« A Améthyste, ma petite chenille qui deviendra papillon »
Il y a des choses que l'on voudrait conserver toute sa vie. Un objet, une photo, une lettre peut toujours être source de souvenirs. Et c'est dans les moments les plus difficiles de notre vie que tout ça devient de nouveaux utiles. Se replonger dans un passé qui nous tient à coeur, penser aux plus beaux moments de sa vie ont le pouvoir de nous redonner le sourire. Moi mon objet à moi, ce sont ces quelques traces qu'il reste aujourd'hui de ma mère. Gardés précieusement, ils sont tout ce qu'il me reste d'elle. Il y a d'abord ce livre, celui que ma mère avait ouvert dès ma naissance, et delà, elle a tout écrit de mes moments les plus importants. A les relire aujourd'hui, j'imagine les sentiments qu'elle a utilisé dans la plume de son stylo pour faire ces si jolies phrases; Améthyste, à ma petite chenille qui deviendra papillon. Et tu avais raison maman, malgré toutes les épreuves que j'ai du traverser, je suis enfin devenue un papillon, et ce, grâce à tout ce que vous m'avez appris.
14 février 1990 ► Tu es enfin née ma petit chérie. Toi qui nous a fait languir pendant 9 mois, toi qui m'a donné des coups de pieds dans le ventre, toi qui était notre impatience la plus ressentie, toi qui est le fruit de notre mariage. C'est en ce jour symbolique de l'amour que tu as décidé d'enfin montrer le bout de ton nez. Tu as vraiment choisi le bon jour. Et c'est pour ça, que depuis, autre que la Saint-Valentin, ce jour est devenu d'avantage plus signifiant. Lors de l'accouchement, ton père, Jackson est tombé dans les pommes à ta venue, m'abandonnant seule dans ce moment douloureux, mais tellement joyeux. T'entendre crier me réchauffait le coeur. Et quand j'ai enfin pu te prendre dans mes bras, je n'avais plus envie de te lâcher. Je ne savais pas qu'on pouvait autant aimer quelqu'un en si peu de temps. Ta naissance a changé notre vie. Tu es, et restera à jamais notre petite fille bien aimée. Bienvenue dans notre monde Améthyste Jane-Nikita Callderson. Ton prénom te correspond à merveille: tu es cette petite pierre précieuse que nous aimons plus que tout au monde.
14 février 1991 ► En ce jour, nous fêtons tes un an avec toute la famille. C'est dingue comme cette première année de vie avec toi est passée à la vitesse de l'éclair. Tu commences déjà à sortir des premiers sons de ta bouche, rien d'encore très claire, mais tu sais comment nous faire comprendre quand tu as faim ou quand tu as besoin d'aller faire potpot. On essaie de t'apprendre le mot papa, ou bien maman. Je t'avoue que j'espère que "maman" sera celui que tu diras en premier. C'est un peu une compétition entre ton père et moi, de qui sera élu le gagnant. On en rigole d'ailleurs! Tu as de plus en plus de cheveux sur ta tête, avec beaucoup de petites bouclettes par-ci et par-là. Oh et tes si beaux yeux. Ils sont d’un brun si tendre. Tu tiens ça de ton père sans aucun doute !
19 juillet 1993 ► Tu as désormais 3 ans. Tu es devenue une belle petite fille rayonnante. J'ai gagné le pari: tu as prononcé la mot "maman" avant le mot papa! Puis maintenant, tu sais marcher et courir sans tomber. Il t'aura fallu un peu de temps pour y parvenir sans notre aide, mais finalement tu y es arrivé avec un peu de retard. Et alors que la famille ne se composait que de trois jusqu'à aujourd'hui, un nouveau petit monstre vint l'agrandir: en effet, c'est en ce plein mois de juillet, que Lunabhee, ta petite soeur, naquit. Te voilà maintenant grande soeur. Nous espérons que tu seras en prendre soin et l'aimer autant que nous l'aimons.
31 octobre 1996 ► C'est dingue comme le temps passe vite. Tu rayonnes comme un soleil au delà de tes 6 ans, et qu'est-ce que j'aime te voir t'occuper de ta petite soeur. Je suis heureuse de voir que vous êtes inséparables. Tellement inséparables quand ce soir du 31 octobre d'Halloween, tu étais là pour la couvrir des enfants déguisés en monstres qui l’effrayait. Et pour l'occasion, sachant sa peur, tu t'étais déguisée en la fée clochette, tant dis qu'elle s'était mise dans la peau d'un petit crocodile. Déambulant les rues de New-York, vous alliez de porte en porte réclamant vos bonbons. Et lorsque Lunabhee en avait moins que toi, tu lui en rajoutais dans son panier. Et je ne sais pas pourquoi, mais cette soirée en particulier m'avait attendrie. Je pense qu'elle est tombée sur la meilleure des grandes soeurs. A peine 6 ans et déjà protectrice est tout ce que j'espérais.
