[FB] une séparation | Mark

"Il y a d'autres poissons dans la mer", "un de perdu, dix de retrouvés". Ellie sait ça. Elle connaît ces mots-là, elle-même les a déjà adressé à des ami(e)s désemparé(e)s. Mais - parce qu'il y a toujours un mais - aujourd'hui, elle les déteste. Ces phrases débiles, toutes faites, sans aucune sincérité ne peuvent tout simplement pas s'appliquer à son cas. Pas à cette histoire. Elle sait très bien que, même si elle cesse un jour d'aimer Mark, puis tombe amoureuse de quelqu'un d'autre, elle n'oubliera jamais. Son corps en porte les stigmates. Son âme tout autant. Elle est tellement jeune, pourtant.

Elle frissonne quand il l'embrasse, et se noue autour de lui. C'est leur dernier contact, elle en a conscience. Elle s'arrête de pleurer, bercée par les bras de l'homme avec qui elle a tout partagé. "Tu n'as pas le droit de me dire ça." Sa voix est a moitié étouffée, elle a le visage collé contre l'épaule de Mark, et se dit qu'elle pourrait rester là, comme ça, pour toujours. Ses mots ne vont pas avec ses gestes, mais tant pis, qu'est-ce que ça peut bien faire ? Rendus à ce point. "Mais merci, d'avoir toujours cru en moi. Je crois que je t'aimerais toujours. Désolée de ne pas avoir été suffisante, j'aurais aimé..." Elle est plus calme, elle a réussi à reprendre sa respiration. Elle se sent vide, comme après une insomnie, quand la fatigue est tellement intense qu'on a l'impression d'évoluer dans du coton.

"C'est pas toi. C'est les circonstances." C'est ce qui nous est arrivé qui t'a changé, qui m'a changé aussi, qui a bouleversé le plan parfait que j'avais préparé pour nous. Ellie se détache de Mark une nouvelle fois. Il est tellement beau - même quand il pleure. Elle essuie ses propres larmes du mieux qu'elle peut et passe ses doigts dans ses cheveux. "Je pars dans trois mois, alors si tu as besoin, surtout, n'hésite pas... Tu peux m'appeler." Elle sait très bien qu'il ne le fera pas. Ce sera quoi, la vie sans Mark ?

une séparation ★
─ w/ @Elizabeth Sutherland

Mark essayait de se reprendre mais les sanglots débordaient sans qu’il ne puisse les arrêter. Il la garda contre lui le plus longtemps possible, nichant son nez dans ses cheveux pour avoir son odeur encore une dernière fois alors qu’un étau se resserrait sur sa gorge. Il avait l’impression qu’il ne respirerait plus jamais pleinement tant ce poids s’écrasait sur son torse.

La laissant se reculer quand elle en eut besoin, il enfonça ses mains dans les poches de son sweat. Il y toucha les billets d’avion qu’il avait pris pour eux, des billets pour l’Europe, le début d’un tour du monde si jamais elle n’était pas prise à Princeton. Il triturait le carton des billets en baissant les yeux, reniflant un peu. Il était bien conscient qu’il perdait la meilleure chose qui lui était arrivée et qui ne lui arriverait sans doute jamais.

- Toi merci… de m’avoir fait confiance… de m’avoir rendu plus heureux que je ne le méritais… d’avoir supporté mes colères… et d’avoir embrassé mes larmes pour les faire disparaître…

Il passa une main dans ses cheveux puis sur son visage, essuyant les larmes restantes d’un coup de manche. Il secoua un peu la tête.

- Merci à tes parents aussi… Embrasse-les pour moi… Tu vas manquer à Papy… Si il savait pour Princeton il voudrait que je te dise félicitations… et il me traiterait de connard aussi… Du coup… Félicitations de sa part aussi… et… et je crois que si j’arrête pas de parler maintenant, je continuerai à parler juste pour que ce moment ne s’arrête pas et c’est pas une bonne idée donc je vais plus rien dire, dit-il avec un sourire un peu grimaçant.

Tout en sachant que le moment allait arriver, le moment où elle s'éloignerait pour ne plus jamais revenir était probablement la chose dont il avait eu le plus peur de toute sa vie. C'était tout son avenir qui s'envolait en fumée.

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Cette conversation l'épuise. Cette situation la mine complètement. La fin se profile et Ellie hésite entre filer sans demander son reste ou prolonger encore un peu plus ce dernier échange. Elle tangue d'un pied sur l'autre en regardant le sol comme s'il avait quelque chose de fascinant. A dix-huit ans, dire au revoir à un premier amour, c'est dévastateur.

"Il va me manquer, Papy..." Depuis le temps, elle l'appelle Papy aussi, lui il était dans la confidence. "Tu vas me manquer aussi. Tu me manques déjà d'ailleurs." Elle lui sourit, un sourire pale qui remonte à peine la commissure de ses lèvres, mais sincère. Un sourire qui dit tout ce qu'elle n'arrive pas à exprimer. Un sourire qui dit je t'aime, je te pardonne, ça va aller, pour toi et pour moi. Une dernière fois, elle se met sur la pointe des pieds une main sur la joue de Mark, une autre sur son torse, et l'embrasse. C'est comme ça que tout a commencé, ça fait sens pour elle que ça se termine de la même manière. Gardant la promiscuité, elle prend une inspiration et à voix basse parce qu'elle sent monter une nouvelle salve de sanglots, elle dit "Au revoir, alors. Prends soin de toi... Je t'aime." Les derniers mots se perdent dans un souffle, puis elle fait demi-tour et ressort du parc, le coeur en morceaux et le pas traînant. Sans regarder en arrière. Va de l'avant, Ellie. A chaque uppercut, tu te relèveras, ne t'en fais pas.