Dit moi que c’est une plaisanterie (Sateen)

« Dit moi que c’est une plaisanterie. » fit Chiara, les yeux prêts à lancer des éclairs sur Sateen. Comment le petit génie taciturne s’était-elle retrouvée devant un club de striptease masculin ? Pour cela, il fallait remonter quelques heures plus tôt, de côté de la Widener Library. Depuis l’attentat à la bombe qui avait dévasté le campus quelques jours auparavant, Chiara était perdu une bonne partie de sa motivation en ce qui concernait ses recherches. L’accès de la bibliothèque universitaire avait été interdit, même à elle. Car oui, pendant l’espace d’une seconde, Chiara avait cru qu’au vu de sa fréquentation on la laisserait poursuivre son travail à la bibliothèque, voire l’inviter à participer aux travaux de rénovation. Mais elle avait beau considérer la Widener Library comme sa résidence secondaire, elle devait se faire à l’idée qu’elle ne pourrait plus s’y réfugier avant quelques semaines. Elle avait eu beaucoup de mal à accepter cette vérité, mais une rencontre particulièrement frappante l’y avait aidé. Dès lors, la jeune femme s’était mise à chercher de nouveaux moyens pour continuer ses recherches, ce qui n’était pas une mince affaire car la Widener Library n’était pas la plus importante bibliothèque universitaire du monde pour rien. Il y avait bien la bibliothèque municipale de Cambridge et celle du MIT, mais n’y l’une n’y l’autre ne possédaient des ouvrages réellement utiles. De plus il fallait sortir du campus pour y accéder et l’horreur de Chiara envers tout ce qui se trouvait au-delà des limites de Harvard n’était plus à prouver. Du coup la sicilienne avait baissé les bras et s’était mise à attendre patiemment la réouverture de sa chère bibliothèque. Mais elle ne comptait pas rester inactive pendant ce temps, et avait tout simplement décidé de passer ses journées en face de la Widener Library pour constater l’avancement des travaux. Pour s’occuper elle lisait des romans et en avait dévoré pas moins de 14 en l’espace d’une semaine. A ce stade-là, on pouvait vraiment dire que l’endommagement de la bibliothèque l’avait affectée… Et il y semblait qu’il existait une personne que tout ce manège exaspérait : Sateen. Chiara avait rencontré cette Cabot lorsque celle-ci était venue demander de l’aide au petit génie italien pour ses cours. Si au départ leur relation se cantonnait à du soutien scolaire, Sateen ne semblait pas vouloir en rester là. Peut-être s’ennuyait-elle ou était-elle en manque d’affection, Chiara ne savait pas vraiment comment considérer la chose, toujours est-il que sa nouvelle camarade avait commencé à fortement insister pour que la Dunster ferme un peu ses livres et découvre le monde extérieure. Exaspérée d’être ainsi harcelée, Chiara avait fini par accepter de sortir une seule fois avec Sateen en passant qu’ensuite cette dernière cesserait de la déranger. Une lourde erreur que l’italienne payait encore aujourd’hui. En effet la joyeuse blonde ne semblait plus vouloir lâcher sa taciturne camarade et l’entraînait dans toute sorte d’endroits et de soirées dans lesquels Chiara n’aurait jamais pensé mettre les pieds un jour. Alors quand Sateen avait constaté le comportement du rat de bibliothèque déchu, elle l’avait prise par la main et traîné de force vers dieu sait où. Chiara avait à peine eu le temps de protester, qu’elle s’était retrouvée sans comprendre pourquoi devant le Scores' Gentlemen Club, un club de striptease masculin de la ville. Elle jeta un regard noir à la personne à ses côtés qu’elle considérait désormais comme une cinglée, n’inspirant qu’à retrouver rapidement le calme du campus : « Hors de question que je rentre là-dedans. »

