la fin d'une vie ou le début d'une nouvelle. (louve)

Louve t'a proposé de passer parce que tu avais besoin de lui parler. Elle voulait que tu lui dises par sms mais c'était tout simplement impossible pour toi. T'étais au bout de ta vie, tu ne savais plus quoi faire. Si tu n'allais pas voir ta soeur tout de suite, tu allais forcément faire une connerie et le regretter par la suite. T'as pas pris le temps de te maquiller. Une douche vite fait bien fait ce matin avant d'enfiler un sweat à Khaled et te voilà partie pour déprimer toute la journée. Seulement, tu ne pouvais pas rester toute seule. Il fallait que tu partages ça avec quelqu'un. Tu as laissé une centaine de messages à Khaled. T'as fini par l'insulter de tous les noms. Et puis, t'as enfilé un jean et t'es partie en direction de chez Louve, capuche sur le crâne pour cacher un maximum ta sale tête. T'as pris une grande inspiration, t'as dégluti et finalement, t'as sonné à sa porte. Avant même qu'elle n'ouvre, t'avais déjà les larmes aux yeux. Parce que tu savais que Louve allait être présente pour toi, même si t'avais fait les choses n'importe comment et même si elle allait surement avoir envie de t'engueuler.

Postée sur le canapé, ton t-shirt remonté pour libérer ton ventre beaucoup trop arrondi à ton goût, tu zappes chacune des chaînes qui s’affichent sur la télé qui te fait face. T’attends. Tu sais pas quoi faire. T’as l’impression de tourner en rond depuis des semaines, en attendant sagement que Rose montre le bout de son nez en pleine santé. Mais aujourd’hui sera différent ; aujourd’hui, Colombe est censée te rejoindre pour te parler. T’ignores ce qu’elle a à te dire mais t’hésites entre les résultats de ses analyses ou l’absence de nouvelles de Khaled qui, visiblement, a disparu de la surface de la Terre. Alors, quand t’entends sonner, tu te relèves tant bien que mal, une main dans ton dos comme pour t’aider à maintenir ce poids devant toi. Lorsque t’ouvres enfin, tu remarques immédiatement les yeux humidifiés de ta sœur et tu fronces aussitôt les sourcil, ton cœur se resserrant. « Hé, pleure pas ! » que tu lances en venant l’attraper contre toi – ou du moins, tenter – tout en plongeant ton regard dans le sien. « Je suis là, ça va aller. » ajoutes-tu en la faisant rentrer pour refermer la porte de la villa derrière vous.

Tout semble aller pour Louve. Tout le monde s’inquiétait pour elle et pourtant, la voilà mariée et bientôt maman d’une petite princesse. Toi, tous les espoirs reposaient sur ta petite personne. Colombe elle se mariera avec le gars que papa choisira. Elle aura son diplôme et ils achèteront une belle maison en France. Alors ils auront des enfants et un chien. Au final, tu te retrouves toute seule à Cambridge. Ton fiancé a disparu et tu viens d’apprendre que tu es enceinte. Pas un bébé, ça serait beaucoup trop simple. Non, des jumeaux ou des jumelles. T’as pas voulu savoir parce que tu n’y crois toujours pas. Charlotte s’est forcément planté. Tu déglutis lorsque tu sonnes chez ta sœur. Finalement les larmes coule davantage quand elle t’ouvre en te demandant de ne pas pleurer. Tu fais tomber la capuche de ton sweat et fond en larmes dans ses bras. Elle est grosse comme une baleine mais t’as même pas la force de lui dire. Non, tu te contentes de pleurer sur son épaule sans pouvoir prononçant le moindre mot. Tu ne sais pas par quoi commencer ni même comment lui annoncer.

Elle est là, face à toi, la belle Colombe. Si faible que ça te fait mal. Elle pleure malgré elle, relâchant la pression dans tes bras ; une pression dont t’ignores l’origine mais que tu comptes bien connaître. Ta main caresse délicatement son dos avant de se perdre derrière sa tête, quelques secondes tout juste. Tu finis par te décoller de quelques millimètres tout juste pour saisir ton visage entre tes paumes, tes doigts fins séchant habilement quelques-unes de ses larmes. « Qu’est-ce qu’il y a, Coco ? C’est Khaled ? » que tu lui demandes d’une voix bien plus douce qu’à ton habitude pour ne pas la brusquer, des dizaines et des dizaines de questions fusant dans ton esprit.

