(nurla) ≈ banzaï

Réveillée par le soleil, un rayon sur mon visage endormi. J'ouvre les yeux avec peine, la tête qui tourne un peu de mes excès alcoolisés de la veille. Ma tête qui pivote vers le lit d'à côté dont émerge une petite tête rousse. Marla pionce, imperturbable. Elle ressemble à une tomate, les joues et le nez rougis par le soleil. Le plus mignon des homards. Je me rélève, appuyée sur mes coudes, je contemple le bazar qu'est cette chambre d'hotel. Des maillots pendus partout, sur le coin des portes, sur le porte-manteaux, sur les poignées de la porte-fenêtre. Et des robes qui jonchent le sol dans un bordel multicolore. Je glisse deux petits petons hors du lit, sur le carrelage froid. J'attrape mon téléphone posé sur le bureau en face de mon lit. 11h45, la vache ! Faut que je trouve un moyen de réveiller ma coupine avant que la journée ne nous passe sous le nez, c'est pas son style en plus les grasses matinées à rallonge, plutôt mon genre à vrai dire. "Here comes the sun tututulu..." Je sifflote le reste des paroles, m'approche de l'oreille de ma meilleure amie. Numa interprète les Beatles au réveil, le rêve... "And I say it's alright." Deux petits yeux qui s'ouvrent, se plantent dans les miens. Je souris, plante mon doigt sur le bout de son nez couleur fraise. "Une journée toutes les deux, qu'est-ce que t'en dis bouchon ?" Et je souffle en pouffant de rire. "Paraît qu'Antonio à la gastro, tu tireras rien de lui aujourd'hui..." J'invente bien sûr, désolée pour lui, mais oh ! c'est moi sa première meilleure amie, qu'il me l'accapare pas trop non plus avec ses abdos luisants.



@Marla Witherspoon

J'étais contente de partager ma chambre avec Numa. Ma meilleure amie me manquait tellement que j'en étais arrivée à me demander si nous allions nous perdre totalement de vue ou non. On revenait en force et me voilà rassurée. J'allais profiter sur Spring Break pour rattraper le temps perdu, passer du temps en sa compagnie. C'était la chambre d'hôtel qui n'appréciait pas tellement l'idée au vue de la pagaille qui régnait dans les lieux. Mettez deux bordéliques ensembles et voyez plutôt ce que ça donne. Au moins, l'esprit des vacances ce ressentait aussi dans ce vaste bordel organisé qui émanait de nos valises. Un autre détail qui ne pouvait pas trahir mon statut de vacancière : mon physique. Ma peau blanche était rouge, brulée par le soleil malgré la crème solaire, mes yeux bleus plus clairs souffraient de tant de luminosité, mes taches de rousseur étaient quant à elles de sortie, au même titre que mes reflets roux qui se montraient coriace malgré mes couleurs blonds qui commençaient à passer. J'avais la tête d'une fille qui passait sa vie dehors, d'une fille qui profitait du grand air pour se ressourcer. Et cet air pur me mettait KO en un rien de temps, me faisant dormir pendant des heures telle une marmotte en pleine hibernation. Mes batteries se rechargeaient jusqu'à ce qu'un diablotin décide que s'en était assez. « Encore cinq minutes » que je chuchote alors que j'entends les Beatles Numa s'agiter autour de moi. Elle ne me donnera pas une seule minute de plus, il fallait se rendre à l'évidence. Comme par magie, mes yeux s'ouvraient quand elle vint appuyer sur mon nez. « Une journée toutes les deux, qu'est-ce que t'en dis bouchon ? » - « J'en dis que c'est une bonne idée » sourire aux lèvres, je ne bougea pas pour autant. « Paraît qu'Antonio à la gastro, tu tireras rien de lui aujourd'hui... » Mes sourcils se haussaient à sa remarque, amusée qu'elle en arrive là. « T'es jalouse maintenant ? » C'est moi qui venait appuyer sur son nez désormais. Elle était mignonne Numa. Toujours. « On fait quoi ? ».

