Tu pourrais presque t'en vouloir. Presque. Presque t'en vouloir de voler de la sorte son attention au mépris de sa sœur. A sa place, si tu étais venue au cinéma avec quelqu'un et qu'il se serait détourné de toi, tu aurais très probablement pété un câble. Mais, égoïstement, ça te fait plaisir qu'il le fasse. Le mot "essayer" manque de te faire tiquer, mais t'as franchement pas la force ni l'envie de te battre. Ni même de fuir. C'est plus facile de faire comme si tu n'avais pas compris le double sens de ses mots car tu ne veux pas qu'il remarque tes jambes chancelantes à cause de la fatigue si tu venais à te lever. Alors tu te laisses juste faire lors ses doigts passent sur ta nuque, parce qu'au fond ça fait un bien fou et que t'avais pas conscience à quel point tout cela pouvait être noué. Tu t'excuses lorsque ta main atterrit sur sa cuisse, loupant de peu l'accoudoir. « ah bon ? » comme si cela était vraiment une surprise, pour toi. Tu le sens très bien, que t'as mal de partout depuis deux jours, au cœur et au corps. Ce ne sont probablement pas les seules quelques heures de sommeil cachées par un peu de correcteur qui t'ont aidé, en plus. D'ailleurs, tu entends un "chuuut" sur ta droite, probablement suite à ta réaction plus vive de lorsqu'il a appuyé sur le mauvais nerf. Tu hausses légèrement un sourcil en penchant la tête vers tes genoux, juste retour de bâton par rapport à ton propre comportement en début de séance. Puis, tu le sens se rapprocher et chuchoter encore un peu plus qu’auparavant. A cause de l'inconnu de l'instant, à cause de sa sœur ? t'en sais rien. Honnêtement, c'est pas l'idée qui dérange. Le programme est typiquement ce dont tu aurais bien besoin et Ottis s'est montré tellement parfait depuis le début de votre conversation que t'as même pas envie de dire non et pourtant... « je sais pas si c'est une bonne idée Ottis. » pourquoi ? assurément pour une autre raison que celle là « je m'en veux d'avoir posé un lapin à mon coloc, je devrais probablement rentrer et me reposer... » Au fond, t'en as vraiment besoin, d'une bonne nuit de sommeil et, tu ne lui avoueras pas, mais cette séance de cinéma aurait vraiment su te calmer grâce à sa présence rassurant. C'est d'ailleurs ce qui te perturbe le plus, au fond. En l'espace de quelques mots et instants, il est passé de celui à moitié menaçant lors du bal à ce qui ressemble être un ami rassurant avec qui t'aimerais bien passer du temps. Peut être que t'es trop naïve, peut être qu'il a exercé un vaudou bizarre sur toi. Bref, t'en sais rien et t'imagines que tu ne le sauras jamais. Tu te forces à ne pas revenir sur ta décision et conclues simplement et doucement « peut être une prochaine fois. » T'oses enfin tourner la tête vers lui et croiser son regard plus de deux secondes. Pas facile ceci dit car t'as l'impression que t'es plus capable de lui offrir ton expression impassible à toutes épreuves mais qu'il saura juste lire en toi comme dans un livre ouvert. Heureusement, la salle est quasi plongée dans l'obscurité alors que le film défile encore et encore sur l'écran. « ça été ta fin de soirée, t'as pu parler à danna ? » reporte le sujet sur quelque chose que ne te donne pas envie de pleurer à chaque seconde, Katalia. Puis tu réalises au moment où les mots passent ta bouche que c'est à lui, que tu vas faire du mal. putain... tu n'en loupe pas une. Tu désignes du doigt la glace dans ta main que tu approches entre vous avant d'en prendre un autre morceau que tu portes à ta bouche « j'ai abusé sur la taille du pot. t'en veux un peu ? c'est caramel. » afin de tenter d'adoucir les maux avec du sucre en pot.what do I say
to make me exist ?
@Ottis Abatucci
cambridge, dim 17 mai
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(Katalia Borgia)