Elizabeth voit bien que Victoria ne la croit pas tout à fait quand elle lui dit qu’elle n’a pas une si longue liste de mauvaises habitudes mais ne réagit pas plus que ça. Si son ex-fiancée veut poser plus de questions qu’elle le fasse, Liz fera l’effort d’y répondre à peu près honnêtement mais elle n’a pas l’intention de s’étaler là-dessus. C’est paradoxal parce que c’est sûrement à elle qu’elle a le plus envie - et besoin - d’en parler quand elle était autant sa meilleure amie que sa fiancée. Mais cette relation, dans tous ses aspects, a été réduit à néant et si aujourd’hui elles sont encore en contact, ce n’est même pas une pale copie de ce qu’elles ont vécu qu’elle partage. Si Liz est tout à fait honnête, elle sait que continuer de parler à Victoria lui fait plus de mal qu’autre chose, ou lui en fera sur le long terme, mais elle ne peut s’empêcher de continuer. Cartésienne, la skieuse a toujours été du genre à accepter les embûches que la vie mettait sur son chemin, tant qu’elle était capable de les comprendre. La réaction de ses parents à sa bisexualité en est d’ailleurs le parfait exemple : Liz avait déjà abordé ce sujet plusieurs fois avec ses parents et a su, quand même plusieurs mois après son annonce, ils lui conseillaient toujours d’aller se faire internet, que ça ne servirait à rien. Dire qu’elle n’a pas souffert de la situation serait mentir, mais elle l’a acceptée. Sa rupture avec Victoria, elle, est un grand mystère qui ne s’explique pas. La jeune femme a retourné la situation dans tous les sens, tant pendant ses nuits d’insomnie (causées par la douleur physique ou mentale de son accident, ou simplement par la rupture) qu’avec ses amis qu’elle a bassiné pendant des semaines, des mois même, sans jamais parvenir à comprendre. Les possibilités sont nombreuses et se serait mentir que de dire qu’elle n’a pas envisagé que Victoria se soit finalement rendu compte qu’elle voulait retrouver auprès de son ancienne époux. L’idée ne lui a pas traversé l’esprit plus de quelques minutes mais dans son besoin désespéré de trouver une réponse à ses questions, cela fait partie des nombreuses possibilités qui lui ont traversé l’esprit. Celle qui lui est le plus longtemps restait en tête, sans que Liz ne parvienne à y croire réellement - sa Victoria n’aurait jamais fait ça, c’est que l’ancienne chirurgienne l’ait trompé, lors d’une soirée trop alcoolisée, peut-être même avec Aurora, l’organisatrice de leur mariage et l’ex-amante de sa fiancée. Cela paraît totalement ubuesque et impossible mais c’est pourtant la seule chose qui semble pouvoir justifier qu’elle prenne la fuite aussi loin. La maladie, aussi, aurait été une solution mais les parents de Victoria lui ont affirmé que ce n’était pas le cas et Liz a fait le choix de les croire - et espère que c’était le bon. Et puis un jour, Liz a revu leur rupture - alors que, sous le choc, ses souvenirs en étaient parfaitement flous - et elle a revu Victoria lui jurer en la regardant dans les yeux que leur histoire était finie. Elle s’est raccrochée à ça comme à une bouée de sauvetage, sans jamais parvenir à s’en convaincre totalement. Mais puisque c’était le seul moyen d’avoir une réponse qui avait à peu près du sens, qui n’empêche pas totalement Liz d’avancer (qu’est-ce que cela aurait été, sans cela ?), elle avait choisi d’y croire. Se retrouver confronter à Victoria et devoir en discuter était une toute autre histoire et lorsque Victoria apparut si résolue face à cette croyance, Beth sentit son coeur se briser un peu plus. Pas à cause des propos de la jeune femme mais parce qu’elle-même semblait réellement incapable de se résoudre à la fin de leur histoire. Et si elle détestait l’idée d’avoir perdue la jeune femme, elle déteste plus encore probablement l’idée d’être aussi dépendante d’un autre être humain. Lorsqu’elle voit les yeux humides de Vic, Beth se force à s’ancrer un peu plus dans le canapé. Elle se ressert finalement à boire alors que la jeune femme n’a pas fini de parler, tâchant de ne jamais la lâcher du regard trop longtemps. Elle accuse le coup quand elle compare ce que leur mariage aurait pu être à son précédent mariage et plutôt que de serrer les dents, ouvre la bouche pour descendre un nouveau shot de tequila. Elle se souvient avoir été soulagée et presque euphorique suite aux sms de Victoria mais se dit que cela devait être purement l’effet de son imagination ou de ses cachets. Trouvant le courage de reposer son regard dans celui de Victoria, elle le fait sans doute au pire moment, quand Vic lui dit une fois de plus que leur histoire appartient au passé. Ces propos n’ont pas plus de sens qu’ils en avaient y a un an mais cette fois, Beth ne proteste pas. “D’accord.” se contente-t-elle de dire, la gorge nouée. Elle regarde la jeune femme quelques secondes, comme pour lui laisser l’opportunité de revenir sur ses propos, hésite une seconde à lui dire qu’elle lui doit au moins un adieu, une dernière nuit mais sait que Victoria ne lui doit rien, surtout pas ça et que ça lui ferait plus de mal qu’autre chose - parce qu’elle le ferait dans l’espoir de la retrouver. C’est comme ça qu’elles se sont trouvées, après tout. Elle hésite une seconde, attrape son sac pour y sortir son paquet de cigarettes et demande à Vic : “Je peux ?” puis attend sa réponse pour l’allumer ou la ranger dans son paquet avant d’ajouter : “Il faut que tu arrêtes, Victoria.” Beth se mord la lèvre, pas certaine de vouloir vraiment qu’elle arrête mais sachant que c’est la meilleure solution : “Les roses à la Saint-Valentin, les sms où tu me dis que tu m’aimes, …” Elle soupire doucement. Elle voudrait que ce soit l’inverse mais sait qu’elle n’a pas vraiment le choix si elle veut se remettre un jour de cette rupture. “Je n’ai pas choisi que tout s’arrête, c’est la dernière chose que je voulais. Quand tu fais ça...” Liz déglutit, s’efforce de rester concentrée pour ne pas que son visage finisse baigné de larmes. “Quand tu fais ça, j’me dis que tout pourrait recommencer. Alors arrête s’il te plaît. Je sais que je ne t’oublierai jamais. Mais si je pouvais au moins ne pas espérer qu’on se retrouve…” Beth passe une main sur son visage, et s’apprête à se lever pour partir quand Leïla lui saute dessus et s’installe sur ses genoux.