Louve, c’est à la fois la force, la douce, la colère... Une partie de toi l’a toujours admirée parce que quoiqu’elle fasse, quoiqu’elle dise, elle sait où elle va ou elle réussit toujours à s’en sortir. Toi, tu finis toujours par sombrer. Parce que tu joues la fille forte et indépendante alors qu’en réalité, t’as un petit cœur tout mou. Tu exploses dans les bras de ta sœur. Tu n’arrives pas à lui expliquer ce qu’elle s’est passée. Elle glisse sa main dans ton dos, ce qui te rassure mais te fait pleurer davantage. Son t-shirt est trempé mais tu t’en fiches, faut que ça sorte. Tu gardes tout en toi depuis beaucoup trop longtemps. T’as besoin de tout lui dire. Elle prend ton visage entre ses mains, sèche tes larmes et tu renifles sans grande classe en secouant la tête positivement. Il est parti et je suis enceinte. Et la, toute personne sensée te proposerait l’avortement alors, tu t’empresses de rajouter : J’ai fait un déni de grossesse... C’est dur et tu re pleures de plus belle comme si jamais ça n’allait s’arrêter.

Plongée dans tes bras, ces derniers enroulés autour de sa fine carrure, ses larmes qui humidifient continuellement tes vêtements, tu tentes du mieux que tu le peux de comprendre pour pouvoir la réconforter. Pourtant, t’es pas de ce genre-là, tu sais pas y faire habituellement ; mais si y a bien une chose qui t’insupporte, c’est de voir ta sœur mal en point à cause de quelqu’un d’autre. Pire, à cause de lui. Tu lui avais fait confiance, tu l’avais prévenu ; t’en étais même venu à lui dire que s’il lui faisait du tort, tu te chargerais toi-même de son cas. Alors, forcément, quand elle t’avoue qu’il est parti et, pire, qu’elle est enceinte, l’énervement se voit aussitôt sur ton visage marqué par la fatigue. « Attends, quoi ?! » que tu lances alors qu’elle t’avoue au même moment avoir fait un déni de grossesse. « Bordel de merde… mais quel enculé ! » Et machinalement, tes bras se resserrent autour d’elle comme pour lui signifier que toi t’es là et que tu le seras toujours.

Tu pleures tout ce que tu peux parce que cela fait beaucoup trop longtemps que tu te retiens. Forcément, te retrouver face à Louve te fait affronter la réalité des faits. Non seulement, toi aussi tu es enceinte mais en plus, tu vas devoir dire la vérité, toute la vérité à ta grande soeur. Tu vas devoir lui expliquer que Khaled est parti, que tu as fait un déni, qu'encore aujourd'hui tu as du mal à accepter les faits. Tu vas devoir te faire à l'idée parce que dans quelques mois, ce sont deux bébés qui vont pointer le bout de leur nez. Cette idée t'effraie au plus haut point car tu avais pris l'habitude d'avancer avec Khaled. Vous aviez prévu de vous marier. Tu terminais tes études et par la suite, il y avait le bébé. Seulement tout était bouleversé. Tu allais devoir te débrouiller seule et surtout, trouver un job pour subvenir à tes besoins. Alors, tu pleures tout ce que tu peux sur l'épaule de ta soeur qui te regarde, étonnée et furieuse à la fois. Tu sens ton coeur battre un peu plus fort, plus vite parce que tu crains qu'elle ne t'engueule. Tu n'as pas besoin de ça, pas maintenant. Finalement, c'est après Khaled qu'elle gueule et ça te fait pleurer encore plus. Pourtant, je savais que j'étais pas assez bien... Je savais que ça n'allait pas fonctionner parce que, j'suis qu'une stupide gamine qui est incapable de faire les choses correctement. Tu te recules, essuies tes yeux d'un revers de la main avant de passer tes doigts dans tes cheveux en bataille. Ils sont tout emmêlés et tu t'arraches la moitié d'entre eux mais, ça ne fait même pas mal contrairement à ce que tu ressens au fond de toi.