"Encore cinq minutes." Si j'avais un coeur, je lui aurais peut-être accordé ce sursis dans un élan de bonté infinie mais... Je suis le mal. Le bout de mon doigt sur son petit nez signifie qu'à partir de maintenant, je la tirerai hors du lit, quoi qu'il arrive. "J'en dis que c'est une bonne idée." Un sourire-soleil déchire mon visage. "Une excelleeente idée !" Pas encore assez excellente pour faire sortir Marla de sous ses draps visiblement. J'vous jure, une vraie marmotte. J'évoque Antonio et sa présumée gastro, ses deux sourcils qui se soulèvent me font rire. "T'es jalouse maintenant ?" Pouet sur le bout de mon nez alors que je secoue la tête, venant planter mon visage dans son matelas en riant. Jalouse, moi ? Nooooon. "On fait quoi ?" -"Eh bien, je sais pas encore... On improvise !" Je fais comme si je ne me rappelais plus de ce saut à l'élastique rapidement mentionné par sms. Je sais pas ce qui m'a pris de proposer cette folie, plus j'y pense et plus je me dis que sauter la tête la première de 30 mètres de haut c'est m'exposer à une mort certaine par arrêt cardiaque. Hop, mes deux mains prennent appui sur le pieu de ma rouquine, j'me relève, et vlan, mes deux bras écartent les rideaux vigoureusement, que le soleil arrache définitivement Marlou de son lit. Petit dépliant touristique sur la commode. Je tombe sur une photo qui fait briller mes yeux. Une centaine de poissons multicolores, une eau bleu lagon. "Hiiii, je crois que j'ai une idée !" Excitation communicative. "On plonge voir les poissons !" Hop, je viens agiter le prospectus sous ses yeux encore à moitié endormis. "En plus y a un spot juste en face de l'hôtel, sur la plage. J'ai hâte de te voir avec des palmes et un tuba." En digne aventurière des mers. "C'est pas avec ton espagnol que tu te fais des plans comme ça, avouuuuue." Jalousie ? Que, quoi, comment ? Je retire mon pyjama sans la moindre pudeur, déjà que je cache pas mes fesses à tout prix, alors devant ma meilleure amie pffff. J'enfile un maillot, un paréo, des tongs et... j'suis prête !

Numa était en forme. Très très en forme. Pour ma part, je serai bien restée cinq minutes de plus dans le lit, mais l'idée de passer le reste de la journée en sa compagnie me plaisait bien. « Une excelleeente idée ! » Je souriais avant d'être surprise quand à l'allusion qu'elle faisait à propos d'Antonio. Je l'accusais d'être jalouse et sa réaction confirma mes dires. Je ne pouvais m'empêcher de rire à l’unisson avec elle. Numa restera Numa, elle est irremplaçable et n'avait donc aucun souci à se faire. Néanmoins, tout en émergeant petit à petit, j'étais curieuse de ce qu'elle nous réservait pour le reste de la journée. « Eh bien, je sais pas encore... On improvise ! » Ah. Une pointe de déception m'envahit, mais il est clair que nous aurons aucun mal à trouver quoi faire à Hawaï. La brune se lève, signe l'arrêt de mort de ma grasse matinée en laissant le soleil m'agresser avant de se planter devant un prospectus. « Hiiii, je crois que j'ai une idée ! » Je m'illumine à nouveau jusqu'à ce que... « On plonge voir les poissons ! » J'hausse les sourcils sans rien dire, en plein réflexion. Je n'avais pas envie de décevoir ma meilleure amie non plus, mais les poissons... on les voit tous les jours. « En plus y a un spot juste en face de l'hôtel, sur la plage. J'ai hâte de te voir avec des palmes et un tuba. C'est pas avec ton espagnol que tu te fais des plans comme ça, avouuuuue. » Mes yeux s'attardent sur elle, « jalousie » que je lui glisse avant de prendre le prospectus. Je le fixe parce que je comprends que Numa est en train de se changer. Mes joues rougissent dans la seconde suivante. Nager avec les poissons ? vraiment ? Mes yeux s'arrêtent sur une pub à l'arrière de la brochure et mon regard s'illumine aussitôt. « Du saut à l’élastique » que je m'exclame comme si c'était une révélation. « Tu as dit que tu voulais en faire en plus, c'est parfait, on fait ça plutôt » et je me redressais comme un mort rigide qui revient à la vie, prise soudainement d'une grande excitation.

