EUNJI MIN ► jennie kim

malgré les brochures toutes plus attrayantes les unes que les autres, jamais eunji n’a émit le souhait d’intégrer la moindre maison. pas même après la refonte. probablement parce que toute son adolescence, elle a été placée dans une case malgré, à décider ce qu’elle était plutôt que porter intérêt à ce qu’elle voulait être. et fatiguée de tout ça, elle a choisit de mener sa propre vie, d’être maître de son destin. d’avoir l’opportunité de faire ce qu’elle souhaite sans que personne ne vienne lui dire à quoi elle pourrait appartenir. sûrement qu’elle se représente elle même comme étant libre, dépourvu d’une cage avec la possibilité de virevolter où elle le souhaite sans jamais avoir la sensation d’être enchaînée à quoi que ce soit.

하나 hana eunji min, née en corée du sud, séoul plus exactement. famille quasi parfaite entre un père homme d’affaires et une mère musicienne. la musique, d’ailleurs, ça fait vibrer eunji. et elle porte son choix sur le violon plutôt que le piano. picture picture, smile for the picture. portrait d’une famille adorée, enviée, qui explose quand elle n’a que quatre ans. c’est maman qui s’en va au bras d’un autre homme, papa qui prend en charge tout le reste et les idéaux qui s’effritent prouvant que l’amour est tout sauf éternel. 둘 dul elle a six ans quand sa mère se fait passer la bague au doigt par son amant. six ans quand elle se décide à quitter la corée pour le pays de l’amour -drôle de pied de nez. et puis vient le choix. la plus grande choisit la mère, la plus petite choisit le père. reste les jumelles, soojin et eunji. à trois, on répond en même temps. un, deux trois. deux réponses différentes qui fusent. soojin reste en corée, eunji part pour la france. sûrement le choix le plus déchirant s’étant imposé à elle. 셋 set quand elle arrive en france, c’est le renouveau. découvrir les pâtisseries, les baguettes de pain et le fromage à foison. c’est apprendre une nouvelle culture et surtout, se confronter à la barrière de la langue. eunji, elle parle le coréen, forcément, mais aussi l’anglais puisque son père a toujours mit un poing d’honneur à ce sujet. le français, c’est que des mots, des bribes de syllabe. des bonjour maladroit qu’elle lance sans pour autant se faire comprendre. c’est difficile mais eunji, elle apprend vite. finit par s’habituer, devient la copine asiatique des autres comme si c’était là la bonne action de l’année. 넷 net le plus gros manque jamais ressentit est sans aucun contexte celui de son double, soojin. les appels omniprésent, les nuits debout pour pouvoir lui parler quitte à lutter le lendemain pour affronter la journée. elle lui raconte tout, la tour eiffel sur laquelle elle est grimpée, la beauté de montmartre, les catacombes où on l’a trainé et puis surtout les projets de tout ce qu’elles pourront faire quand l’été pointera le bout de son nez. 다섯 dausut son premier petit ami, c’est à seize ans qu’elle le découvre. plonge dans l’euphorie adolescente, des papillons dans le ventre, des yeux qui scintillent à chaque fois que son nom est prononcé. il est beau, il a le charme à la française et il veut surtout perdre sa virginité comme tous les autres de son âge. eunji, elle se sent utilisée, salit, coupe les ponts du jour au lendemain quand lui raconte à qui veut l’entendre qu’il lui aura fallut deux secondes pour se donner. c’est faux. mais c’est sa parole contre la sienne et forcément, ça n’a pas beaucoup d’effet.  여섯 yeosut elle a dix-sept ans quand elle demande à sa père le changement de lycée. changement qu’on lui refuse sous prétexte qu’il ne lui reste qu’une année. c’est sûrement dans cette période qu’elle change le plus. douce eunji arrête de sourire, de sortir, mange à peine, oublie de vivre. terrorisée par les insultes constantes, les blessures mentales qu’on lui inflige, elle finit par y croire. croire qu’elle est une trainée, croire qu’elle le mérite, croire qu’elle ne vaut plus grand chose. et pourtant, elle garde le silence, se force à parler d’autre chose, peu importe sa détresse, personne ne le prend réellement au sérieux. 