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Damn it, c'est qu'on peut même pas respirer avec ce baudrier qui sert le bide et... Vous l'avez. J'ai mal au ventre, je déglutis péniblement, et porte mes ongles à mes dents. Tchic, tchic, les déchiquetent. "Je passe la première." Je relève deux yeux ronds, une grimace collée sur le visage. "Tu... te..." J'serais toi, j'laisserais passer quelqu'un avant, juste pour vérifier que c'est sécurisé. Je n'arrive qu'à hocher de la tête, le coeur qui cogne trop fort et trop vite dans ma poitrine. Elle saute partout comme un cabris, rayonne comme un soleil. Son excitation est proportionnelle à mon stress. Vingt minutes me passent sous le nez à vitesse grand V, moi qui voudrait pourtant étirer le temps. Je suis derrière une rambarde, surtout ne pas regarder en bas. Parce qu'en bas c'est loin, à 65 mètres de mes pieds précisément. Marla, fin prête, debout au bout d'une espèce de plongeoir. Je claque des dents, j'ai les jambes tremblantes, les genoux qui s'entrechoquent. Filmer, faut filmer. J'essaie de pas perdre le Nord, sors mon portable de mon petit sac à dos, posé pas loin. Regard espiègle de Marla par dessus son épaule alors que je lève le pouce, ça filme. Elle est dingue, elle saute. Je défaille, presque, le type derrière moi me soutient un peu le dos. Je vais mourir. On remonte Marla qui sautille partout, la tête toute rouge, une petite tomate joyeuse. Elle m'explique à l'aide de grands moulinets des bras, de piaillements d'oiseaux, de sourires bêtes à quel point c'était incroyabillissime, fantasticomagnifique. Je hoche la tête avec une grimace qui se veut un sourire enthousiaste. Un gars saute, deux autres filles, de nouveau un gars. Et puis Bob le mono se retourne vers moi, geste de la main. "A ton tour miss." -"Aaaaah." Grésillement rauque de ma voix. Je fais un pas chancelant en avant alors qu'il passe sa main dans mon dos pour me pousser vers l'endroit où finir de m'équiper, j'me retourne vers Marla, peut-être une dernière fois avant la mort. "J'ai été heureuse de partager un bout de vie avec toi." Bon là j'suis over-dramatique. Un cordon de sûreté se clipse à mon baudrier alors qu'on me passe l'élastique autour des jambes, et voilà que j'avance sur le plongeoir. Autour de moi, le vide. 65 mètres plus bas, le canyon. C'est le moment où j'me mets à pleurer, où je fais demi-tour comme une froussarde, j'vous jure que je suis à deux doigts sauf que mes jambes me lâchent et m'entraînent malgré moi dans la chute. Hurlement suraigü alors que tout l'air de mes poumons est expulsé dans un hurlement strident. Tout mon sang bat dans mes tempes alors que je sens mon coeur finir dans mon estomac, mes tripes dans mes orteils. Je suis une astronaute dans la fusée qui s'écrase sur Terre. Mes yeux fermés tellement fort que ça me file la mirgaine et finalement l'élastique se tend, un rebond qui m'arrache un nouveau hurlement et c'est fini. J'ouvre enfin les yeux, découvre le monde à l'envers. Alors que je reprends mon souffle, je lève la tête vers la rembarde au-dessus de moi, aperçois ma chipie de meilleure amie et je bascule la tête en arrière de nouveau, la poitrine soudainement prise de soubresauts. Et je ris, le rire contagieux du premier saut, frénétique, asthmatique, qui tord le ventre.
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