One last time • Neon

Jeudi 18 Février. 09:30 pm

Plus qu’une heure derrière le bar et mon service prenait fin. Plus qu’une heure à enchaîner les commandes avant de pouvoir rentrer au sein de l’appartement de Summer où Lukas et moi nous étions installés. L’arrivée d’Aurore était prévue dans quelques jours seulement et la panique ne cessait de monter en moi. Et ce n’était clairement pas la seule chose qui venait faire surchauffer mon esprit ces dernières semaines. Il y avait trop de choses. Ça tournait de façon incessante. Ça me faisait chuter un peu plus à chaque fois. Ne pas penser. Se concentrer. Ne pas sombrer. Yeux rivés sur l’entrée du bar, j’attendais de voir si le sexy tatoué allait franchir les portes du Lord Hobo ce soir. Je lui avais demandé de venir et, même s’il avait dit qu’il serait là, rien ne me le garantissait. Je lui avais brisé le cœur. Sa sœur et son ex-fiancée ne voulaient plus le voir traîner proche de moi. Alors ouais… Il était fort possible qu’il ne vienne pas. Qu’il ne veuille pas me voir. Comme Caesar qui semblait totalement m’éviter depuis que j’étais rentré. Soupirant, je servais un verre à l’un des clients présents au bar lorsque la porte attirait mon attention. Nixon était là. Nixon était venu. Je mordillais ma lèvre pour me contenir et ne pas sourire à m’en arracher les joues. Je mordillais ma lèvre pour me contenir et ne pas sauter par-dessus le bar pour m’approcher de lui. Me concentrant sur mon service, je tentais de faire comme si je l’avais pas vu jusqu’à ce qu’il s’approche du bar. Jusqu’à ce qu’il s’approche de moi. Levant mes prunelles sombres sur lui, un doux sourire se dessinait sur mon visage et je soufflais « B’soir bé… Nix’… » Ne pas l’appeler bébé putain. Ce n’était pas si compliqué. Passant ma langue sur mes lèvres, je baissais les yeux avant de souffler « Merci d’être venu… Je… T’veux un verre ou on… On sort ? »

Mes prunelles le détaillait un instant tandis qu’il me saluait trop banalement. Fini les doux surnoms. Fini l’amour présent. Je l’avais bien compris avec cette seule rose blanche que j’avais reçu. Blanc pour de l’amitié… Juste de l’amitié. Un soupir filtrait entre mes lèvres tandis que j’attrapais déjà un verre en proposant au sexy tatoué de boire quelque chose. Cependant, il m’indiquait bien vite ne pas en vouloir puisqu’il avait pris des médocs. Hochant la tête en observant son plâtre, je servais un verre d’alcool que je portais à mes lèvres sans chercher plus loin. Déposant le verre devant moi, je demandais « Comment ça va ? » Le bras. La tête. Le cœur. La vie. Sans doute un peu tout. Tout ce qu’il aurait envie de me dire. Mon collègue de boulot passait non loin de moi et je marmonnais que je faisais une pause avant de faire un signe de la main à Nixon pour qu'il passe derrière le bar et me suive. Je ne voulais pas traverser la salle bondée. Je préférais me faufiler à l’arrière du Lord Hobo dans la ruelle tranquille. Tout en traversant la salle de repos et sans regarder Nixon – pour éviter de flancher et de me jeter sur lui – je soufflais « C’est qui qui a dessiné sur ton plâtre ? C’est sympa ! » Sans doute son ex-fiancée ou peut-être son nouveau copain allez savoir. Nous finissions par débarquer sur la porte de derrière que je poussais invitant Nixon à sortir avant de me glisser à l’extérieur à mon tour. La porte claquait. La cigarette trouvait son chemin à mes lèvres. Je m’appuyais contre le mur lançant d’un ton amusé « Je parie que tu te demandes c’que tu fais là hein… » J’osais enfin lever les yeux sur lui rencontrant son regard pour la première fois depuis des semaines. Le frisson remontait le long de mon échine. Mon cœur cognait un poil plus fort dans ma poitrine. Et je tirais sur ma clope tentant de rester impassible. Comme si ça ne me faisait rien de l'avoir là.