Ce livre qu'elle complétait dès que le temps le lui permettait n'avait pas été au-delà de l'année 1996. Une nouvelle bouleversante l'en empêcha. Trop occupée à aller faire des visites à l'hôpital prétextant qu'elle y allait pour ses maux de dos. Me voyant inquiète, elle préféra tout de suite me rassurer. « Ne t'en fais pas ma chérie, le médecin veille à ce que mon mal de dos ne s'empire. » Je voyais bien dans les yeux de mon père que ce n'était pas ça. Je sentais que c'était bien plus grave, même si elle ne voulait pas nous l'avouer. Lunabhee était encore bien trop jeune pour se douter de quelque chose. Elle n'avait que 3 ans après tout, et à cet âge, on ne fait que des bêtises et ne comprenait encore rien à la vie. Et c'est seulement un an après que mes parents se sont enfin décidés de me dire ce qu'il se passait réellement. « Écoute Améthyste, papa et moi, on doit te dire quelque chose... Comme tu as pu le voir, je vais souvent à l'hôpital et... » Toute inquiète, je ne pus m'empêcher de la couper. « Qu'est-ce que tu as au dos? » Un long silence pesait dans notre logis familial, alors que Lunabhee ne semblait pas comprendre un seul mot de ce que l'on disait. Une larme coulait sur la joue de mon père. Je ne me doutais pas une seule seconde de ce qui se passait vraiment, puisqu'au final, j'avais finir par croire que ses visites régulières hospitalières provenaient vraiment de son mal de dos. Et si seulement j'avais eu raison... Alors que ma mère ne savait pas comment m'annoncer la nouvelle, mon père prit la relève posant délicatement sa main sur la sienne. « Maman ne va pas bien, même pas bien du tout... Et il est fort probable que ça ne ça s'arrange pas. Améthyste, maman est malade... Elle n'est pas malade comme tu le penses, ça n'a rien avoir avec ces petits rhumes qu'on l'on peut vite attraper et en guérir trois jours plus tard. Maman a ce qu'on appelle le cancer... » Le mot cancer n'était pas dans mon vocabulaire. Mais vu les expressions de leur visage, ça ne devait pas prit à la légère. « Et c'est grave? » J'avais du mal à vraiment réaliser ce qui se passait, jusqu'au moment ou en guise de réponse à cette question, mon père baissa les yeux. Ça voulait tout dire. Et même si à cette époque je n'avais que 7 ans, j'avais bien compris à quoi était condamné ma mère, mais je ne préférai pas m'imaginer. Je voulais à tout prix exclure la mort de cette situation. Ce n'était pas la destinée de ma mère, elle ne le méritait pas. Je me posais beaucoup de question, et arrivait encore moins à comprendre pourquoi c'était tomber sur ma mère. Ma mère m'a dit que ça arrivait ainsi, sur n'importe qui. Et plus les années passaient, plus je voyais cette si belle fleure qui se fanait. Fatiguée de tous les traitements qu'elle subissait, mon coeur se déchirait. Le si beau visage qu'elle avait était entrain de s'assombrir. Elle avait sans cesse des poches sous les yeux. Elle n'avait plu de cheveux et elle recouvrait son crâne d'un foulard qu'elle accordait à chaque fois avec ses vêtements. Et même si le cancer la rongeait, elle gardait ce sourire qui pouvait nous faire oublier l'espace d'un instant qu'elle allait bien. Elle restait toujours aussi jolie à mes yeux. Et maintenant que Lunabhee était en âge de comprendre ce qui se passait, nous étions d'avantage plus soudées que jamais.
J'ai été avec elle, jusqu'au bout. Je l'ai accompagnée sur son lit de mort. Je lui ai tenu la main jusqu'à ce que ses paupières se ferment définitivement que sa respiration se coupe sur cette dernière parole qui résonnera à jamais dans ma tête. « Merci pour tout... Je vous ai...mes... » Je voudrais pouvoir oublier ce jour qui a ruiné ma vie. Je voudrais pouvoir revenir en arrière et empêcher le paradis de venir me voler ce que j'avais de plus chère au monde. Après 7 ans de combat, ma mère s'était laissée partir. Et même si elle me manque terriblement, je suis contente pour elle. Elle s'en est allée avec une âme en paix, entourée d'une famille qui l'aime plus que tout et qui la soutenait. Elle a été un leçon de vie pour tous. Dire que j'arrivais encore à me plaindre pour de petites choses, alors qu'elle ne bronchait pas de sa maladie. Je la remercie de m'avoir fait murir. Et même si aujourd'hui il ne reste plus que mon père, ma soeur et moi, elle sera à jamais toujours vivante dans notre coeur. « Je suis sûr que maman est mieux là où elle est. « L'importance, c'est que l'on continue à avancer, ensemble, à trois, en se serrant très fort les coudes. On lui doit bien ça... » Mon père nous répétait sans cesse cette phrase, et elle avait le don de nous remettre sur pieds. Et à nous trois, on était plus forts que n'importe qui ce qui nous a permis de surmonter cette épreuve. Tous les soirs, en regardant les étoiles, mes pensées lui étaient adressées, et de toutes les étoiles, et à chaque fois elle était celle qui scintille le plus dans le ciel. Tu as toujours été scintillante, même si au fond ça n’allait pas. Je t’ai toujours beaucoup admiré pour ça.
Tu sais maman, j'aurai tellement voulu que tu puisses assister à mes premières peines de coeur, à mon entrée à l'université d'Harvard, à ma réussite dans la vie. Tout ce que je fais, je le fais aussi pour toi. Je reprends un nouveau départ en étant venue m'installer à Cambridge. Je suis désormais en âge de construire ma propre vie. Un jour tu m'avais dit que tu avais toujours rêvé de devenir journaliste, et bien maintenant, c'est moi qui le deviendrais, je t'en fais la promesse. Et même si aujourd'hui j'ai réussis à me relever de ta mort, sache que jamais je ne t’oublierais. C'est en ta mémoire que j'écris cette histoire. Jane, comme je suis fière de porter ton prénom. Je t'aime pour toujours et à jamais. Ta chenille devenue papillon.