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C'est juste un soir comme un autre, un restaurant, un client, quelques heures en compagnie d'un homme qui cherchera la conversation, qui cherchera probablement plus, sans toutefois le pouvoir. Robe rouge, lèvres tout aussi carmin, celui là, il a voulu qu'on aille dans un restaurant en bord de mer. Peut-être un divorcé en manque d'accompagnement féminin. Un célibataire endurci. Il voulait juste un repas en bonne compagnie, et la compagnie, c'était moi. Boucles brunes, iris verts posés sur le menu pour chercher mon plat, lèvres pincées, les yeux qui évitent de voir les siens, rivés sur mon décolleté. Tic, tac, le compte à rebours a déjà commencé, il est 20h30 quand arrivent nos entrées, accompagnées d'une bouteille de vin. Il parle de droit. Peut-être un avocat. J'écoute et j'interroge, et pourtant, c'est bien loin des avocats et des juges que mes pensées sont tournées. D'avantage vers la médecine, vers des cheveux blonds, vers des lèvres qui m'ont brûlé et qui ont tatoué la peau de ma bouche, avant de disparaître tout à coup. Ca fait des jours, et si ma conscience se fait une raison, le reste refuse toujours. Il est ancré là, juste là, il bouge pas. Tout comme il est là, aussi. C'est entre deux fourchettes que je le remarque, à une table avec plusieurs hommes, peut-être des confrères, peut-être des amis. Peut-être que c'est ça, sa vie. Loin du parc où on a parlé pendant des heures. Loin du quartier pourri où il est venu m'aider, loin de mon appartement ridicule, là où on s'est embrassé. J'te déteste, Luke, pour l'empreinte que t'as laissé. J'te déteste plus encore pour accaparer mes pensées alors que je suis censée travailler. Et quand tes iris bleus croisent les miens, ils les transpercent, ils traversent ma tête, mon siège, mon tout. Je pince les lèvres, je détourne les yeux. T'as décidé, t'as fuis. Et moi j'reviens jamais. Et pourtant, c'est à contre cœur que je détourne les yeux en direction de mon interlocuteur, riant à la blague qu'il vient de tenter de faire. Le sourire aux lèvres, mais le regard éteint. J'entretiens le mensonge, j'entretiens le mystère. Et surtout, je me fais violence pour éviter de détourner les yeux, de les perdre à nouveau.
@Luke Abernathy
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