Chiara n’en démordrait pas, elle ne mettrait pas un orteil dans cet endroit sordide. A quoi pouvait bien penser Sateen en l’emmenant ici ? Si elle voulait se rincer l’œil ce n’était sûrement pas en ville qu’elle penserait à le faire, il y avait des films et des séries télés aux acteurs hautement plus intéressants pour ça. Et puis Sateen avait un petit ami, est-ce bien moral pour elle d’être vu dans ce genre d’endroit ? Autant d’arguments que la fière Dunster s’apprêtait à avancer pour faire reculer sa camarade, quand celle-ci lui susurra avec un regard malicieux : « En fait je t’ai pas dis mais tu n’as pas le choix ! » Et de la prendre pas la main pour l’entraîner à l’intérieur. L'italienne ne résista pas, elle savait que s'était inutile avec Sateen. Premier constat : elles n’étaient pas les seules clientes, ce qui rassura un peu Chiara dans le sens où elle ne se ferait peut-être pas remarquer. Ensuite elle jeta un œil du côté de la scène où les mâles étaient censés faire leur numéro. Personne en vue, ce ne devait pas être l’heure du show. Mais absorbée par l’observation de l’estrade Chiara en avait oublié de faire attention où elle marchait et c’est tout naturellement qu’elle se cogna contre un homme à la musculature imposante et au tee-shirt particulièrement moulant, sans doute un employé du club, qui lui décrocha un sourire charmeur. Le visage de la jeune femme vira immédiatement au rouge cramoisi et elle serra ses petits poings comme pour se défendre en cas d’éventuelle attaque. Amusée par ce manège, Sateen cru bon de rassurer sa camarade : « Tu sais ils ne vont pas non plus te sauter dessus, ils sont un minimum civilisé… ». Pour toute réponse, Chiara lâche un hmphr! dédaigneux. Il faut dire qu’elle n’avait pas du tout l’habitude de se retrouver aussi proche d’un individu homme de sexe masculin. Ou plutôt d’un garçon qu’elle considérait comme un mâle, ses connaissances masculines ne comptant pas pour elle comme de véritables hommes. De plus Chiara avait une forte tendance à mépriser la gent masculine depuis cette histoire de trahison avec son professeur de lycée. Il était normal qu’elle se sente tendue en pareille circonstances et espérait de tout cœur que la soirée se termine rapidement. Après cet incident, l’homme s’envola vers une femme moins farouche et Sateen attira ensuite Chiara vers le comptoir où elle prit place avant de héler le barman. Elle se tourna vers sa camarade qui se tenait toujours debout au milieu de la boite et lui demanda : « Tu veux boire quoi ? Et me réponds pas de l’eau je t’en supplie !! Ou c’est moi qui commande ! » La réponse sortit immédiatement de la bouche de l’intéressée : « Du Coca. Light s’il vous plait monsieur » ajouta-t-elle à l’adresse du barman tout en s’assayant sur le tabouret à côté de Sateen. « Quoi ? C’est pas de l’eau » fit-elle remarquer à cette dernière. Chiara se doutait bien que la Cabot voulait lui faire boire de l’alcool, un liquide que l’italienne supportait bien mal. En attendant sa commande, elle chercha quelques pièces de monnaies au fond des poches de son jean. Hors de question que Sateen paye, même si elle l’avait traînée ici contre son gré. Elle fit ensuite un nouveau tour visuel de la salle : « Qu’est-ce qu’on attend en fait ? Ca consiste en quoi ces shows de striptease ? » Question idiote je vous l’accorde, mais il ne fallait pas oublier que Chiara n’avait aucune expérience des endroits où toute autre jeune femme de son âge passait normalement son temps.

