisième au cas où c'est pas assez." un sourire et puis j'entre, regardant autour. "T'es partout chez toi." chez toi, chez l'autre qui t'a laissée, chez elle.


@Jasper O. Ellington

Squatter un appartement déjà vivant, puisque je suis incapable de faire respirer des murs à moi-seul. Multiplier les verres, et les cachetons dedans. Le mélange est intéressant, ça anesthésie le coeur quand tu cumules. Tu m’aides un peu ? Inviter le bourreau à panser les plaies, c’est un art que nous seuls comprenons. Alors tu débarques. « Je vois que t’as prévu juste. » Sourire esquissé à la bouche. Laisse entrer, regarder, observer. J’ai jamais été bien dans mon appartement sans âme. Ici y a des jouets de Junon sur le sol encore, et des vêtements de Spencer qu’elle est pas foutue de ranger. C’est chez elle, après tout. Elle, elle peut le dire. « T’aimes pas ? » Luxueux, décoré avec goût. Prend les bouteilles, les dépose sur le bar. « Sa chambre d’ami est plus confortable que ta salle de bain. » Amusé, récupérant manteau et sac, largués sur une chaise.

Je prévois toujours parfaitement, tu me connais. Je connais aussi tes intentions et tes envies. Je sais que la noyade dans un liquide amer, c’est ce dont tu as besoin. On a le don pour s’accompagner dans nos peines et être rarement présents dans nos joies. « Ça te ressemble pas. » j’allais dire que ça sentait mauvais mais ce ne serait pas élégant de ma part. Je m’amuse de la décoration, des jouets au sol. « T’as quel âge déjà ? » juste savoir si je peux te juger du coin de l’œil. Un sourire amusé aussi en retour, « Après si tu te sens chez toi.. » mais je sais que c’est faux. Tu te sens pas chez toi, tu te sens chez elle. « Et pour ta gouverne, j’ai une chambre d’ami, c’est toi qui a choisi la salle de bain. » par chambre d’amis comprends surtout le salon.

J’sais plus ce qui me ressemble et ce qui me ressemble pas. Je nage là-dedans, et j’attrape au passage ce qui pourrait me soulager, même brièvement. Le boulot, Junon, les sorties avec des gens sans intérêt. Junon qui martèle toujours ces questions à la con, qui font que c’est souvent Spencer qui le gère quand elle rentre. Mauvaise idée de lier le gosse à une autre famille. Quand la famille se barre, ça laisse un vide au père, et au fils. Mais tu viens le meubler comme tu peux. La langue qui claque contre le palet. « J’suis pas beaucoup plus vieux que toi. » Sourire amusé. La fatigue trace quelques sillons supplémentaires, d’accord. « C’est pas si mal ici. » Esquive adroite. J’me sens pas chez moi, mais y a aucun endroit où j’ai cette quiétude. Peut-être que j’étais pas si mal sur le sol froid de ta salle de bain. « Tu m’aurais pas supporté deux jours sur ton canapé. » On sait tous les deux que cette combinaison est impossible. Les doigts s’affairent, sortent deux verres et ouvrent l’une des bouteilles. « T’as faim ? » J’ai souvenir qu’on était pas si mauvais, quand on s’y mettait à deux.

Je découvre un nouvel endroit, non sans amertume. Je savais pas, que tu créchais chez tes plans culs, mais c'est bon à savoir, ça offre une nouvelle facette de toi que je ne connaissais pas. "Non j'demande parce que t'es celui qui fait de la coloc alors qu'il est à la tête d'une entreprise." et offre un sourire moqueur. Tu les connais ceux-là, les sourires faux qu'elle offre quand elle se moque de toi. Ce serait peut-être plus sain pour Junon d'avoir une vraie maison. "Après deux jours sur le canapé je t'aurais mis trois jours sur le tapis, le changement ça permet d'accepter plus de choses ensuite." des taquineries, jusqu'à ce qu'il sorte deux verres et que je m'y avance. "Je meurs de faim ! Tu vas m'préparer un truc ?" j'espère que tu sais où sont rangés les provisions, parce qu'on est pas sorti sinon.

J’arrive pas à me stabiliser. Ecrivez mon histoire, et regardez combien mes déambulations sont ridicules. Trop d’appartements, trop de rêves bafoués. Trop de battements de cœur, pour trop d’êtres. Moi, j’demandais qu’un peu de simplicité. « Tu m’vois errer dans une maison seul comme un con ? » Junon, une semaine sur deux. On dirait un titre de film. J’étouffe dans ce silence. Ici, Spencer les habille. Les prunelles glissent sur toi, et le sourire se revêt d’un rictus railleur. « Et tu t’étonnes que personne ne veuille dormir chez toi. » On peut entendre en fonds, le bruit de la balle renvoyée de l’autre côté du filet. On aime pas la vie de l’autre quand on en fait pas suffisamment parti. Verres servis. Réclamation de l’estomac d’en face. « Je fournis à boire, et tu cuisines, c’était pas le deal ? » Un sourcil haussé, le regard qui jauge. « Ensemble ? » A l’époque, on savait faire.

