No way out • Dimitri

Dimitri A. Marriott-W & Aubrey Nicholson

No way out

Curieuse. Beaucoup trop curieuse. La curiosité me tuera un jour. Mais je tiens à vous dire que cette fois j’ai bien fait de l’être.  Même si j’ai un emploi du temps déjà très chargé, je m’étais prise de pitié pour un papa monoparental. Féministe jusqu’au bout des doigts, j’avais toujours revendiqué, à quel point il était important de venir en aide à ces mères en détresse et pourtant je n’avais jamais oublié ces hommes qui pouvaient l’être tout autant. Peut-être qu’au fond de moi, j’avais peur de ce qui pourrait arriver à ces jeunes enfants. Je n’avais jamais eu le meilleur exemple, entre les coups de mon père sur ma maternel et la drogue au fond de mon sac au dos. C’est cette crainte qui m’avait pris de cour au creux de mon ventre en allant coucher la jeune enfant. Elle cherchait désespérément une peluche. Malgré les petits sons et les mots peu inaudibles qu’elle savait dire du haut de ses un an. Et je savais ce qu’elle voulait. Je l’avais déposé au fond de son berceau avec la promesse que je le retrouverais. En fouillant la suite je m’étais attardé un salon au moment pour me retrouver les mains vides. Un peu trop curieuse à mes heures et ayant de la difficulté avec l’intimité des autres, j’étais rentrée dans la chambre de Dimitri n’ayant qu’une idée en tête. Retrouver cette fichu peluche. En fouillant chaque recoin, mon regard s’était posé sur un tiroir plus ou moins mal fermé. Mes prunelles déjà trop accrochées à celui-ci, j’avais cru voir quelque chose que je connaissais trop bien. Le souffle coupé, je m’étais arrêté un instant en me demandant si j’allais trop loin. Mon instinct pris le dessus et j’ouvris rapidement le tiroir pour découvrir le contenu. Mes souvenirs douloureux percutaient mon crâne, ceux qui revenaient si souvent dans mes cauchemars. De l’herbe et des pilules se retrouvaient parmi les vêtements. J’agrippais le tout un peu tremblante.  Si je pouvais éloigner une pauvre gamine de cet enfer, j’allais le faire sans aucun remord et sans hésitation. En un tour de main, je vidais la réserve pour transporter le tout dans le salon. Je jetais un dernier regard dans la chambre de Thais. Elle s’était assoupie à mon plus grand bonheur. Je me posais sur le sofa en attendant son retour. Rongé par la tristesse du passé, de la colère, mais aussi une envie désespérante de l’aider. J’entendais le cliquetis de la porte et pour une fois les mots me manquait.  

Dimitri A. Marriott-W & Aubrey Nicholson

No way out

Il n’y a aucune manière qui était assez bien pour faire les choses. Je n’avais jamais passé par quatre chemins pour dire la moindre phrase, encore moins une vérité toute crue. Le silence est horrible dans la pièce et il le brise rapidement en rentrant dans la suite. Épuisée ? Je suis complètement chamboulée. Thais n’a jamais été difficile avec moi. C’est une enfant facile que j’arrive à faire rire facilement. Je m’étonne parfois d’y arriver aussi facilement avec elle, n’ayant jamais eu de petite sœur ou de petit frère. Lydia était déjà une adolescente quand on s’est rencontré pour la première fois.  Je me relève du canapé et je marche en long et en large dans le salon avant de passer mes mains dans mes cheveux. Je me retourne finalement vers lui en pointant la table basse. La drogue, la seule et grande coupable de mon désarroi. «Dimitri t’as pas besoin de ça dans ta vie !» Je reprends un de sac de plastique en m’assoyant sur le sofa de nouveau, ne sachant pas comment me placer. L’adrénaline prend d’assaut sur tout mon corps. Car je l’accuse et je le mets devant les fait accomplis. Je sais très bien que personne ne doit être au courant de la situation. Ce genre de secrets détruisent une famille et une vie. À voir la mienne qui s’étiolait à chaque seconde en se croyant dans nos propres mensonges. En croyant que la rue nous rendait plus fort. «Thais a pas besoin de ça non plus !» Dit quelque chose, ne reste pas là sans rien faire. «J’ai pas l’intention de le dire à qui que se soit, mais explique-moi.» Requête absurde pour deux êtres qui se connaissent à peine, puisque nous sommes seulement souvent en échange de services. Je plonge la tête première dans une quête qui n’ait pas la mienne.   

Dimitri A. Marriott-W & Aubrey Nicholson

No way out

 Il a tout le droit cette fois. Il a le droit de m’accuser d’avoir fouiller parce que c’est que je fais. Même si ce geste partait d’une bonne intention au départ, j’ai enfreint cette intimité, mais je refuse de me sentir mal. Et pourtant malgré ces reproches il ne semble pas énerver. Sans doute parce que j’ai le gros bout du bâton en ce moment et que sa fille dort juste à côté. Ça se voit à quel point Thais compte pour lui, comment il la regarde et il prend soins d’elle. Alors comprend mes intentions, même si elles sont déplacées. Je te rassure d’une manière plutôt maladroite en disant que je serais muette comme une tombe. Pardonne-moi d’avance si tu refuses mon aide, je n’aurai pas le choix d’intervenir. «Je suis tombé par hasard dessus. Je cherchais quelque chose pour Thais.» Je n’allais pas essayer de me justifier, mais je ne comptais pas lui mentir non plus. Il se livre un peu à moi me justifiant ses raisons. Mon humeur est empathique et ma colère retombe. Je l’invite à s’asseoir à cotée de moi en lui pointant la place sur le sofa. Même si je suis réaliste, je ne compte pas lui taper sur la tête. Il semble déjà en avoir plein les bras. «Je suis désolé pour toi Dimitri…» Je regarde un peu dans le vide sans vraiment oser le regarder. Après tout, j’étais quoi à ses yeux ? Une simple babysitter qui vient toutes les deux semaines. Une gamine de 21 ans qui ne connaît rien dans la vie. Et pourtant si tu savais le nombre de coups que je porte sur ma peau. «Mais crois-moi quand je te dis que tu devrais arrêter tout ça…je cherche pas à te faire culpabiliser.» Je m’arrête un instant avant de relever mon regard vers lui. Aucune arme en réserve que mon passé douloureux. «Tu consomme tous les jours ? » Commençons par les bases, si tu veux bien me laisser encore cette porte ouverte. Même si j’ai mis un pied à l’intérieur d’une manière plutôt agressive.

