La réalité venait me percuter de plein fouet aujourd’hui. Bien évidemment, j’avais conscience de cette vérité depuis des mois. Elle trottait dans un coin de ma tête depuis si longtemps. Néanmoins, elle ne s’imposait pas. Elle restait en retrait me permettant de continuer à plonger dans ce que je considérais n’être qu’un délice difficile. Je savais que je faisais du mal à Lukas. Je savais que nous nous faisions du mal réciproquement d’ailleurs parce que j’avais été plus d’une fois blessé par le sexy musicien. J’avais senti mon cœur se craqueler plus d’une fois à la suite de propos qu’il avait prononcé ou d’actes qu’il avait eu à mon égard. C’était vrai. Nous nous heurtions en étant ensemble, mais jusqu’à présent je parvenais à vivre avec ça. Nous parvenions à vivre avec cela comme si c’était de cette manière que notre Neakas était censé fonctionner. C’était comme si nous savions que les choses devaient se dérouler de cette façon entre nous et que nous nous adaptions parce que nous étions simplement trop épris l’un de l’autre. Trop amoureux au point d’accepter de vivre cette histoire aussi magnifique que douloureuse. Ça faisait des mois que ça durait. Ça faisait des mois que la vérité battait dans un coin de ma tête. Et voilà qu’aujourd’hui, c’était encore plus fort. Plus fort que tout. Peut-être était-ce parce que j’avais sauvé Elie d’une souffrance quotidienne qui avait su la détruire et que je me rendais compte de l’impact que ça pouvait avoir. Bien sûr je n’avais rien à voir avec ces hommes qui avaient profité de la demoiselle et qui l’avait faite souffrir… Mais moi… Moi je détruisais lentement Lukas. Le poison de mon être toxique s’infiltrait lentement dans ses veines et la vérité de la souffrance imposée cognait dans ma tête tellement fort. Elle cognait si fort que je ne pouvais pas la stopper. Je voulais tuer toutes les personnes qui osaient blesser cet homme dont j’étais si follement amoureux. Mais… Merde… C’était moi qui le blessait le plus. C’était moi qui le torturait de façon quotidienne et incessante. C’était moi. Juste moi. Et je ne voulais pas. Je ne pouvais pas être ce bourreau destructeur de vie. Je ne voulais pas être ce tourmenteur qui venait gâcher son existence. Il méritait mieux. Il méritait tellement plus que ce que je pouvais lui offrir. Il ne méritait pas de subir tout ce que je lui imposais. Tous ces événements qui débarquaient souvent à l’improviste provoquant des disputes virulentes. Tous ces secrets qui se dévoilaient et qui venaient bouleverser notre couple, notre quotidien. Toutes ces crises que je pouvais faire qui heurtaient nos vie provoquant le manque de sommeil, l’angoisse, la colère et tellement d’autres choses. Toutes ces coucheries dont je ne pouvais pas si aisément me passer. Alors je me laissais avoir par cette vérité éclatante et je LA nourrissais. ELLE. Cette voix dans mon crâne qui savait si souvent prendre possession de mes actes et de mes mots. Cette voix qui savait me pousser à sauter dans le précipice en oubliant tout le reste. Cette voix qui me conduisait à plonger dans le tunnel sans la moindre hésitation. ELLE pulsait à l’intérieur de mon crâne. De plus en plus forte au fil des secondes. De plus en plus violente au fil des minutes. Ça s’écoulait. Je glissais. Je sombrais. ELLE me poussait à penser aux limites que je pouvais franchir pour tenter de préserver une personne extraordinaire comme Lukas. La mort était la première sur la liste, mais elle était aussi celle que j’avais raté trop de fois. Celle que je ne parvenais pas à atteindre. Alors, le départ se pointait dans mon esprit. Partir loin de Boston… Disparaître de la vie de tous… C’était une solution. C’était une idée. Mais où irais-je ? Je n’étais pas prêt à tout recommencer à zéro dans un autre endroit. Je n’étais pas prêt à essayer une nouvelle fois de me construire une vie qui serait sans aucun doute aussi bancale et douloureuse que celle que j’avais. Alors, l’Italie s’imposait à moi. Replonger dans une vie passée douloureuse… C’était peut-être la solution. Une solution qui ne me plaisait guère. Qui