Je nous vois comme deux sirènes à faire ami-ami avec des mérous et autres raies mantas. Le Numamomètre de l'excitation à fond, je me prépare, oublie que je suis censée être malheureuse comme pas permis après avoir rompu avec la femme de ma vie. Marla me vole le prospectus, c'est parce qu'elle est trop méga excitée, impatiente d'y être, c'est ça ? "Du saut à l’élastique." Oh. merde. "Tu as dit que tu voulais en faire en plus, c'est parfait, on fait ça plutôt." Ma meilleure amie qui bondit hors du lit, trépigne d'impatience. Je me retourne, le sourire le plus forcé du monde sur mes lèvres. "Euuuh ouais on peut faire ça aussi..." Elle a l'air tellement, parfaitement, pleinement heureuse, je peux quand même pas refuser et la traîner voir mes poissons. Puis je peux quand même pas passer pour une pouile mouillée, j'ai une réputation à tenir moi. Mais je sens que je vais pas faire la fière longtemps. En tout cas, Marla est boostée à bloc, habillée en moins de deux, tenue d'aventuière, elle ressemble à Lara Croft. J'enfile un pantalon histoire de pas me faire râper les cuisses par le baudrier et... je suis prête, avec beaucoup moins d'enthousiasme et beaucoup plus d'appréhension ce coup-ci. "On y va comment ? Y a des bus qui partent de l'hôtel, peut-être qu'ils y mènent..." Je chope de nouveau le prosspectus, analyse l'annonce. Saut de 35 mètres de haut, au-dessus d'un canyon, pendue par les pieds. Gloups, j'en perds mon bronzage. "Départ depuis la reception à 12h, faut qu'on y aille." Je glisse, le souffle un peu court. Moins d'une minute plus tard nous sommes en chemin vers la réception, parées pour l'aventure. Je sens que je vais pas tarder à regretter cette ma-gni-fique journée entre meilleures amies.

Nager avec les poissons alors que Céleste m'avait déjà emmener auprès des baleines, merci mais non merci. J'étais heureuse de ce que la vie avait à m'offrir ces derniers jours, mais je devais dire que pour le coup, j'étais un peu blasée bien que je savais que l'expérience allait être top. En fait, j'avais envie de faire ce genre de chose à la fin de mon spring break, quand je n'allais avoir plus aucune autre idée. En retournant le prospectus, mon cœur s'emballe devant trois mots qui sonnaient comme l'idée du siècle : saut à l'élastique. « Euuuh ouais on peut faire ça aussi... » Aveuglée par mon excitation, ma joie de vivre soudaine à l'idée de réaliser l'un de mes rêves, je ne voyais pas l'anxiété qui gagnait les yeux de ma meilleure amie. Je me mettais aussitôt en route, à grande vitesse, étant prête en un rien de temps. En deux minutes, j'étais passée du zombie à la conquérante et évidemment, Numa devait préférait cette deuxième personnalité. « On y va comment ? Y a des bus qui partent de l'hôtel, peut-être qu'ils y mènent... » - « Ça doit être tellement touristique et demandé qu'on va trouver très vite. Tu vas voir, on pourra se moquer de toutes les personnes livides qui se mettent à pleurer avant de sauter et de... renoncer » Je ris toute seule alors que ce n'est pas drôle du tout. L'activité fait de moi un monstre avant l'heure. L'aventurière n'a pas le temps pour les mauviettes. « Départ depuis la réception à 12h, faut qu'on y aille. » Je suis sortie la première, d'un pas déterminé, on se dirige à l'endroit du rendez-vous. « Au final, il y a peu de monde » que je dis en haussant les épaules, une pointe de déception sur les lèvres. « Tu crois qu'ils voudront bien me laisser faire deux fois ? » Je prenais mon pied actuellement jusqu'à ce que mon regard s'arrête sur ma meilleure amie et que je me décompose. « C'est quoi cette tête ? » Me dites pas que...

