welcome to hell • orianna

La nuit fut agitée. J'me revoyais dans cette cage d'urine, les menottes aux poignets pour la deuxième fois d'ma vie, en l'espace de quelques semaines seulement, dont une fois où j'étais innocente. La seconde fois qu'on me lisait mes droits civiques, que j'pouvais garder le silence et toutes ces conneries qu'on entend plus souvent à la télé que dans la vie quotidienne. Accusée à tort d'un putain de meurtre, comme si le fait que j'avais la mention "coups et blessures" faisait de moi la coupable idéale, comme si j'allais aller crescendo dans l'échelle de la violence. J'me suis réveillée avant le jour, et j'ai quitté le lit d'Orianna. J'me suis placée devant la fenêtre, en attendant que le soleil fasse sont apparition. J'devais vraiment lui dire pour l'agression que j'avais commise, pour le procès qui m'pendait au nez et à la possible peine qui m'collait au cul. Le temps que j'pense à toutes les façons dont j'pouvais lui dire, sa voix venait me sortir de mes pensées. J'sursaute, avant de revenir près d'elle. « Comme quand on est accusée d'meurtre. C'est pas la première fois que j'me fais coffrer ce mois-ci, donc bon. » Et merde, j'viens de lancer la bombe sans faire gaffe. Quand j'vois sa tête, j'me dis qu'il faut que j'argumente, ou bien c'est moi qui vais finir clouée dans ce plumard. « J'ai cru que j'avais retrouvé le type qui m'a violée, sauf que c'était pas lui, et en fait, j'l'ai frappé avant de comprendre que c'était pas lui. Donc il a porté plainte pour coups et blessures, la plainte a été retenue et j'attends la date de ma comparution au tribunal. » J'ai pas su y mettre les formes, mais au moins, j'ai tout dit. J'retourne près d'elle, avant de lui attraper les mains, doucement. « J'te jure que j'aurai aimé éviter toute cette merde, mon coeur. J'suis désolée de pas te l'avoir dit plus tôt. » J'me sens honteuse de lui avoir caché.

Quand elle me dit tout ça, je suis choquée. Je me redresse d'un bond de ce foutu lit, avant de me lever, difficilement, vaciller et décider de rester assise au bord du matelas. Ils l'ont accusée de meurtre, à tort. Je m'y attendais quand ils l'ont embarquée, ce n'est pas le plus choquant de l'histoire, au fond. C'est ce qu'il suit qui me surprend le plus. « Tu... Quoi ? » Avant que je ne commence à m'emporter verbalement contre elle, elle prend les devants et m'explique pourquoi c'est la deuxième fois qu'elle se fait arrêter par les flics. Coups et blessures. Je ris nerveusement. « Putain, Mia ! Tu pouvais pas m'en parler avant ? Je t'aurai soutenue, au moins ! Mais qu'est-ce qu'est-ce qui t'a pris de le frapper, ce mec ? Et s'il t'avait rendu les coups, hein ? Et si tu finis en prison, tu peux dire au revoir à Harvard, à ton master et tout le reste ! Faut que t'arrête de partir en vrille, maintenant. » Je la laisse attraper mes mains, s'excuser honteusement, avant de soupirer longuement. « T'as d'autres secrets ? Que je sois au courant, au moins. » A vrai dire, je m'attends un peu à tout, maintenant. Avant qu'elle ne puisse me dire quoi que ce soit, un médecin entre dans la chambre, pour me dire que je peux sortir, avec une ordonnance, des soins à domicile et quelques exercices pour récupérer toutes les facultés de mon épaule.

J'ai l'impression que j'perds le contrôle de ma vie, et Orianna m'le rappelle correctement. Elle a raison de me dire tout ça, de m'rappeler que je risque de foutre mes études en l'air pour quoi, au final ? Un pauvre gars qui n'a rien demandé, que j'ai pris pour celui qui m'a en quelque sorte tuée alors que j'avais rien demandé. Une sorte de boucle qui se referme sur moi, comme risque de se refermer la porte glaciale d'une cellule sur moi. J'pense jamais aux conséquences de mes actes avant de les avoir devant la gueule. J'agis puis j'regrette d'avoir fait les choses de cette façon plutôt que d'une autre, à ce que j'aurai dû faire avant d'me faire coincer, entourée de la foule. J'baisse les yeux, devant Orianna. « J'ai perdu pied. J'étais en crise de panique, j'pleurais, j'criais, j'tapais, je l'insultais... J'sais pas ce qui m'a pris, c'est comme si j'étais sortie d'mon corps. S'il avait rendu les coups, tu sais très bien que j'peux me défendre, et tu sais, j'aurai préféré qu'il les rende plutôt que d'penser à m'retrouver en taule pour quelques rougeurs sur les bras, parce que c'te petite pleureuse est allé faire l’aumône tout larmoyant aux flics pour aller faire constater les blessures par un médecin. J'le sais, tout ça, j'le sais ! » Comme si j'avais pas eu le temps de faire le point, entre cette agression et mes heures au trou. J'soupire à mon tour, avant que le doc la libère. J'suis sortie silencieusement de l'hôpital, valises en mains, et une fois sur le parvis des lieux, j'me décide à lui répondre « Normalement j'ai pas d'autres secrets, mais si j'en ai qui m'reviennent, tu le sauras. » Je marchais jusqu'à la station de taxi la plus proche, soutenant ma femme qui galérait à marcher, pour pouvoir enfin rentrer à Boston, racheter une putain de bagnole.

Elle m'explique comment elle a vécu cette journée là, où elle a pété les plombs, comment, pourquoi et de quelle façon. Elle s'énerve un peu sur la fin, car même si elle ne le dit pas clairement, l'intonation de sa voix varie à l'instant même où elle raconte que ce type s'est plaint et a demandé de faire constater ses contusions. Je me contente de l'écouter, religieusement, d'évaluer son comportement, de plus en plus nerveux, froid. J'analyse pour mieux réagir. « Le fait de t'énerver ne changera rien aux faits. Il faut qu'on vive avec et qu'on attende de voir ce qui va se passer. Je veux que tu restes calme, que tu fasses rien qui puisse peser contre toi dans la balance. Alors calme toi. » avais-je soufflé, une fois que le médecin est sorti de la pièce, alors qu'on s'affairait à ranger nos affaires pour quitter les lieux. Mia s'occupait de tout, et restait silencieuse. C'est frustrant, quand elle réagit de la sorte. Ne pas pouvoir comprendre ce qui se passe dans sa tête, la voir ruminer sa rage, devenir presque mauvaise, comme quand elle se prépare à devenir l'être le plus imbuvable qui soit. Quand elle se décide à ouvrir la bouche pour me dire qu'elle n'a rien d'autre à révéler, je hoche simplement la tête. Elle me soutenait pour marcher jusqu'à la station de taxi, et dans ce véhicule, l'ambiance demeurait tendue. La route jusqu'à Boston était bien plus drôle à l'aller. Ce week-end en amoureuses a finalement tourné au fiasco, du début à la fin.