ne plaisait même pas à cette voix dans ma tête parce qu’elle perdrait trop de son pouvoir me laissant acceptant de tout aux mains de ces hommes. Alors, j’envisageais la dernière possibilité. La rupture d’une histoire qui avait duré un temps. La rupture d’une histoire qui avait fait du bien et du mal. La rupture d’une histoire pour pousser le jeune homme à trouver mieux ailleurs. J’étais incapable de stopper cette voix en moi, malgré l’ordre doux de mon copain qui me demandait d’arrêter. Arrêter de réfléchir. Arrêter de penser. Arrêter de la nourrir. Je n’y parvenais pas. Je continuais à plonger le cœur battant et le souffle court. Je me sentais mal alors que la réalité de cette souffrance m’échappait une nouvelle fois. Moi… Le toxique gamin qui causait tant de mal. Je sursautais doucement lorsque Mio Amore venait intervenir soufflant que ce n’était pas la solution. Mes sourcils se fronçaient. Qu’est-ce qui n’était pas la solution ? Un départ ? Une mort ? Je ne savais pas. Ou peut-être que je ne voulais pas savoir parce que mon copain semblait lire dans ma tête un peu trop aisément. C’était comme s’il pouvait tout voir et venir bloquer la porte de la voix avant que je ne m’y engouffre. Peut-être qu’il parlait de la fin de notre histoire qui n’était pas une solution à tous les problèmes. À tous nos problèmes. Quand bien même je tentais de le pousser à croire qu’accomplir cet acte serait bénéfique, la décision inévitable ne tombait pas entre nous. Pire encore, Mio Amore s’approchait de moi soufflant des tonnes de mots que je ne voulais pas entendre. Une envie de ne pas me quitter un peu trop difficile à croire… Des mots emplis de compliments que je ne voulais pas entendre car trop difficile à encaisser… Et, finalement, le sexy musicien attrapait ma main. Une main que je ne retirais pas, malgré les frissons douloureux glissant sur ma peau. Une main que je lui laissais, malgré mon cœur cognant trop fort et mon être totalement tendu. Lukas m’interrogeait sur la Mafia et je soufflais les mots qui offraient la délivrance. Tout était terminé. Il n’y avait plus rien à craindre. Je n’avais plus rien à craindre. Je voulais y croire avec ce nouveau rôle que j’allais accomplir de façon occasionnelle. Suite à l’aveu, Mio Amore fermait les yeux de soulagement. Je le voyais. Je le sentais. Tout était terminé et pour lui tout pouvait s’arranger maintenant. Mais saurait-il vraiment capable de vivre avec celui que j’étais redevenu ? Ce gosse qui ressentait de nouveau des besoins de domination un peu trop fort ? Ce gamin qui était trop perturbé au point d’enchaîner les nuits de cauchemars et les journées de panique ? Cet homme qui avait accompli un autre meurtre ? Pouvait-il vraiment vivre avec moi ? Moi… Le toxique. Le destructeur. Le différent.
Mio Amore semblait prêt à ouvrir la bouche pour souffler des mots à propos de cette nouvelle aussi soudaine qu’heureuse, mais la situation dérapait bien trop rapidement. Le contrôle s’évadait. La tempête débarquait. Imprévue. Violente. Je dérapais sans pouvoir me contenir parce que ça s’était mis à cogner de plus en plus fort en moi. ELLE avait remis sur le devant de la scène la réalité que je tentais d’oublier. J’étais toujours ce monstre qui faisait du mal aux autres. Je serais à jamais ce gamin un peu trop dangereux et toxique qui pouvait détruire des personnes formidables. J’étais toujours cette créature qui pouvait faire trop de mal autour de lui et tout foutre en l’air. Alors, poussé par cette voix, poussé par ces horreurs, j’agissais comme elle me le disait. J’agissais pour tenter de le pousser à bout. J’agissais pour tenter d’obtenir la fin de tout. La fin de nous. La fin qui serait mieux pour lui. La fin qui semblait la meilleure solution pour ELLE afin qu’ELLE puisse me dévorer dès que je serai seul. J’agissais sans le moindre préambule attrapant un peu trop vivement mon copain pour le bousculer contre le mur du salon. Est-ce que j’y allais trop fort ? Je ne savais pas. Je ne mesurais plus rien. Je ne contrôlais plus vraiment. Le dos de Lukas percutait le mur et il