OSCAR/SOFIA ❝ I can ask you something ? ❞

J’étais tombée bien bas et j’en avais conscience. Le pire dans cette histoire, c’est que j’étais incapable d’arrêter. Les jours passaient et chaque jour, j’avais besoin de petite dose de comprimés. Je pensais à mes parents, à mes amis. Ils auraient certainement honte de moi si ils l’apprenaient. Comment est-ce que j’avais pu en arriver là ? Comment est-ce que tout avait pu basculer ainsi du jour au lendemain. Je me sentais nulle et faible. J’étais une véritable imbécile, mais je ne trouvais pas la force de lutter. La seule chose à laquelle je pensais en ce moment était de trouver un moyen de me procurer mes calmants. Mon traitement aurait du être fini depuis des semaines. Mon tube de comprimés était presque vide et cette imbécile de pharmacienne refusait de me fournir, puisque mon ordonnance était périmée. Je soupirais. J’étais désespérée et incapable de me passer de ces maudits comprimés. Si j’avais commencé à en prendre, c’est parce qu’après l’attentat à la bombe, j’étais tellement stressée et anxieuse que je sursautais au moindre bruit. Après l’attentat, j’ai eu trop peur de retourner à la fac, mon sentiment d’insécurité était immense. Mon médecin m’a prescrit un traitement. C’est ce traitement qui m’avais permis de me calmer et de reprendre ma vie. Voilà pourquoi je ne peux pas m’en passer, vous comprenez ? Le pire, c’est que même loin d’Harvard, en Thaïlande j’avais été incapable de ne pas prendre de cachets.

En pleine crise de désespoir, j’envoyais un texto à Oscar. Je lui demandais si il était disponible ce soir et si on pouvait se retrouver au Cambridge Common. Il s’agissait du parc public de la ville, désert passé une certaine heure. Il m’avait répondu et le rendez-vous était donné aux alentours de vingt-trois heures. J’ignorais ce qu’Oscar s’imaginait. A vrai dire, c’était étrange de lui donner rendez-vous à cette heure-là à cet endroit là. J’arrivais au parc à l’heure prévue et m’asseyais sur l’un des bancs en attendant le jeune homme. J’étais persuadée qu’il pourrait m’aider avec mon… petit problème…

Seul dans ma chambre j'observais le plafond. Ce soir, la nuit sera blanche.... Je n'avais d'autre occupation que de compter tous les grains de peinture qui s'en détachaient, car à part cela, ce mur était résolument vide. Durant ces nuits sans sommeil, je me posais des questions sur ma vie, comment j'en étais arrivé là et pourquoi il m'était impossible de faire marche arrière. Je chassais vite ces impertinentes questions de mon esprit, sachant très bien qu'elles n'apporteraient qu'idées noires. Je pivotais lentement afin d'attraper une serviette. D'un pas lent, je me dirigeais vers la douche, dans la plus élémentaire des nudités. L'eau ruisselant sur mon corps me faisait du bien. D'ici, je voyais les cicatrices, produites durant mon accident de moto. Elles n'étaient désormais que d'immenses traces blanches en relief. Je n'aimais pas les toucher. Je n'aimais pas non plus lorsqu'une jeune femme les touchait. Je trouvais toujours des solutions pour éviter cela. Avec le temps, on se rend compte qu'il n'est pas si difficile de mentir à quelqu'un. Au loin, j'entendis mon portable sonner. En deux temps, trois mouvements, je m'éclipsais de la douche, enfilant une chemise propre et un pantalon. J'attrapais mon téléphone, et je vis apparaître le prénom "Sofia". Il était tard, cela m'étonnait de recevoir un message d'elle aussi tard. Rendez-vous Cambridge Commons. En un éclair, je fus complètement habillé. Je refermais mon long manteau noir jusqu'au col, afin de passer inaperçu dans cette nuit sombre. Je marchais à un certain rythme, j'avais peur. Peut-être qu'il lui était arrivé quelque chose. Une fois arrivé, je m'asseyais sur un banc et l'attendit. Mon coeur cognait dans mon poitrail. Que se passait-il ?