Comme Chiara s’y attendait, Sateen sembla irritée par la provocation volontaire de l’italienne à propos de la boisson qu’elle avait commandé. « Oui ce n’est pas de l’eau, mais tu avais très bien compris ce que je voulais dire, tu auras beau faire l’innocente tu es loin d’être bête, toute ta culture te sert a quelque chose ! » La Dunster esquissa un sourire suffisant. Elle n’avait pas l’intention d’énerver sa camarade, juste de la taquiner un peu pour se venger de l’avoir trainé ici. Et puis il fallait avouer qu’elle avait vraiment besoin d’un coca, sa boisson favorite, son élixir, sa potion magique, sa drogue personnelle. Le barman lui déposa une petite bouteille décapsulée accompagnée d’un verre que Chiara ne vit même pas, préférant boire directement au goulot. Absolument pas poli ni distingué je vous l’accorde mais elle avait tellement soif qu’elle n’y pensa pas du tout. La jeune femme avala une longue lampée, puis quand elle reposa la bouteille sur le comptoir elle s’aperçu qu’un verre rempli qu’une boisson bleutée l’attendait. « Qu’est-ce que c’est que ça ? » interrogea la Dunster avec l’expression d’un enfant qui pose sa première question sérieuse à ses parents. « C’est un de mes cocktail préféré, ce n’est pas fort du tout, il y a plus de liquide que d’alcool, alors goute au moins : il y a de la limonade, des glaçons, du jus de citron, du curaçao et de la vodka… ça passe tout seul. » répondit Sateen avant d’en prendre une gorgée. De la vodka et de la quoi ?! Fût tentée de répondre Chiara, qui n’y connaissait strictement rien en alcool. A bien y réfléchir, la dernière fois qu’elle avait bu un verre d’alcool en entier remontait au jour où elle avait reçu sa lettre d’admission à Harvard il y avait de cela cinq ans et ses parents avaient tenus à fêter ça avec une bouteille de champagne. Chiara se souvent qu’elle n’avait pas franchement aimé et elle n’avait plus touché à une goutte d’alcool depuis. Elle fixa donc le verre pendant un moment en se demandant si elle devait le boire ou pas. Elle savait que Sateen ne la lâcherait pas tant qu’elle n’aurait pas pris au moins une gorgée, alors elle prit son courage à deux mains – littéralement puisqu’elle se saisit de son verre avec ses deux mains comme une enfant tiendrait une timbale : « C’est bien pour te faire plaisir » précisa-t-elle à sa camarade avant de se jeter à l’eau (ou plutôt dans la vodka). Et le premier constat fut que, effectivement, ce n’était pas fort. Plutôt bon et sucré même, un peu comme un jus de fruit. Mais ça elle ne l’admettrait pas, alors elle reposa son verre en faisant la moue : « Mouais… Le Coca était quand même meilleur. Tu boiras le reste toi. » Mais Sateen ne semblait pas de cet avis. Profitant que la brune se perde dans la contemplation de la salle en posant des questions idiotes, elle lui prit de nouveau la main en pouffant et l’entraîna vers une table dans le fond de la salle où elles pourraient être tranquilles. Un morceau de saxophone remplaça soudain la musique électronique de diffusaient jusqu’alors les enceintes de l’établissement, signe que le spectacle allait bientôt commencer. Une fois les filles assises, la blonde répondit aux interrogations futiles de l’autre : « Nous n’attendons rien de spécial, nous profitons juste de cette soirée. Pour le striptease, tu sais ce que c’est même sans ne jamais être venue ici, après je ne peux pas vraiment te le décrire, il faudra tester pour savoir ! » Encore une fois la Cabot lui répondait de façon à ce qu’elle n’ait pas d’excuses pour filer. Bien sûr que Chiara savait en quoi consistait un striptease, mais elle n’avait jamais eu la curiosité de savoir à quoi pouvait ressembler ce genre de chose mis en scène. Et il lui était maintenant impossible de partir sans le savoir, histoire de se coucher plus cultivée ce soir. La jeune femme voulu reprendre une gorgée de Coca avant que le show ne commence, quand elle réalise que sa bouteille avait disparu. En refaisant des yeux le trajet table-bar, elle aperçut son précieux sur le comptoir et compris bien vite pourquoi il ne se trouvait pas entre ses mains : « Sateen ! Tu exagère ! Ca coûtait quand même 3$ ! » S’exclama alors l’avare italienne. Mais avant qu’elle ne puisse se lever pour récupérer son bien, sa camarade planta ses yeux dans les siens et lança l’attaque discours d’amitié : « Tu sais Chiara je ne vais pas te manger, ou te torturer, je veux juste te montrer ce qu’il y a en dehors de tes livres ! Je n’ai pas pour habitude de venir ici si ça peu te rassurer ! Là c’est juste un des extrêmes des soirées que l’on peut voir, je ne t’emmènerais plus ici de moi même sauf si tu apprécies cette soirée ! » . La brune baissa les yeux. Elle ne doutait pas de la sincérité et de la sympathie de Sateen, c’est d’ailleurs ce pourquoi elle l’appréciait. « Ne t’en fais pas, je vais rester. Surtout pour te faire plaisir mais aussi parce que j’aime bien passer du temps avec toi. Je sais que tu fais ça pour mon bien. » souri-t-elle en réponse à celle qu’elle considérait de plus en plus comme une amie. Puis elle reprit le verre que Sateen lui avait offert et bu quelques gorgées. « Je n’étais pas sérieuse tout à l’heure, c’est pas si mal ce truc. Comment est-ce que tu as dit que ça s’appelais ? Parce la prochaine tournée est pour moi ! » Fit-elle d’un air très sérieux. De l’autre côté de la salle, la scène s’illuminait. Ce serait idiot de partir maintenant.