Un verre pour me donner du courage ? Ou peut-être simplement pour me noyer sous l’alcool et ainsi avoir une excuse pour expliquer un comportement qui pourrait être déplacé ? C’était Nixon bordel. Être sage face au jeune homme me demandait tellement d’efforts que je préférais ne pas le fixer pour ne pas dérailler. Je me concentrais sur ses propos. Sur son état levant à peine les yeux pour voir de quoi il parler. Pour associer les mots à la réalité. La tête se calmait et j’étais heureux d’apprendre ça. Le cœur n’allait que moyennement… La nouvelle me heurtait et j’avais envie de cogner dans quelque chose. Envie de me faire mal pour me punir de cette souffrance. Envie qui se voyait par ce poing qui se serrait de façon incontrôlable. Il avait hâte de retirer son plâtre et ça je pouvais le comprendre comme moi j’avais eu hâte de pouvoir remarcher après mon opération. J’acquiesçais à ces derniers mots rétorquant « J’suis content que la tête aille mieux t’sais et je… » Je suis toujours là pour toi ? Tu peux toujours m’appeler en plein milieu de la nuit si tu en as envie ? Je mordillais nerveusement ma lèvre chassant mes mots de la main comme s’ils n’avaient pas d’importance alors que je continuais ne m’attardant pas sur l’état de son cœur parce qu’il savait déjà que j’étais désolé et que je risquais juste de répéter ces mots qu’il ne voulait pas entendre. Jouant avec le verre devant moi, je soufflais « Ouais j’ai vu que tu dessines d’nouveau… C’est chouette… » Ça l’était ouais. L’échappatoire se pointait. Je n’avais pas besoin de m’éloigner de Nixon parce que mon collègue passait par là me permettant de souffler les mots libérateurs. La pause à l’extérieur. Mais, pour se faire, il fallait traverser le dédale de pièces vides. Ce dédale au sein duquel j’aurai pu m’arrêter et me retourner pour embrasser Nixon comme j’en crevais d’envie depuis que je l’avais vu entrer ici. Pour me détourner de ces films dans ma tête, je le questionnais et j’agitais la tête marmonnant « Un pote hein ? » comme si j’étais déjà en train d’imaginer autre chose. Heureusement pour moi, l’air frais me cueillait et m’empêchait de m’enfoncer dans mes pensées. La cigarette trouvait mes lèvres apaisant les tremblements. Mon dos trouvait le mur m’offrant la stabilité. Je le questionnais et il lançait une proposition qui me faisait simplement hausser les épaules. Je n’en savais rien en fait. Je n’avais pas de bonnes réponses à lui offrir. Je tirais nerveusement sur ma clope détournant le regard lorsqu’il cherchait à connaître mon état. Fixant au loin, je soufflais « J’vais bien… » sans entrer plus dans les détails. Sans même oser le regarder de nouveau.

J'avais cherché à détourner mon attention de mes violentes pulsions pleine de désir en soufflant cette interrogation. Et voilà que la réponse allumait le feu de la jalousie à l'intérieur de mon corps. Elle l'allumait tellement que je venais répéter la dénomination de la personne qui avait dessiné sur le plâtre du sexy tatoué. Nixon s'empressait de confirmer que le dessinateur n'était qu'un pote et je sentais les frissons glisser sur ma peau. Ces frissons qui laissaient présager que ce n'était pas la vérité absolue. Ces frissons qui auraient pu me pousser à ouvrir la bouche pour jouer le mec possessif. Cependant, je restais parfaitement silencieux alors qu'il complétait sa description. J'hochais simplement la tête pour prouver que j'écoutais sans oser ouvrir la bouche. J'avais trop peur de moi. De mes mots. De ma jalousie. Je préférais plonger dans le silence et respirer l'air frais qui me percutait enfin de façon aussi délicieuse après des heures à travailler suite à une journée un peu trop angoissante. Clope au coin des lèvres, dos appuyé contre le mur, je ne pipais mot pour réellement expliquer ce que Nixon faisait ici à l'abri des regards avec moi et il en profitait pour me questionner sur mon état. Ça ne me plaisait pas. Je claquais ma langue contre mon palais, un peu trop nerveux. Mes yeux fixaient au loin et je soufflais un bref mensonge. Un sourire glissait sur mon visage à la répartie de Nixon. À ces mots qui faisaient remonter une vague de souvenirs agréables. Portant ma cigarette à mes lèvres, je prenais mon temps. Et, fixant toujours au loin, je soufflais « T'sais bien que non je ne le dirai pas en t'regardant... J'peux pas te mentir en te regardant... » Et c'était vrai. Il y avait ce quelque chose chez Nixon qui m'empêchait de lui mentir sur mon état lorsque je le fixais. Tirant une dernière fois sur ma cigarette pas encore terminée, je venais pourtant l'écraser contre le mur sur lequel j'étais appuyé. Un soupir. Un cœur qui cognait plus fort. Un tremblement. Une hésitation. Je tournais doucement la tête. Mes prunelles croisaient celles de Nixon. Mon regard se perdait un instant sur ces lèvres qui me manquaient tant. Quelques secondes seulement avant que je ne relève les yeux pour les planter dans les siens. Ma langue glissait sur mes lèvres et j'avouais « J'veux être contre toi... » sans pour autant bouger de ma place. J'avouais mon désir. J'avouais mon envie. J'avouais à demi-mot le pourquoi je lui avais demandé de venir ce soir. Et je lui laissais le choix. Je lui laissais la liberté de me refuser une proximité à laquelle je ne pouvais sans doute plus prétendre. Une proximité dont j'avais tant besoin pourtant.