grimaçait. Surprise ? Douleur ? Allez savoir. Je ne m’y attardais pas. Je ne cherchais pas à savoir. Non. Pas dans l’immédiat. J’étais beaucoup trop perdu dans une tornade sans fin pour m’attacher aux détails importants. M’approchant de Mio Amore, je sentais mon corps trembler lentement sous la peur qui se propageait malgré le contrôle. Incontrôlable peur provoquée par ces hommes qui m’avaient fait du mal. Mes mains de part et d’autre de la tête de Lukas, je babillais des mots sur moi. Ma toxicité. La souffrance que j’imposais. Et je cherchais à savoir pourquoi il n’arrêtait pas tout ? Pourquoi il ne mettait pas fin à cet Enfer que je lui faisais vivre ? Ce n’était pas normal. Et, comme pour prouver un peu plus mon côté malsain et destructeur, mon poing s’abattait sur le mur juste à côté de Lukas. Juste à côté de lui ouais parce que je n’étais pas foutu de lui faire du mal à ce point. Je ne le pourrai sans doute jamais. Au fond de mon être, j’étais toujours ce gamin qui avait vu sa mère se faire rouer de coups par son père. J’étais toujours cet enfant qui ne voulait pas blesser physiquement ceux à qui il tenait beaucoup trop fort. Mio Amore arquait un sourcil sans rien dire, sans rien faire. La lueur de peur ne se trouvait même pas dans ces prunelles que j’observais si proche de lui. Si proche à attendre la réponse qui saurait me satisfaire. La réponse qui saurait LA satisfaire. Mais ça n’arrivait pas. Non… Contrairement à tout ce que j’attendais, ce furent les lèvres de Lukas qui s’échouaient sur les miens et non pas les couteaux déchirants qui pénétraient dans mon corps. Je me laissais avoir par le baiser. Je sentais mon cœur cogner plus agréablement dans ma poitrine. Je sentais l’agressivité s’éloigner doucement. Je sentais la tension redescendre lentement. Comme s’il savait me calmer. Comme s’il parvenait à trouver la faille dans le système pour remettre tout à plat. Et finalement je reculais à bout de souffle après quelques minutes. De trop longues minutes peut-être bien. Lukas me demandait alors de ne plus recommencer et je ne parvenais pas à savoir de quoi il parlait. Parlait-il de mon départ soudain en Italie ? Parlait-il de cette bousculade un peu trop violente ? Ou parlait-il plutôt de ce plein pouvoir de choix sur notre futur que je lui donnais ? Je n’en savais rien et je n’osais pas ouvrir la bouche pour le question. Pas alors que son bras venait appuyer sur mon épaule pour me pousser à bouger. Je cédais sans faire d’histoire lui offrant sa liberté et le laissant se dégager. Il s’éloignait vers le canapé contre lequel il s’appuyait tandis que je laissais mon dos se reposer contre le mur où il s’était trouvé quelques minutes plus tôt. Mes mains tremblaient encore comme si je n’étais pas totalement remis de l’acte de violence que je venais de commettre. Yeux baissés, je n’osais plus le regarder. Pas après ce que je venais de faire. Pas après toutes ces dernières minutes. Cette violence. Ce baiser. Cette demande. Tout s’embrouillait dans ma tête. Je n’y voyais plus clair. J’aurai pu me laisser happer par le tourbillon incompréhensible. Mais, la voix de mon copain s’élevait captant alors mon attention. Je l’écoutais parler de cette logique qui n’existait pas. Je l’écoutais me dire qu’il ne voulait pas me quitter… Qu’il ne pouvait même pas le faire car il n’était pas capable de me laisser partir ou de me faire disparaître. Les larmes me montaient aux yeux alors que je me rendais compte que nous étions allés trop loin. Le retour en arrière n’était pas possible. Nous avions sombré au sein du Neakas comme s’il s’agissait d’une drogue trop addictive et, peu importait le danger encouru, nous ne savions pas nous en détacher. Les yeux toujours rivés sur le sol, je restais sagement silencieux alors qu’il parlait de la douleur de mon absence, du fait qu’il avait appris à vivre avec mon trouble et de la difficulté de ces dernières mois parce que… Marmonnant un « Ouais j’sais… » comme pour le soulager et lui prouver qu’il n’avait pas à entrer encore plus dans les détails de ces derniers mois emplis d’Enfer et