일곱 ilgup elle obtient son bac sans grande difficulté, une mention très bien dans la poche et postule pour les beaux arts qui la font rêver. peut être que les jumelles, elles ont toujours été des artistes dans le fond. soojin qui devient trainee, qui s’éloigne encore plus, qui n’a plus le temps et eunji qui se complaît dans le dessin, dans les sculptures et les peintures, pourvu que ça l’éloigne du monde qui l’entoure. elle vogue d’art en art, ne sait pas franchement dans quoi se spécialiser, apprécie tout sans émettre un coup de coeur en particulier. puis c’est un stage qui l’a fait fondre, la photographie qui devient son exutoire. figer le temps, immortaliser les moments. la détresse comme les plus beaux, tout ça avec juste son appareil photo. 여덟 yeodul c’est donc à dix neuf ans qu’elle rejoint le pôle photographie, s’intéresse à la numérisation, rencontre celui qui changera tout. le professeur cartier. un génie de la photo, un prof hors pair, des cours presque impossible à avoir. et pourtant, une place qui se désiste, eunji qui l’obtient. elle apprend beaucoup, oublie la notion du temps. jeremy qu’il s’appelle, elle l’apprend rapidement. il lui propose des cours du soir, du plus parce qu’il décèle du talent chez elle. et eunji, c’est l’innocence incarnée, elle est assidue, intéressée, vite cataloguée comme la lèche-cul de service quand elle ne se soucie de rien d’autre que de ses photos. 아홉 ah-hope jeremy, c’est le même qui après plusieurs mois, après avoir gagné sa confiance, lui propose un rendez-vous tardif. immortaliser la pluie d’étoile qui doit apparaître vers deux heures du matin. se réfugier haut dans montmartre pour avoir une des plus jolies vues. elle y va sans réfléchir eunji, ravie de l’opportunité, ravie qu’on puisse croire en elle. mais la seule pluie du soir sont les larmes inondant ses joues quand elle le supplie d’arrêter, de ne pas le toucher. les même larmes qui font rage quand il se force sur elle, lui répétant qu’elle ne cesse de l’aguicher. et parfois, elle le revoit le sourire qui fait peur, celui sans remord, quand il abandonne son corps, assurant que personne ne la croira jamais. triste vérité. eunji est une menteuse, eunji à tout inventé. prof bien trop réputé pour être remit en question, gamine asiatique cataloguée comme l’aguicheuse de service. des heures au poste de police, on finit par lui faire dire qu’elle a tout monté, que rien n’est jamais arrivé. sa propre mère la regarde avec déception quand elle traîne des pieds pour retourner à sa chambre. presque vingt ans et déjà si abîmée. fleur usée par les autres, pétales qui glissent sur le col, gamine désabusée. 열 yul c’est soojin qui reste son plus grand soutien, sa plus grande force. tu me crois, pas vrai ? qu’elle lui murmure lors d’un énième skype. bien sûr qu’elle la croit, elle la croira toujours et puis eunji, elle inventerait jamais ça. c’est eux qui sont fous à tout lui remettre sur le dos. c’est eux qui profitent de ses faiblesses pour la désigner coupable. 열 하나 yeolhana c’est toujours son double qui lui annonce partir pour harvard. qui lui dit de venir avec elle. c’est pas une question, c’est un ordre qu’elle lui lance mais eunji, elle accepte sans rechigner. elle y voit là sa dernière chance, son dernier moyen de s’en sortir. c’est lui tendre la main quand elle est au fond du précipice. et elle se dit qu’elle pourrait peut être recommencer à zéro, avoir une meilleure vie. les états-unis c’est autre chose, c’est quitter la france surtout. pousser au loin ceux qui lui ont crachés dessus, ceux qui ont fait d’elle ce qu’elle n’était pas. et elle se promet de ne plus jamais laisser tout ça arriver. de ne plus laisser quiconque la rabaisser de la sorte. elle ne veut plus être la poupée qu’on abîme et qu’on jette. elle ne veut plus qu’on lui fasse aussi mal à chaque fois. 열 둘 yeoldul eunji, elle a choisit de vivre toute seule en arrivant sur boston. peut être pour pouvoir vivre comme elle le souhaitait, transformer son appartement en quelque chose à son image. les photos qui traînent partout, son bordel imaginatif et surtout, sa paix intérieure. elle cherche à se persuader qu'elle peut être toute seule, qu'elle n'a pas besoin des autres, qu'elle peut créer sa propre force. c'est récemment qu'elle a choisit de lancer une annonce pour des colocataires, sûrement pour se libérer du poids de la solitude, pour tenter de réellement nouer des liens avec les autres, pour ne plus être seule. parce qu'eunji, c'est pas la plus sociale. trop craintive, trop de chose qui repoussent. puis faire semblant de ne parler que coréen pour éloigner les autres, ça reste forcément son meilleur coup.