"Ça doit être tellement touristique et demandé qu'on va trouver très vite. Tu vas voir, on pourra se moquer de toutes les personnes livides qui se mettent à pleurer avant de sauter et de... renoncer." Hahaha, ah ouais les couillons. Marla rit, je la vois toute heureuse, toute excitée, impossible de faire ma mauviette maintenant et de lui bousiller ses rêves d'adrénaline. Marla sort en trombe, je suis sur ses talons. Est-ce que je suis assez bonne comédienne pour simuler un malaise à cause de la chaleur et que ça soit crédible ? Ou alors une crise d'hypoglycémie, ouais c'est bien ça l'hypoglycémie. "Au final, il y a peu de monde." Misère, je pourrai même pas me faire voler mon tour, aaaah. "Tu crois qu'ils voudront bien me laisser faire deux fois ?" Ses deux yeux pétillants se tournent vers moi et se ternissent, la banane se crispe un peu, la commisure de ses lèvres s'affaissent. "C'est quoi cette tête ?" Oh no. Je me gratte l'arrière de la nuque, force un sourire en espérant que dans son état d'excitation, elle le considère comme parfaitement sincère. "Qu- Quoi ? Haha c'est juste que..." Haha, mon dieu même mon rire transpire les sueurs froides. "Que j'appréhende un peu mais j'ai- j'ai hâte hein, oh faut se dépasser dans la vie." Mon manque d'entrain alors que je lève le poing en pseudo aventurière est flagrant, faut vraiment que j'oublie la simulation du malaise, je suis une actrice toute pétée. Le bus arrive, vite je me précipite, nous chope des sièges, coupant court à cette discussion. Maintenant que je suis assise j'peux plus rebrousser chemin, allez Num' tu l'as dit toi même, se dépasser, exactement. Le car se met en route, dernier regard pour l'hôtel, je dis dernier parce que je suis pas sûre de revenir vivante. Je m'enfonce dans mon siège, tente de souffler un coup, faire le vide dans ma tête. Le vide tu parles... "Tu crois que l'élastique peut... craquer ? ou alors que tu glisses du baudrier ?" Fiouuu, stop stop stop je vais pas la contaminer avec mon maudit stress.

J'étais excitée comme une puce. Je vous assure que c'est le meilleur moment de toute ma vie. Du saut à l’élastique, dans un cadre idyllique, franchement, je ne demandais pas mieux. C'était la première fois que j'allais faire un saut pareil. Bon... Il y avait eu celui du premier janvier aha. C'était gênant. La dernière fois que j'avais sauté dans le vide, il n'y avait eu aucune peur, aucun ressenti, aucune adrénaline. Beaucoup de larmes. Beaucoup de honte. J'allais pouvoir me remettre de tout cela symboliquement, sans avoir à en parler. C'était mon secret... intérieur, en quelque sorte. Aujourd'hui, j'allais faire un saut dans le vie en ressentant une joie immense et une envie de vivre plus forte que tout, en la présence de l'une des personnes les plus importantes dans ma vie. Mais quand mon regard s'attarda sur celui de Numa, mon visage se crispa. Elle faisait une de ces têtes... Justement, elle ressemblait à ces personnes qui allait se dégonfler avant l'heure, tomber dans les pommes avant même que son tour n'arrive. « Qu- Quoi ? Haha c'est juste que... » Mes sourcils se dressent en la regardant dans sa galère. « Que j'appréhende un peu mais j'ai- j'ai hâte hein, oh faut se dépasser dans la vie. » Non mais je rêve. Michelle Ford était en train de se liquéfier sous mes yeux, tellement pétrifiée qu'elle ne trouvait même plus le courage d'être honnête. Même pas le temps pour moi de répliquer qu'elle s'enfuit dans le bus où je la retrouve sans mal. Numa allait me claquer dans les bras et... quelle amie je ferais que de ne rien dire et ne pas la rassurer ? « Tu crois que l'élastique peut... craquer ? ou alors que tu glisses du baudrier ? » Je plisse les yeux dans sa direction. « Bien sûr que non ça n'arrive pas. C'est sécurisé voyons... Mais... Si tu ne veux pas le faire, ne le fais pas. Tu me prendras en photo et je le ferais à ta place, comme ça je pourrais le faire deux fois de suite sans problème » Je me fichais qu'elle décide de renoncer à vrai dire, ça m'empêchera pas de me moquer des autres.