d’horreur. Mio Amore continuait. Il savait ce qui l’attendait avec moi et me choisissait quand même. Malgré moi, un sanglot venait franchir mes lèvres parce que merde, je ne m’étais pas attendu à ça. Non je ne m’étais pas attendu à ces mots-là. À cette décision là. Pas après tout ce qu’il avait pu me dire. Le sanglot m’échappait sous la douleur ou le soulagement je ne saurais vous dire alors qu’il babillait sur notre futur. Des disputes, des nuits sans sommeil à cause de mes disparitions et même des coucheries… Lukas semblait conscient de tout ça et tellement prêt à l’accepter que ça fissurait mon cœur. Il acceptait de plonger dans une vie instable de souffrances presque quotidiennes et je m’en voulais trop. Je m’en voulais, mais je ne savais plus quoi dire pour le pousser à partir. Encore moins alors qu’il s’approchait de nouveau de moi affirment qu’il n’allait pas me quitter. Il parlait de cette erreur qu’il était prêt à commettre avec le bon et le mauvais. Je fermais les yeux en l’entendant me souffler qu’il voulait se battre pour nous. Je mordais ma lèvre pour retenir ce nouveau sanglot qui montait en moi. Je ne voulais pas être si faible. Et pourtant, je l’étais déjà. Je cédais. Je reculais dans ma tête. J’acceptais de revenir sur un autre chemin. Pas de disputes. Pas de provocations. Pas de fin. Je tendais le bras pour attraper le haut de mon copain et l’attirer vers moi. L’attirer contre moi toujours appuyé contre ce mur. Ma main toujours accrochée à son haut, mes yeux venaient trouver les siens et je murmurer « Tu es fou tu sais ça… Ou peut-être maso… Ou les deux tiens… » Un léger sourire amusé étirait mes traits comme pour tenter de dédramatiser cette situation difficile. Ouais soit Lukas était un peu trop fou amoureux de moi pour accepter tant de souffrances, soit il était réellement maso d’accepter de plonger dans un quotidien de douleur. Je me redressais un peu pour déposer un baiser sur le bout du nez de mon copain avant d’enrouler mes bras autour de son cou. Et là j’hésitais un instant. Hésiter sur les propos à souffler. Hésiter sur la décision à prendre. Est-ce que je devais mettre fin à notre Neakas puisqu’il ne le ferait pas ? Est-ce que je devais le mettre à la porte puisqu’il ne prendrait pas la décision de partir de lui-même ? Mordillant ma lèvre, je baissais les yeux à la recherche des mots à prononcer. Et, finalement, yeux rivés au sol, je soufflais « J’suis pas convaincu Amore… J’suis désolé, je… Je continue de penser que je suis toxique… Que j’suis pas bon pour toi et que tu serais mieux avec quelqu’un d’autre… Mais je… Je… Je comprends tes mots et je… J’ai aucune envie que tu me quittes dans le fond… J’ai besoin de toi… Je… J’veux me battre pour nous et vraiment essayer de plus t’imposer tout ça… Je… Au moins les coucheries parce que le reste je… C’pas vraiment aussi gérable… » Non ça ne l’était pas. Mon trouble ne se contrôlait pas sur commande… À moins que je me décide à consulter quelqu’un et à suivre un réel traitement, mais ce n’était pas à l’ordre du jour dans ma tête. ELLE ne voulait pas. Je ne voulais pas. En revanche, les coucheries pouvaient peut-être se contrôler. C’était compliqué de battre une addiction. C’était difficile de surpasser le manque, mais je voulais faire des efforts. Pour lui. Lui montrer que je ne prenais pas tout ça à la légère et que j’essayais vraiment. Lui prouver que je ne cherchais pas obligatoirement à le blesser. Lui prouver qu’il m’était précieux et que je voulais faire des efforts pour lui. Relevant les yeux sur Mio Amore, je reprenais « Je t’aime Lukas et je… J’ai envie de commettre cette peut-être erreur avec toi, mais je… Je veux que tu me promettes quelque chose… Promets-moi que si un jour je te fais trop mal… Si un jour la situation devient trop ingérable pour toi… Tu… Tu me quitteras… Pour ton propre bien Amore… Je… Steuplait… Promets-moi de ne pas me laisser te détruire de façon irréversible… » Mes prunelles sombres suppliaient le jeune homme de me faire une telle promesse. J’avais besoin de l’entendre me dire ces mots. J’avais besoin de