don't worry, I'll be okay - naëlle

C'est horrible, ses silences. Ils remplissent la pièce et vident tout ce qu'ils trouvent sur leur passage. Je ne pouvais pas m'empêcher de la regarder, car même si son visage se ferme, il reste celui que je préfère observer. Ses lèvres pulpeuses que j'aime embrasser, mordiller, effleurer avec les miennes. Ses yeux où j'aime me perdre, me noyer. Qui sont si doux et si durs à la fois, selon ses humeurs et ses pensées. Ce regard qui me transperce dès qu'il se pose sur moi et qui me fait me sentir belle et unique. Désirée et désirable. La veine qui traverse son cou, sa mâchoire, la précision de sa coupe de cheveux, ses bras encrés, ses mains fines et douces. Je me perds d'amour alors qu'elle se perd dans le mutisme le plus complet.
Un sourire amusé vient se courber au coin de mes lèvres. Elle n'avait pas tort sur ce point, puisque moi non plus je ne comptais pas passer des heures ici, ce matin, quand nous étions dans cette démarche joueuse et sensuelle. « En vérité, moi aussi je m'en serai bien passée. De la douleur et du temps perdu ici. » avouais-je, dans un fin sourire. Son regard dur s'est effacé et a laissé place à celui que je préfère. Ce regard doux et amoureux qu'elle me réserve chaque soir lors de nos retrouvailles. Le contact de ses lèvres sur les miennes me fait fondre, et me donne l'envie de plus de contact avec elles. Mais les démonstrations en public ne sont pas toujours bien vues. « Je n'en doute pas. » articulais-je doucement.
Les béquilles, c'est vraiment une galère pour moi. Et ce pied immobilisé me donne déjà envie de tout foutre en l'air. Naëlle me dit de ne pas me presser, mais j'ai terriblement envie de rentrer chez moi ou chez elle et de me poser dans ses bras. « Ca me gave déjà. Tu veux pas me porter comme tout à l'heure, s'il te plait ? » m'impatientais-je.

elle n'y est pour rien et pourtant, j'ai l'impression de m'en être prise à elle injustement. je ne suis pas sûre de l'avoir vraiment fait ou non, mais le silence que j'ai instauré doit bien lui faire croire qu'elle a fait quelque chose qu'il ne fallait pas, alors que pas du tout. parfois, je me comporte mal, et il me faut le temps de faire le point dans ma tête, de me rendre compte que je suis la seule responsable de ce qui vient de se produire. et c'est pour ça que j'ai plus rien dit, et c'est peut-être pour ça qu'elle n'a rien relancé dans mon silence. je sentais son regard me scruter, m'analyser, me dévorer. et moi, je fuyais ce regard alors que je crevais d'envie de m'y retrouver. les mâchoires serrées, je m'insultais intérieurement. quelle conne je fais. déjà que la situation est foireuse, j'arrive à la rendre plus pesante encore. quelle conne je fais. incapable de faire abstraction de ce blocage. incapable de ne pas dire les choses avec tact et incapable de ne pas m'enfermer comme une huître.

une chose est sûre, c'est que j'ai réussi à me sortir de cette coquille trop grande pour moi. j'ai réussi à retrouver le sourire et à redescendre en pression, à retrouver cet amour qui m'anime depuis janvier. j'étais désolée d'apprendre que la douleur faisait encore partie intégrante de sa journée, en plus des longues heures passées ici. « on passera une meilleure journée demain, promis. et sans acrobaties, cette fois. » opinais-je. son visage proche du mien après ce baiser, je venais caresser son visage en souriant, avant de me reculer doucement. « j'espère bien. » souriais-je franchement.

alors que j'avançais, je me rendais compte qu'elle était loin derrière moi. alors j'ai fait marche arrière, pour être à sa hauteur. elle s'impatiente, râle même. elle me demande de la porter, et je soupire doucement. « faut que tu apprennes à t'en servir, mon coeur. j'pourrais pas te porter dans tes salles de cours. sinon, tu sais bien que j'le ferai. » dis-je en souriant, avant d'embrasser son front. mais en la voyant galérer, râler et déployer sa mauvaise humeur, si ce n'est de la mauvaise foi, je venais l'attraper pour la porter comme une mariée, sous les yeux médusés des patients et du personnel. « allez, mais c'est la dernière fois. c'est parce que j'ai la dalle et qu'on va passer au drive. » riais-je doucement, pour l'emmener jusqu'à ma caisse.

J'espérais qu'elle avait raison, que demain on passerait une meilleure journée que celle-ci. Que je n'allais pas revenir ici de sitôt, que ça n'allait devenir qu'un souvenir cocasse dont on parlera avec honte et rire. Parce que bon, je pense qu'il y a peu de gens qui peuvent dire qu'ils se sont fait une entorse à la cheville en voulant pimenter un peu leur vie sexuelle, ou expérimenter certaines choses. Je ris alors qu'elle évoque l'absence d'acrobaties pour demain. « Ouais, je vais faire une pause sur les pratiques sportives pendant l'amour. » ricanais-je. Quand elle pose sa main sur mon visage, je ferme les yeux et je profite de l'instant agréable.

Ces cannes, c'est un enfer. J'ai du mal à me coordonner, je pose mon pied au sol et je fais un bond de deux mètres, je râle, ça me gonfle, et elle ne veut même pas m'aider, ce qui me fait soupirer et qui m'énerve encore plus. « Ca serait trop bien si tu pouvais faire ça ! Mais tu m'aimes pas assez pour m'aider. La voiture est superloin en plus, j'apprendrai à m'en servir à la maison, promis. Allez, s'te plaiiiit. » m'énervais-je, non pas à son encontre, mais à cause de la situation. Finalement, sans que je m'y attende, bien que c'était espéré, elle venait m'attraper. Je posais mes béquilles sur mes jambes et je retrouvais le sourire. Elle faisait la meuf qui a faim, mais je savais que c'était par amour. « Oh ouais, un bon McDo. Je t'aime trop quand t'es comme ça. » lançais-je en souriant, comme une princesse dans ses bras, avant de m'installer correctement à la place passager de sa voiture, heureuse comme jamais. En me parlant de McDonalds, elle a marqué un max de points.