Les deux yeux de mon amie qui se plissent. Ok, ok, j'suis parano. "Bien sûr que nous ça n'arrive pas. C'est sécurisé voyons..." Je voudrais être rassurée mais en fait, en fait non, toujours pas. Inspiration, expiratiooon... "Si tu ne veux pas le faire, ne le fais pas. Tu me prendras en photo et je le ferais à ta place, comme ça je pourrais le faire deux fois de suite sans problème." A ce moment, molle dans mon siège, j'me sens toute nulle, une mini crotte de biquette fragile. La photographe du groupe, celle qu'a la pétoche parmi tous ces grands aventuriers. Passe une mèche derrière mon oreille, je triture les pointes de mes cheveux, signe de nervosité. Mais je secoue la tête avec un petit sourire. "Non, j'te jure... J'veux..." Haussement d'épaules, je peux pas encore promettre le saut dans le vide mais je peux pas me déclarer vaincue dans le bus, que j'essaie au moins le baudrier avant de me défiler honteusement. "Un petit coup d'adrénaline ça me fera sûrement pas de mal..." Ouais clairement, le courage n'étant pas ma principale qualité. Sur ces deniers mots enthousiastes, le bus s'ébranle, vieille carcasse couinante indigne du resort cinq étoiles, nous nous mettons en route. La tension tapie dans le fond de mon ventre semble s'accroître proportionnellement à l'amplitude du sourire de Marla, le monde est un grand comique. Je porte mes ongles à ma bouche, m'arrache le bout, vieille manie. Jambe qui claque contre mon siège, sautillement intempestifs du genou qui irritent ma meilleure amie. J'dois transmettre mon appréhension à tout l'habitacle. Un petit quart d'heure de bus et nous descendons, aussitôt accueillies par Marco, grand sourire, dreadlocks, bavard. Il réussirait presque à me détendre. On le suit, groupe plein d'entrain, Marla lui colle tellement aux basques, tente de lui faire comprendre de faire vite ou elle sautera sans élastique, tellement elle est pressée. Enfin, j'évite les blagues sur les sauts, elles pourraient vite paraître moroses et je veux pas agiter un passé bien sombre.

J'avais une façon bien particulière de rassurer ma meilleure amie. Brute de décoffrage, je remportais donc - sans surprise - la palme d'or de la pire amie du monde. Je n'avais aucune déception, qu'elle le fasse ou pas, c'était comme elle le voulait. En fait, à cet instant j'étais obnubilée par la réalisation de mon rêve tout plein d'adrénaline. Le saut à l'élastique, je n'avais jamais fait et pourtant, j'étais certaine que ça allait être l'une des plus belles expériences de ma vie. Seulement, mon rêve n'était pas celui de tout le monde, surtout pas celui de Numa à cet instant. Déjà qu'elle n'était pas bien depuis tout à l'heure, là, j'avais juste l'impression de lui mettre un couteau sous la gorge. « Non, j'te jure... J'veux... » Mes sourcils se dressaient face à ce mensonge. Elle n'était pas convaincante, s'en rendait-elle compte ? « Un petit coup d'adrénaline ça me fera sûrement pas de mal... » - « Tu peux ne pas le faire... » que je répétais une nouvelle fois en attrapant sa main pour la rassurer un peu. Je voulais qu'elle profite de notre moment, qu'elle ne se mette pas la corde autour du cou. Ça semblait loupé étant donné qu'elle avait passé tout le trajet en bus à mourir à petit feu. Elle fera comme elle voudra que je me disais en descendant, plus impatiente que jamais. Première du groupe, je suis l'organisateur comme un petit chien fou qui ne demande que de l'attention. Après quelques minutes, je reviens vers Numa avec l'excitation à son comble (pour ma part, parce qu'elle, elle était livide) : « Je passe la première » que je trépigne d'impatience en applaudissant dans la vide. Vingt minutes plus tard, j'étais en place. Tout était prêt. Un large sourire aux lèvres, je faisais un dernier coucou à ma meilleure amie en train de filmer et... je me laissais tomber dans le vide. Je ne saurais expliquer les sensations ressenties, mais après un long hurlement d'excitation, c'était un fou rire qui me prenait aux tripes, la tête en bas. Non. Impossible d'expliquer. Mais les sensations, l'explosion dans mon corps, elle était libératrice et elle faisait un bien fou.