savoir qu’il s’évaderait avant d’être totalement brisé. J’avais besoin de savoir qu’il ne glisserait pas comme moi j’avais glissé dans la Mafia. Besoin de savoir qu’il s’en sortirait et qu’il ne se laisserait pas bousiller. Me décollant du mur, je me rapprochais encore plus du jeune homme venant enfouir ma tête dans son cou. Fermant les yeux, je respirais son parfum essayant de me détendre. Calmer le tremblement de mes mains. Calmer la tension de mon corps. Calmer le rythme affolé de mon cœur. La bouche collée au cou de Mio Amore, je marmonnais « T’sais… Vu comment t’as dit l’truc… Avec l’bon et l’mauvais… Ça fait très mariage… Pour le meilleur et pour le pire… » Le léger rire glissait entre mes lèvres laissant mon souffle s’échouer dans le cou de mon copain tandis que je ne bougeais plus. Je m’apaisais de secondes en secondes contre lui. Je relâchais cette pression accumulée depuis tant de jours. Trop de jours. Je n’étais peut-être pas prêt à me laisser toucher de partout tout le temps ou de façon imprévue. Mais, j’étais prêt à me blottir contre lui et à accepter une tendresse que Mio Amore savait m’offrir. Je n’étais peut-être pas prêt à croire à tout et à mon bienfait sur Lukas. Mais, j’étais prêt à tenter de continuer cette relation avec lui. Avec le bon et le mauvais. Pour le meilleur et pour le pire. Tout ça parce que je l’aimais sincèrement.
Mio Amore semblait prêt à ouvrir la bouche pour souffler des mots à propos de cette nouvelle aussi soudaine qu’heureuse, mais la situation dérapait bien trop rapidement. Le contrôle s’évadait. La tempête débarquait. Imprévue. Violente. Je dérapais sans pouvoir me contenir parce que ça s’était mis à cogner de plus en plus fort en moi. ELLE avait remis sur le devant de la scène la réalité que je tentais d’oublier. J’étais toujours ce monstre qui faisait du mal aux autres. Je serais à jamais ce gamin un peu trop dangereux et toxique qui pouvait détruire des personnes formidables. J’étais toujours cette créature qui pouvait faire trop de mal autour de lui et tout foutre en l’air. Alors, poussé par cette voix, poussé par ces horreurs, j’agissais comme elle me le disait. J’agissais pour tenter de le pousser à bout. J’agissais pour tenter d’obtenir la fin de tout. La fin de nous. La fin qui serait mieux pour lui. La fin qui semblait la meilleure solution pour ELLE afin qu’ELLE puisse me dévorer dès que je serai seul. J’agissais sans le moindre préambule attrapant un peu trop vivement mon copain pour le bousculer contre le mur du salon. Est-ce que j’y allais trop fort ? Je ne savais pas. Je ne mesurais plus rien. Je ne contrôlais plus vraiment. Le dos de Lukas percutait le mur et il grimaçait. Surprise ? Douleur ? Allez savoir. Je ne m’y attardais pas. Je ne cherchais pas à savoir. Non. Pas dans l’immédiat. J’étais beaucoup trop perdu dans une tornade sans fin pour m’attacher aux détails importants. M’approchant de Mio Amore, je sentais mon corps trembler lentement sous la peur qui se propageait malgré le contrôle. Incontrôlable peur provoquée par ces hommes qui m’avaient fait du mal. Mes mains de part et d’autre de la tête de Lukas, je babillais des mots sur moi. Ma toxicité. La souffrance que j’imposais. Et je cherchais à savoir pourquoi il n’arrêtait pas tout ? Pourquoi il ne mettait pas fin à cet Enfer que je lui faisais vivre ? Ce n’était pas normal. Et, comme pour prouver un peu plus mon côté malsain et destructeur, mon poing s’abattait sur le mur juste à côté de Lukas. Juste à côté de lui ouais parce que je n’étais pas foutu de lui faire du mal à ce point. Je ne le pourrai sans doute jamais. Au fond de mon être, j’étais toujours ce gamin qui avait vu sa mère se faire rouer de coups par son père. J’étais toujours cet enfant qui ne voulait pas blesser physiquement ceux à qui il tenait beaucoup trop fort. Mio Amore arquait un sourcil sans rien dire, sans rien faire. La lueur de peur ne se trouvait même pas dans ces prunelles que j’observais si proche de lui. Si proche à attendre la réponse qui saurait me satisfaire. La réponse qui saurait LA satisfaire. Mais ça