Evidemment, ce n’est pas après ta cadette que t’en as quand elle t’avoue avoir appris qu’elle est enceinte – pire, qu’elle a fait un déni de grossesse et que quoiqu’elle veuille, aucune marche arrière n’est plus possible – mais bien après l’abruti qui lui a servi de petit-ami et qui t’a accessoirement servi de meilleur ami avant de se barrer. Toi, t’as clairement rien suivi de leur histoire, totalement accaparée par ta grossesse et toutes les préparations qui en ont découlé. Mais la retrouver là, maintenant, face à toi, en larmes à cause de ce type et de ce qu’il a pu faire, ça te met clairement hors de toi. Ce qui t’énerve sans doute le plus, c’est qu’elle se dénigre. Elle se dénigre pour un mec qui n’a pas eu suffisamment de couilles pour elle et qui ne la méritait pas. « Hé, je te préviens, t’arrêtes tout de suite de te mettre en tête que le problème c’est toi parce que c’est carrément pas le cas ! » Tu sens tes sourcils qui se froncent machinalement alors que tu saisis son bras pour l’emmener avec toi dans la cuisine, cette caverne d’Ali Baba. « C’est lui le gros con dans l’histoire alors tire un trait sur ce lâche et passe à autre chose. De toute façon, t’as plus le choix Colombe et il va falloir que tu sois forte dès maintenant. » que t’ajoutes en te penchant pour attraper un pot de glace dans le congélateur pour le déposer sur le comptoir face à elle avec une cuillère. « Mange. » Quel meilleur remède que ça, après tout ?

Louve a les nerfs mais, tu ne peux pas lui en vouloir. Toi aussi tu serais énervée si tu ne faisais pas que chialer et t'apitoyer sur ton sort. C'est le genre de choses que tu détestes mais, quand t'es avec ta soeur, tu ne peux pas faire semblant car elle le voit directement. Alors, tu te lâches prise, tu dis tout ce que tu as sur le coeur. Louve t'assure que ce n'est pas toi le problème et te demande d'arrêter. Mais dans ta tête, c'est qu'encore une fois, t'as du jouer à la petite princesse pourrie gâtée et Khaled en a eu marre. T'as le coeur qui bat un peu plus vite face à cette pensée. T'aurais préféré qu'il s'énerve contre toi ou qu'il te balance tout ce qui n'allait pas plutôt qu'il part, comme ça. Ta soeur t'entraîne avec elle jusqu'à la cuisine et te colle un pot de glace sous le nez. Elle y plante une cuillère et t'oblige à manger. Apparemment, la nourriture est le meilleur remède. Tu la regardes un court instant. Ses yeux refusent de vriller. Tu sais qu'elle ne va pas lâcher l'affaire de si tôt alors, tu roules des yeux et tu lui obéis. Tu manges sans pour autant t'arrêter de parler. Comment je vais faire avec deux gamins ? Et puis, je veux pas être aussi grosse que toi... Forcément, même dans un moment comme celui-ci, il faut que tu la taquines. Tu reprends de la glace, ta seule nourriture du moment. C'est bourré de sucre et c'est pas ta tasse de thé habituellement mais, depuis que Khaled est parti, c'est le seul truc qui te permet d'être bien.

Elle est là, face à toi, attrocement faible. Tu l’as tirée dans ta cuisine pour la forcer à engloutir ce pot de glace qui, selon toi, lui permettra un tant soit peu de décompresser et d’oublier ses tracas actuels. Sauf qu’évidemment, c’est Colombe. Elle te lance une pique et t’esquisses machinalement un sourire, tout de même ravie de constater qu’elle ne perd pas de temps pour te tacler. C’est que quelque part, elle est toujours là, suffisamment forte pour surmonter cette épreuve, pas vrai ? « Je te rassure, tu le seras pas. » Pas aussi grosse, non. Ton sourire s’agrandit aussitôt alors que tu reprends directement : « Tu seras pire. L’équivalent de cinq pastèques, quelque chose comme ça. » Ouais, toi aussi tu peux être sympa. Mais que serait votre relation sans ça ? Pourtant, tu t’assures de ne pas la lâcher du regard un seul instant pour qu’elle n’abandonne pas la cuillère qu’elle fourrait jusqu’à présent dans sa bouche, tout en t’accoudant de ton côté du comptoir.