Dimitri A. Marriott-W & Aubrey Nicholson

No way out

L’interrogatoire sur ma trouvaille se fait brève en lui mentionnant que ce n’était qu’un simple hasard. Il faisait bien de me croire, je ne mentais jamais et même si j’avais appris à le faire à mon plus jeune âge, ce côté ne faisait plus parti de moi. Il prenait place sur le sofa après lui avoir fait signe de me joindre. Je ne pouvais pas savoir ce qui se passait dans sa vie en ce moment. Je ne pourrais pas guérir ses blessures sur sa peau, mais je pouvais au moins être cette petite lumière dansante au bout du tunnel. Cette main, au bord du gouffre et ce souffle qui chasse les nuages gris. Je hoche négativement la tête lorsqu’il fait mention de le dénoncer, mais je le laisse répondre à ma question sur les fréquences de ses consommations. Que ferais une personne sensée dans ce contexte ? Comment on agit quand une jeune enfant est en jeu dans tout ça ? Au-delà de tout ça il y a un père aimant qui souffre de voir partir une personne qu’il aime fort. Une simple chute qui ne signifie pas le fond du baril. Il est encore le temps de se relever. Et je veux bien t’aider à le faire. Je grimace malgré moi quand il me récite chaque drogue qu’il prend. Je connais chaque effet de celles-ci, leur prix sur leur marché ainsi que leurs dangers. Cela ne m’étonne pas qu’il soit accro. Quand on a mal on a juste envie que tout s’arrête et de dormir pour l’éternité. «Premièrement, je ne vais pas te dénoncer.» Je prends une pause en prenant délicatement sa main au risque de me faire repousser. . «Deuxièmement, je comprends que ce tu traverses est difficile pour toi et j’en suis franchement désolé…mais souhaites-tu vraiment perdre la garde de Thais ?» Je ne cherche pas à lui poser un ultimatum, mais bien qu’il s’accroche à quelque chose qu’il a encore dans sa vie. Même si une jeune femme le fait souffrir. «Si je te proposais que lorsque tes envies sont vraiment trop fortes, tu puisse m’appeler n’importe quand.» Question de l’épauler un peu. «En attendant je t’avertis, je repars avec tout ça. » Je pointe son inventaire sur la table d’un air sévère, mais qui se veut tout autant déterminé.   

Dimitri A. Marriott-W & Aubrey Nicholson

No way out

Un merci sincère et peut-être remplis de désespoir et un peu de peur que je me retourne contre lui. Mais je n’ai pas envie de briser une famille, je ne veux pas porter ce fardeau. Je veux les sauver et les aider à voir la lumière. Et pourtant je ne crois à aucun compte de fée et je ne suis pas naïve. Mais cette fois je veux bien croire qu’il encore de l’espoir pour Dimitri. Et cette petite que j’adore voir sourire. Elle dort si paisiblement dans son berceau et il doit continuer ainsi. Elle ne doit pas sortir de l’enfance avant qu’il soit temps. Son esprit ne doit pas être marqué par de puissant souvenir qui la marqueront à jamais. Je veux qu’elle continue de rêvasser, comme moi je n’arrive plus à le faire. Et c’est pour que ça que je bosse toute la nuit, parce que je suis insomniaque et j’ai peur de ce qui se cache dans les racoins de ma tête. Il tente de négocier pour garder quelques somnifères prétextant que je ne pourrai pas être là chaque nuit. Il a raison d’une certaine manière, j’ai une vie qui continue en dehors de tout ça. Et très peu de temps à moi à mon actif. Et c’est pour ça que je veux partir avec tout, car je sais que je ne pourrai pas le surveiller comme je le voudrais. Comme je ne partirai pas ce soir, car je sais que l’envie sera trop tentante, même s’il est rongé par les remords. Il est difficile d’apprendre à dormir de nouveau quand on a pris d’aussi mauvaises habitude. Je soupire un long moment avant de mordre la lèvre inférieure. J’attrape un somnifère sur la table et je lui en glisse en un dans sa main. Le ventre serré en me demandant si je fais la bonne chose. «Je veux bien t’en laisser un pour ce soir.» Mais je ne lâche pas le cachet, je plonge mon regard dans le sien. Déterminée et à la fois inquiète. «Si tu me promets d’essayer d’arrêter.» En espérant que se ne soit pas une promesse d’alcoolique. J,ai envie que tu le pense pour vrai, même si je ne peux pas te tordre le bras. Le changement doit venir de toi je le sais très bien. « Et je vais rester avec toi cette nuit.» T’en as besoin, t’oppose pas.