n’arrivait pas. Non… Contrairement à tout ce que j’attendais, ce furent les lèvres de Lukas qui s’échouaient sur les miens et non pas les couteaux déchirants qui pénétraient dans mon corps. Je me laissais avoir par le baiser. Je sentais mon cœur cogner plus agréablement dans ma poitrine. Je sentais l’agressivité s’éloigner doucement. Je sentais la tension redescendre lentement. Comme s’il savait me calmer. Comme s’il parvenait à trouver la faille dans le système pour remettre tout à plat. Et finalement je reculais à bout de souffle après quelques minutes. De trop longues minutes peut-être bien. Lukas me demandait alors de ne plus recommencer et je ne parvenais pas à savoir de quoi il parlait. Parlait-il de mon départ soudain en Italie ? Parlait-il de cette bousculade un peu trop violente ? Ou parlait-il plutôt de ce plein pouvoir de choix sur notre futur que je lui donnais ? Je n’en savais rien et je n’osais pas ouvrir la bouche pour le question. Pas alors que son bras venait appuyer sur mon épaule pour me pousser à bouger. Je cédais sans faire d’histoire lui offrant sa liberté et le laissant se dégager. Il s’éloignait vers le canapé contre lequel il s’appuyait tandis que je laissais mon dos se reposer contre le mur où il s’était trouvé quelques minutes plus tôt. Mes mains tremblaient encore comme si je n’étais pas totalement remis de l’acte de violence que je venais de commettre. Yeux baissés, je n’osais plus le regarder. Pas après ce que je venais de faire. Pas après toutes ces dernières minutes. Cette violence. Ce baiser. Cette demande. Tout s’embrouillait dans ma tête. Je n’y voyais plus clair. J’aurai pu me laisser happer par le tourbillon incompréhensible. Mais, la voix de mon copain s’élevait captant alors mon attention. Je l’écoutais parler de cette logique qui n’existait pas. Je l’écoutais me dire qu’il ne voulait pas me quitter… Qu’il ne pouvait même pas le faire car il n’était pas capable de me laisser partir ou de me faire disparaître. Les larmes me montaient aux yeux alors que je me rendais compte que nous étions allés trop loin. Le retour en arrière n’était pas possible. Nous avions sombré au sein du Neakas comme s’il s’agissait d’une drogue trop addictive et, peu importait le danger encouru, nous ne savions pas nous en détacher. Les yeux toujours rivés sur le sol, je restais sagement silencieux alors qu’il parlait de la douleur de mon absence, du fait qu’il avait appris à vivre avec mon trouble et de la difficulté de ces dernières mois parce que… Marmonnant un « Ouais j’sais… » comme pour le soulager et lui prouver qu’il n’avait pas à entrer encore plus dans les détails de ces derniers mois emplis d’Enfer et d’horreur. Mio Amore continuait. Il savait ce qui l’attendait avec moi et me choisissait quand même. Malgré moi, un sanglot venait franchir mes lèvres parce que merde, je ne m’étais pas attendu à ça. Non je ne m’étais pas attendu à ces mots-là. À cette décision là. Pas après tout ce qu’il avait pu me dire. Le sanglot m’échappait sous la douleur ou le soulagement je ne saurais vous dire alors qu’il babillait sur notre futur. Des disputes, des nuits sans sommeil à cause de mes disparitions et même des coucheries… Lukas semblait conscient de tout ça et tellement prêt à l’accepter que ça fissurait mon cœur. Il acceptait de plonger dans une vie instable de souffrances presque quotidiennes et je m’en voulais trop. Je m’en voulais, mais je ne savais plus quoi dire pour le pousser à partir. Encore moins alors qu’il s’approchait de nouveau de moi affirment qu’il n’allait pas me quitter. Il parlait de cette erreur qu’il était prêt à commettre avec le bon et le mauvais. Je fermais les yeux en l’entendant me souffler qu’il voulait se battre pour nous. Je mordais ma lèvre pour retenir ce nouveau sanglot qui montait en moi. Je ne voulais pas être si faible. Et pourtant, je l’étais déjà. Je cédais. Je reculais dans ma tête. J’acceptais de revenir sur un autre chemin. Pas de disputes. Pas de provocations. Pas de fin. Je tendais le bras pour attraper le haut de mon copain et l’attirer vers moi. L’attirer