La confession glissait entre mes lèvres comme si je n’étais pas capable de faire autrement tandis que je me retrouvais en tête à tête avec Nixon. Je laissais les mots m’échapper sans les contrôler. J’avouais que ça n’allait pas sans le dire. Je lui prouvais qu’il occupait toujours cette place si importante qui me poussait à ne pas être capable de lui mentir en le fixant droit dans les yeux. Malgré la rupture, rien n’avait changé en moi à son égard. Mais lui… Lui tout avait changé non ? Écrasant ma cigarette contre le mur, je tournais la tête vers le sexy tatoué pour croiser son regard. Mes prunelles sombres déviaient sur les lèvres tentatrices du jeune homme avant de remonter. Et les mots m’échappaient sans que je ne puisse rien y faire. Le désir qui pulsait en moi résonnait entre nous. Ce désir d’être contre lui que je n’exécutais même pas afin de lui laisser le choix. Lui permettre de me repousser. Le soupir de Nixon résonnait dans la ruelle. Ouais, tout avait changé pour lui. Mes prunelles se fermaient parce que la réponse cognait déjà. Mon cœur se craquelait. Les larmes me montaient aux yeux. En rouvrant les yeux, mon regard croisait celui de Nixon un bref instant. Un trop bref instant qui ne me permettait pas de lire en lui. Je détournais les yeux ne pouvant supporter l’acte qu’il allait commettre. Les mots tombaient tels un coup de fouet en plein dans mon cœur. Un coup de fouet en plein sur mon être. Le rire sans joie quittait mes lèvres. Ma jambe gauche s’agitait soudainement. Énervement ? Angoisse ? Tristesse ? Je ne savais plus. J’étais dans le flou tandis que je tirais une nouvelle clope de ma poche pour la coincer entre mes lèvres. L’allumant difficilement, je restais silencieux. Un temps. Comme pour encaisser la réalité déchirante qui me faisait face. Je tirais sur ma clope le regard perdu au loin. Les larmes glissaient silencieusement sur mes joues. Je me redressais restant contre ce mur qui était devenu mon allié pour m’empêcher de m’effondre au sol. Mon regard captait celui de Nixon et je soufflais « J’ai l’impression de te répugner… » De nouveau ce rire sans joie qui m’échappait. Mon regard se détournait et je reprenais « Je… Tu… J’sais même plus quoi dire en fait… Peut-être que je suis désolé ? Désolé d’avoir besoin de toi ? Désolé d’avoir besoin de me blottir dans tes bras pour me sentir apaisé un bref instant ? Désolé de t’avoir fait venir ce soir pour ça… Peut-être que je devrais juste te dire que j’suis heureux pour toi… Heureux que tu dessines de nouveau, heureux que tu laisses quelqu’un t’approcher… Ou peut-être que je devrais juste te dire que j’espère que tu seras heureux avec quelqu’un d’mieux que moi… Quelqu’un qui te fera du bien… Quelqu’un qui ne sera pas toxique… Ouais p’tetre que je devrais dire ça… Ou peut-être encore que je devrais juste te laisser partir hein… Je… J’aimerai que ce soit aussi simple que de balancer des colliers dans une poubelle… Mais ça l’est pas… Et j’ai besoin de toi… J’ai besoin d’être contre toi et je… J’pas le droit j’sais… Mais, ce besoin est là quand même… Et j’y peux rien p’tain… » Je n’osais plus regarder Nixon tandis que les mots glissaient presque comme si je me parlais à moi-même me détestant de plus en plus au fil des secondes. Le sanglot m'échappait me poussant à tirer un peu plus sur ma clope pour tenter de le masquer. Pitoyable gamin.