Il était tard et il aurait certainement été plus prudent de rester tranquillement à la maison. Cependant, il le fallait bien. Je ne prenais pas de sac à main par précaution. Un sac a main = la meilleure façon de se faire agresser parce qu’on veut vous piquer votre sac. Je me contentais de n’emporter que l’essentiel et de le fourrer dans les poches de mon manteau. J’emportais aussi sur moi mon taser. Depuis mon agression, je ne sors plus sans. Bref. Une fois sur place, j’attendis patiemment l’arrivée d’Oscar. Ce n’est que quelques minutes plus tard que je reconnu sa silhouette dans l’ombre. Il prit place sur l’un des bancs et je m’avançais vers lui – « Bonsoir. » - J’esquissais un fin sourire et m’asseyais à côté de lui sur le banc – « Je te remercie d’être venu malgré l’heure tardive… » - Ajoutais-je – « J’espère que je ne te tire pas de ton sommeil ou d’une superbe soirée. » - Repris-je avec un demi sourire, posant mon regard bleus sur son visage.

Je voyais sa jolie silhouette se découper dans l'ombre. Le silence régnait sur le parc, seulement brisé par le bruit rythmé de ses pas. Je sentais son anxiété. Dès que je la vis arriver, je me levais brusquement. Je ne me suis rassis que lorsqu'elle s'était assise. Un réflexe de gentleman, inculqué par mon éducation stricte. Je voulais la rassurer, je la sentais anxieuse. J'écoutais patiemment ses excuses. J'esquissais un léger sourire. Je passais mon bras sur ses épaules, en lui frottant le bras. Tu ne me déranges jamais enfin. Je n'arrivais pas à dormir vois-tu. Du coup, tu me tires surtout d'un affreux ennui ! Je désirais détendre l'atmosphère, même si je sentais que la suite de la discussion serait sérieuse. Je soupirais lentement. Avant de me lever du banc, impatient comme un enfant en face d'un paquet cadeau. Je me postais en face d'elle, les mains dans les poches, en plongeant mes yeux dans les yeux. Que se passe t"il ? Je suppose que tu ne m'as pas invité ici pour parler de mondanités... J'extirpais une cigarette de ma bouche, que j'allumais nerveusement.

Il me semblait nerveux. Peut-être parce qu’il n’avait aucune idée de ce que j’allais lui demander. Le fait que je l’appelle pour lui donner rendez-vous aussi tard dans un endroit complètement désert y était sûrement pour beaucoup. Cela ne présageait rien de bon. Il devait bien se douter que j’avais quelque chose à lui dire ou à lui demander et que cela était important. Autrement, pourquoi le faire maintenant ? Oscar passait son bras sur mes épaules, comme si il voulait me rassurer. J’avais l’air si nerveuse que ça ? Il faut dire que j’ignorais encore comment aborder le sujet – « Heureuse de te tirer de ton ennui mortel dans ce cas. » - Tiens, lui aussi il avait de la difficulté à s’endormir ? Je lui souris et il se relevait du banc. Quant à moi, je réfléchissait encore à la façon dont je lui parlerai de mon… souci. Je croisais de nouveau son regard et sans plus attendre il me questionnait – « Oui en effet. Il y’a quelque chose, mais ne t’inquiète pas… » - Je marquais un court silence. Temps pendant lequel je réfléchissais de nouveau, mais il n’y avait pas soixante milles façon de lui demander ça en fait – « Je voudrais que tu me mettes en contact avec... ton dealer. Enfin si il a ce dont j'ai besoin... » - Au moins, j’avais mis les pieds dans le plat ! – « Je voulais pas demander un truc pareil par téléphone… » - Je relevais mon regard sur lui.

Sa question jeta un froid. Je restais interdit quelques secondes. Mon cerveau se mit à tourner extrêmement vite. Pourquoi ? Pourquoi me demandait-elle cela ? Je grattais le sol avec mon pied, en baissant les yeux. Avait-elle eu un accident ? Quel genre de drogue voulait-elle ? Sofia savait pourtant que mon dealeur ne vendant rien de doux. Rien que des médicaments qui vous changent un homme, pour toujours. J'ignorais son addiction à quelque produit que ce soit. Je n'étais pas préparé à une telle demande. Mais je ne voulais pas jouer le rôle de son père, ce n'était pas ma place. En tant qu'ami, je n'ai aucun droit de lui faire la leçon. Je soupirais, en tirant de plus en plus nerveusement sa ma cigarette. De quoi as-tu besoin ? Je me décidais à briser le silence. Se regarder pendant plusieurs heures en chiens de faïence n'arrangerait rien, ni la situation, ni la tension ambiante. Je sortis mon portable, mais je désirais tout de même la prévenir. Tu sais, j'en ai plusieurs, mais le principal fait beaucoup dans les choses louches et surtout... dangereuses. Si tu veux de l'herbe, ce n'est pas à lui qu'il faut s'adresser, si tu vois ce que je veux dire... Il fallait que je sache précisément ce qu'elle voulait, même si le fait de savoir qu'elle était drogué me retournait assez. J'étais très mal placé pour juger qui que ce soit sur la drogue, mais Sofia... La question me brûlait les lèvres. Depuis quand tu es tombée là-dedans ?