les bonnes notes, elle les a enchaîné toute sa scolarité et pourtant, malgré ça, elle était parfaitement consciente que pour harvard, ça ne suffirait pas. pour harvard, il fallait se démarquer. réussir les sat’s était pour elle la partie visible de l’iceberg, la plus simple à affronter, c’est tout le reste qui constituait une difficulté. sûrement qu’elle s’estimait moins apte que les autres à réussir. parce qu’elle n’avait pas d’activités extra scolaire, rien d’attrayant à ajouter à son dossier. alors pour l’essai, elle a voulu se pencher sur elle-même, sur ce qui pourrait lui permettre de montrer qui elle était vraiment. dossier qu’elle monte de toute pièce, l’agrémentant de ses photographies. tout ce qui pouvait représenter sa tristesse, son passif. elle omet volontaire le caractère sexuel dans tout ça, ne parle que de l’harcèlement. des mots et de leurs impact, de la profonde solitude que l’on peut ressentir. elle évoque le fait que c’est bien trop souvent banaliser, que l’on s’y intéresse que quand il est trop tard. qu’on s’insurge devant les suicides mais qu’on ne vient pas en aide à ceux qui souffrent et font encore partie du monde, de l’hypocrisie que représente l’humanité en elle-même. faut croire qu’elle touche en plein coeur le jury puisqu’elle reçoit sa convocation pour l’entretien. entretien qu’elle passe en étant plus renfermée. eunji, elle se libère avec l’écriture, ne sait pas le placer avec ses cordes vocales. peu importe, elle réussit. elle est à harvard et c’est suffisant pour montrer aux autres qu’elle réussira, peu importe ce que l’on peut lui infliger.

caractérielle ; la douceur qui a pu l'incarner fût un temps s'est envolée aussi vite que tous les rêves d'enfants. eunji est abusée, blasée, grimpe en rage aussi vite qu'elle en redescend. on pourrait dire aussi querelleuse, rancunière et même vindicative, si bien qu'elle ne parvient pas à bâtir des relations harmonieuses avec son prochain. colérique ; peut être même instable par moment. une tempête qui surgit sans donner le moindre indice auparavant. elle hurle, brise les objets autour d'elle, balance ses pieds, ses mains, frappe tout ce qui l'entoure jusqu'à ressentir de nouveau la paix. et puis on recommence, inlassablement. froide ; peut être parce qu'elle a peur d'elle même et de ce qu'elle pourrait faire aux autres. elle a cette armure autour d'elle, les regards noirs qui en disent long, qui glace le sang. apeurée ; par la vie en générale. par la cruauté de l'être humain. elle déteste qu'on l'approche de trop près, fuit dès qu'elle le peut, ne reste qu'un mystère pour la plupart. écœurée ; par l'être humain, par l'Homme en général. oh, ce qu'elle déteste les regards que l'on peut porter sur elle. les questions que l'on ose pas formuler. elle voudrait tout envoyer valser eunji pour avoir sa tranquillité. acerbe dans ses mots, dans ses actions. un mur de glace qui entre en offensive toutes les cinq minutes. un joli sourire pour une attaque vindicative. chassez le naturel, il revient au galop. elle sait rire eunji et quand le naturel revient, elle a le sourire le plus éblouissant qui puisse exister. elle rit, s'amuse, laisse sortir la femme-enfant qu'elle a toujours été. elle se montre tout autant attachante et donne envie d'être protégée. parce que derrière la façade de glace, c'est une gosse terrorisée. c'est les gens qui l'ont détruit à ne lui donner aucune chance. c'est l'adulte qui lui a volé son innocence. eunji, elle veut juste être écoutée. rien qu'une fois. sa version des faits.