contre moi toujours appuyé contre ce mur. Ma main toujours accrochée à son haut, mes yeux venaient trouver les siens et je murmurer « Tu es fou tu sais ça… Ou peut-être maso… Ou les deux tiens… » Un léger sourire amusé étirait mes traits comme pour tenter de dédramatiser cette situation difficile. Ouais soit Lukas était un peu trop fou amoureux de moi pour accepter tant de souffrances, soit il était réellement maso d’accepter de plonger dans un quotidien de douleur. Je me redressais un peu pour déposer un baiser sur le bout du nez de mon copain avant d’enrouler mes bras autour de son cou. Et là j’hésitais un instant. Hésiter sur les propos à souffler. Hésiter sur la décision à prendre. Est-ce que je devais mettre fin à notre Neakas puisqu’il ne le ferait pas ? Est-ce que je devais le mettre à la porte puisqu’il ne prendrait pas la décision de partir de lui-même ? Mordillant ma lèvre, je baissais les yeux à la recherche des mots à prononcer. Et, finalement, yeux rivés au sol, je soufflais « J’suis pas convaincu Amore… J’suis désolé, je… Je continue de penser que je suis toxique… Que j’suis pas bon pour toi et que tu serais mieux avec quelqu’un d’autre… Mais je… Je… Je comprends tes mots et je… J’ai aucune envie que tu me quittes dans le fond… J’ai besoin de toi… Je… J’veux me battre pour nous et vraiment essayer de plus t’imposer tout ça… Je… Au moins les coucheries parce que le reste je… C’pas vraiment aussi gérable… » Non ça ne l’était pas. Mon trouble ne se contrôlait pas sur commande… À moins que je me décide à consulter quelqu’un et à suivre un réel traitement, mais ce n’était pas à l’ordre du jour dans ma tête. ELLE ne voulait pas. Je ne voulais pas. En revanche, les coucheries pouvaient peut-être se contrôler. C’était compliqué de battre une addiction. C’était difficile de surpasser le manque, mais je voulais faire des efforts. Pour lui. Lui montrer que je ne prenais pas tout ça à la légère et que j’essayais vraiment. Lui prouver que je ne cherchais pas obligatoirement à le blesser. Lui prouver qu’il m’était précieux et que je voulais faire des efforts pour lui. Relevant les yeux sur Mio Amore, je reprenais « Je t’aime Lukas et je… J’ai envie de commettre cette peut-être erreur avec toi, mais je… Je veux que tu me promettes quelque chose… Promets-moi que si un jour je te fais trop mal… Si un jour la situation devient trop ingérable pour toi… Tu… Tu me quitteras… Pour ton propre bien Amore… Je… Steuplait… Promets-moi de ne pas me laisser te détruire de façon irréversible… » Mes prunelles sombres suppliaient le jeune homme de me faire une telle promesse. J’avais besoin de l’entendre me dire ces mots. J’avais besoin de savoir qu’il s’évaderait avant d’être totalement brisé. J’avais besoin de savoir qu’il ne glisserait pas comme moi j’avais glissé dans la Mafia. Besoin de savoir qu’il s’en sortirait et qu’il ne se laisserait pas bousiller. Me décollant du mur, je me rapprochais encore plus du jeune homme venant enfouir ma tête dans son cou. Fermant les yeux, je respirais son parfum essayant de me détendre. Calmer le tremblement de mes mains. Calmer la tension de mon corps. Calmer le rythme affolé de mon cœur. La bouche collée au cou de Mio Amore, je marmonnais « T’sais… Vu comment t’as dit l’truc… Avec l’bon et l’mauvais… Ça fait très mariage… Pour le meilleur et pour le pire… » Le léger rire glissait entre mes lèvres laissant mon souffle s’échouer dans le cou de mon copain tandis que je ne bougeais plus. Je m’apaisais de secondes en secondes contre lui. Je relâchais cette pression accumulée depuis tant de jours. Trop de jours. Je n’étais peut-être pas prêt à me laisser toucher de partout tout le temps ou de façon imprévue. Mais, j’étais prêt à me blottir contre lui et à accepter une tendresse que Mio Amore savait m’offrir. Je n’étais peut-être pas prêt à croire à tout et à mon bienfait sur Lukas. Mais, j’étais prêt à tenter de continuer cette relation avec lui. Avec le bon et le mauvais. Pour le meilleur et pour le pire. Tout ça parce que je l’aimais sincèrement.
@Lukas O. Spritz
(Neal T. Hood-Spritz)