Il eut un moment de silence. C’était une demande plutôt inattendue et surtout venant de ma part. Tous les gens qui me connaissent bien savent que je suis quelqu’un de plutôt sérieux. Je ne suis pas une droguée. Je comprenais donc la réaction de mon amie. Si je lui demandais ça à lui, c’est parce que je savais qu’il avait sa dépendance et il ne me jugerait pas. Après tout, il avait aussi une addiction, il n’allait pas me faire la morale… du moins je ne pense pas. Je n’avais pas envie qu’on me fasse la morale. Je sais très bien que c’est mauvais de prendre se traitement de choc, seulement, c’est l’unique chose qui m’aide vraiment. Avec sa, je suis plus détendue, pas continuellement anxieuse. Mon ami brisa la glace enfin la glace et je reprenais la parole pour lui répondre : « Du Bromazépam. » - C’était le nom du médicament en question. On n’en obtenait pas sans ordonnance à moins de passer par des chemins… différents. C’est un médicament qui traite les troubles de l’anxiété ou les attaques de panique. Un traitement assez fort, mais efficace – « C’est… un médicament et c’est pour ça que je te demande ça. » - Un court silence s’installa de nouveau et Oscar me demandait depuis quand j’en prenais. Je n’avais pas trop envie de m’étendre là-dessus, mais avec la demande que je venais de faire, je lui devais bien quelques explications – « Depuis l’attentat et mon ordonnance n’est plus renouvelable… Je compte sur toi pour ta discrétion… »

Dès qu'elle prononça le nom du médicament, mes yeux s'écarquillèrent sans que je m'en rendre réellement compte. Cette chose, je la connaissais. Des gens mondains que j'avais rencontré via ma famille s'en gavait. Et finalement, ma génitrice avait suivi leur exemple. Il est vrai qu'être riche, c'est très dur pour les nerfs. Hésiter entre le caviar et les feuilles d'or, moi aussi cela me causerait du soucis. Sauf qu'ici, il n'était pas question d'une gamine gâtée. Non. Il s'agissait d'une jeune fille fragile qui n'arrivait pas à gérer ses émotions. Je posais sur elle un regard protecteur. Je ne désirais pas qu'elle se fasse du mal, mais si ces médicaments la faisaient se sentir mieux... Après tout, moi aussi j'avais mon plaisir. Autrement plus dangereux. Par réflexe, je glissais une main dans ma poche, pour agripper l'une de mes ampoules de morphine. Nous sommes loin d'être parfaits, et jamais je ne pourrais lui reprocher le fait de se droguer. Nous avons tous besoin d'un filet. Et parfois ce filet s'avère être autre chose que de l'amour et de l'eau fraîche. J'écoutais ses explications en silence. Je souris à sa dernière injonction. Je serais plus met qu'une tombe, mais ça, elle le savait. Ni une, ni deux, je dégainais une fois de plus mon portable, avant de jeter mon mégot au loin. Tant pis pour l'environnement, j'avais des choses autrement plus importantes à gérer. Je composais à toute vitesse le numéro de mon fournisseur. A cette heure, il devait tout juste être levé... Cependant, on ne répondit pas. Je déglutis. Je savais que les autres ne seraient pas disponibles non plus. Il en restait un. Mais je savais qu'il était instable, voire dangereux. Je jetais un coup d'oeil vers Sofia. Je voulais l'aider. A tout prix. Je me résolus à contacter ce dealeur. Qui, par malchance, finit par répondre. J'aurais besoin de toi, lâchais-je d'une voix fébrile. Tu vendrais pas du Bromazépam par hasard ? ... Très bien. Rendez-vous dans dix minutes à Cambridge Commons. ... Oui, j'ai du liquide. ... Cherche pas pourquoi j'en veux, fais ton boulot. Je raccrochais aussitôt. Cet homme ne m'inspirait pas confiance. Sa voix était effrayante. Je me tournais vers Sofia et lui adressais un regard de connivence, ainsi qu'un léger sourire. Il arrive bientôt. [/b]