Est-ce qu'à tes yeux, on dirait une scène déjà vécue ? Parce que j'ai l'impression qu'elles le sont toutes. On revit la même histoire, on refait les mêmes erreurs. Est-ce qu'on peut essayer que ce soit différent, pour cette fois ? Rien que pour une fois ? A ta phrase, je rigole et hoche la tête ; "Tu trouvera bien de la compagnie." Je sais que c'est le cas, si c'est pas déjà le cas. Tu pourra inviter Spencer, une semaine sur deux. La relation est floue entre vous, de toute façon, à mes yeux. "T'es le seul à qui je propose mon canapé, et oui ça m'étonnes en effet..." et je regarde autour de moi, l'air de dire qu'ici ou ailleurs, c'est pareil. Tu restes sur un canapé, presque, disons que c'est la même idée. On s'envoi des balles les unes après les autres et on voit lequel de nous deux la rattrape mieux. Il fourni à boire, moi la nourriture, ou disons ensemble, plutôt, et je fais une moue ; "J'suis vraiment pas sûre d'avoir payé pour ça, mais j'vais t'aider, sinon on mangera jamais." et souris en allant vers lui, le pousse légèrement de mes hanches. "De nous deux, je suis celle qui cuisine le mieux."

On évolue et on recule, on avance, on sait plus trop ce qu’on fait de nos pas, on se marche dessus. J’avais des rêves et ils se fanent, un à un. Regarder vers le futur devient trop ambitieux ; alors je fixe mes pieds. J’essaye de rendre cet instant le moins douloureux possible. La vérité c’est que je me démerde comme je peux, qu’importe le ridicule. « C’est pas de ce genre de compagnie que je veux. » Meubler les draps quelques heures, et retrouver la solitude le lendemain. J’ai besoin de bruit autour de moi, de bordel, de vie. De meubler comme je peux l’intérieur vide. Regard balayé sur Elle. « J’te crois pas. » Que j’sois le seul à avoir ce privilège. J’suis pas idiot, j’les vois les regards sur toi, et j’sais ce que c’est, de devoir faire taire le silence. De vouloir sentir la peau s’habiller de frissons, pour ne plus ressentir que ça. On a qu’à dire à nos solitudes de partager une soirée. Tes hanches qui bousculent et moi qui râle. « J’me rappelle de pâtes au sucre à la place du sel, qui n’diraient pas la même chose. » Sourire railleur. « Carbo ? » Avec crème et lardons, la fausse, la décriée, mais j’sais faire que ça. « Sauf si j’ai loupé des trucs, et que t’as de nouvelles recettes en stock ? » Comme un rappel qu’on a eu un certain temps de.. pause ? D’arrêt ? De vies séparées de pointillés. Regarde comme j’essaye de prolonger les traits, pour retrouver la ligne.

Je sais la compagnie que tu veux, et j'ai peur du jour où tu me trouvera inutile, plus assez belle, plus assez bien, plus assez celle qui comble ce vide. Moi, je sais pas le faire non plus. T'es le seul qui vient sur mon canapé, c'est un énorme mérite, déjà. Tu me crois pas ? "Alors tu m'connais pas." parce que tu sais comment je suis, tu sais que je ne sais pas faire, offrir mon corps aux hommes de passage, avoir rien que du plaisir. Appelle-moi vieux jeu, mais j'ai besoin de sentiment, j'ai besoin de ressentir que l'autre n'apprécie pas que mon corps. Bien que les regards sur moi un peu long pourraient dire le contraire, la vérité c'est que je ne sais pas faire. Notre différence est là, toi tu fais taire tes silences, quant à moi, je les vis, je les subis. Tu reviens avec les pates au sucre et je rigole ; "T'es pas clair dans tes étiquettes !" rejette la faute sur toi. "On peut essayer un rizotto ?" les lèvres qui se pincent, alors que j'ouvre les placards pour trouver de quoi compléter la recette.

"Alors tu m'connais pas." Un fin sourire amusé qui s’affiche, à peine tu finis ta phrase. « Y a personne qui te connait mieux que moi. » Et, regarde-moi, voit combien j’en suis certain. Y a pas beaucoup de choses que je sais à propos de nous Leandra, mais, ça, j’en suis persuadé. Et j’parle pas de trucs à la con, de goûts éphémères, j’parle de ce que t’es, quand on enlève la première couche. De ce que t’es vraiment. Combien t’es brillante et sombre à la fois. Ton meilleur et ton pire. « Mais.. j’aurais quand même pensé qu’un beau donateur, un bénévole impliqué.. que sais-je. » J’le joue bien, le mec qui s’en fout ? J’balance ça, et j’ai pas envie d’entendre la réponse. Alors vite, faut enchainer : « Enfin trop tard, j’pose une option dessus. » Cherche pas un prénom que j’aurais du mal à oublier ; oublie. Voilà, tes mains dans mes placards, qui cherchent. « Tu sais faire ça toi ? Tu sais qu’il faut s’en occuper et rester concentrée plus de trois minutes dessus ? » Tu sais qu’on a une fâcheuse manie à se distraire et être mauvais cuisiniers.. en partie, grande partie, car on est pas foutu d’être rigoureux et sérieux dans cet art, surtout côte à côte.