Lorsque Sateen proposa de rembourser le Coca perdu, Chiara leva les yeux au ciel. « Pas la peine » trancha-t-elle, même si la saveur de sa boisson favorite lui manquait un peu. Il est vrai que l’italienne était très près de ses sous, elle était boursière après tout, mais elle s’efforça de penser que ces trois malheureux dollars avaient en réalité payé son cocktail. Sateen lui confia ensuite ses doutes à propos de son comportement : « Ah ça me rassure, j’avais peur que tu me prennes pour une folle a lié, et que tu te sentais de suivre mon cas désespéré, mais en fait tu apprécies nos soirée, je suis vraiment heureuse que tu l’avoue ! » Cette réplique arracha un petit sourire à Chiara. C’est sûr, au début cette exubérante blonde lui faisait carrément peur. Toujours joyeuse, limite excitée, la Dunster s’était même demandé si cette fille ne carburait pas à l’extasy. Mais de l’autre côté quand elles travaillaient toutes les deux Sateen semblait vraiment motivée, elle ne devait pas avoir un mauvais fond après tout. Et puis à force de la fréquenter Chiara avait fini par se rendre compte que c’était une fille au grand cœur, un peu folledingue mais vraiment sympathique. Elle ne lui avouerait peut-être jamais, mais elle commençait vraiment à la considérer comme une amie. Elle tourna la tête vers la scène pour que Sateen ne voie pas son expression et dit en s’efforçant d’adopter un ton détaché : « Je pensais vraiment que tu étais folle au début. Je le pense toujours un peu d’ailleurs. Mais je sais maintenant que tu es une fille sympa. » Comme toujours, Sateen éclata de rire et Chiara ne put s’empêcher de sourire encore plus. La blonde avait vraiment le rire communicatif. Elle sembla très enthousiaste quand l’italienne lui proposa de payer la seconde tournée : « Génial !! C’est un blue lagon, on pourra tester la Pink panter aussi, j’aime quand tu me surprends Chiara, on est sûre la bonne voie là. » Le rire de Chiara vira un peu au jaune : encore un cocktail… Elle n’était pas sûre d’arriver à en boire deux, la tête lui tournait déjà un peu. Elle n’avait vraiment pas l’habitude de l’alcool. « Doucement, je suis pas Crésus ! » répliqua-t-elle en se tournant vivement vers sa camarade. Puis elle reporta immédiatement son attention sur la scène qui venait de s’illuminer, le spectacle commençait. Avalant une nouvelle gorgée de Blue Lagon, Chiara observa distraitement ce qui se passait. Si elle savait que les hommes n’entreraient pas sur scène déjà à demi nu, elle ne s’attendait pas non plus à ce qu’ils soient habillés comme ils l’étaient. Certains étaient déguisés en pompier, en policier, en médecin, d’autres avaient des tenues de soirée… Ces accoutrements étaient censés représenter les fantasmes de la gent féminine mais Chiara n’y trouva pas de déguisement vraiment excitant. Mais d’un autre côté elle était si exigeante en matière d’homme qu’elle doutait qu’il existe dans cette galaxie un garçon susceptible de vraiment lui plaire. Alors qu’elle buvait de nouveau une petite gorgée de son cocktail, Sateen lui posa soudain une question pour le moins surprenante : « Chiara tu es déjà sortie avec un homme ? » L’italienne en avala son cocktail de travers et se mit à tousser vivement. Sur le coup elle aboya : « Mais je t’en pose des questions ?! ». Ses joues devinrent encore plus rouges qu’au moment où elle s’était cognée contre l’homme à la musculature de spartiate de tout à l’heure. Elle était terriblement gênée, à la fois par la question et par la façon dont elle avait répondu à Sateen. Elle tenta de rectifier le tir : « Oh pardon, c’est pas ce que je voulais dire, désolée… C’est juste… C’est-à-dire… La réponse est non. » La jeune femme soupira. Après tout, Sateen devait s’en douter, Chiara ne lui parlait quasiment jamais d’homme et réagissait de manière complètement farfelue à chaque fois qu’elle en croisait un.