L’expression du visage d’Oscar trahissait sa surprise. Il ne me fit aucun commentaire là-dessus. J’imagine qu’il ne se voyait pas me faire un sermon alors qu’il prenait bien pire que cela. Je me mis soudainement à penser à Thorn, mon cousin. Il se doutait de quelque chose et si il savait ce que j’étais en train de faire à cet instant précis, je crois qu’il me ferait la leçon. C’est mon cousin, il est protecteur envers moi, c’est normal. Cela dit, je ne veux pas créer des soucis à mes proches. C’est pour ça que je n’ai pas parlé de mon agression. Ils s’inquiéteraient trop. Ils s’inquiéteraient davantage si ils savaient pour les calmants. J’observais Oscar attraper son téléphone et composer un numéro. Il appelait un de ses dealers et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il s’agissait d’un service rapide ! Tant mieux. Il raccrocha quelques minutes plus tard en m’annonçant que le type en question allait arriver – « D’accord. Encore merci de m’aider. » - Dis-je avec un petit sourire – « Ce type, il est dangereux ? » - Je voulais juste savoir à quoi m’attendre. Heureusement qu’Oscar était à mes côtés.

Environ dix minutes passèrent et je distinguais une silhouette s’avancer vers nous. Je me relevais et restais postée à côté de mon ami. J’observais le type lorsqu’il fut assez près de nous pour que je distingue les traits de son visage. Il avait la tête d’un mec à qui il ne vaut mieux pas chercher d’ennui – « Tiens, tu ne m’avais pas dis que tu étais en si bonne compagnie… » - Répliqua t-il. Il me reluquais des pieds à la tête avec un sourire pervers dessiner sur le visage. Je n’aimais pas trop ça, mais évitait tout commentaire.

J'étais malheureusement assez nerveux, et la plupart de mes gestes trahissaient cette anxiété. Je passais constamment la main dans mes cheveux, je soupirais... En somme, il était aisé de constater que je n'étais pas dans mon état normal. Ce type, ce dealeur, je ne l'aimais pas. Je ne l'avais contacté que peu. Il était en quelque sorte mon plan D. Il était toujours disponible, mais son physique était terrifiant. Ses joues creuses, ses paupières tombantes... L'image populaire même du drogué inactif. Sa mine patibulaire n'arrangeait rien au fait que rien en lui ne prêtait à la confiance. Il n'était pas encore arrivé. J'observais Sofia avec un petit sourire. Je voulais la rassurer du mieux que je le pouvais, même s'il fallait d'abord que j'arrive à me rassurer moi-même. Sa question provoqua en moi un frisson qui traversa toute mon échine. Je serrais le poing. Mes yeux se posèrent dans les siens. D'une voix très grave, je finis par lâcher : Oui. Très. Je ne voulais pas lui mentir. Je voulais la tenir prête à toute éventualité. Mais je suis là. Tout devrait bien se passer. Et enfin, il arriva. J'écoutais son commentaire dégoûtant sans rien dire. Après tout, le peu de fois où il m'avait croisé j'étais seul et en manque. Cette situation était pour le moins inédite. A sa remarque, j'attrapais automatiquement Sofia par la taille, afin de la ramener contre moi. Un geste très cliché de mâle protecteur, mais qui était instinctif en moi. C'est une façon de signifier au type de ne pas s'en approcher. Je n'aimais pas tellement la façon dont il la dévisageait. Mes dents grincèrent. Bon, t'as la came ou pas ? Je m'impatientais. Ses regards insistants me donnaient envie de lui mettre mon poing dans la figure. Mais il fallait que je reste calme. Je repoussais doucement Sofia en arrière et avançait vers l'homme, me postant tout près de lui, face à face. Nous faisions à peu près la même taille, bien qu'il soit largement plus maigre que moi. Il tournait certainement à l'héroïne. Tu montres avant qu'on te paye. Je veux pas d'arnaques. J'essayais de rester le plus sec possible, comme face à un animal fou.