Sometimes you just need that one person (Pv Jas')

Les écouteurs aux oreilles, j'écoutais en boucle l'album de Jeff Buckey et cela depuis un bon moment. Je ne pouvais même pas dire depuis combien de temps, ces superbes chansons raisonnaient à mes oreilles. J'étais allongée sur mon lit, le regard perdu sur le plafond où les ombres des rideaux de ma fenêtre, bougeaient au rythme de ma respiration. Cela faisait deux jours que j'étais rentrée de Londres. J'avais retrouvé mes parents et l'éternelle tirade de ma mère quant à la greffe de moelle osseuse. Je soupirais à ce souvenir. J'en avais assez qu'elle me pose sans arrêt la même question. Mais je savais aussi qu'elle était inquiète pour moi. En plus, j'avais passé la plupart du temps à l'hôpital à cause de la fatigue. « Looking out the door, I see the rain fall upon the funeral mourners, Parading in a wake of sad relations as their shoes fill up with water... ». J'étais malade depuis cette nuit. Encore une fois, j'avais passé mon temps entre mon lit et les toilettes, super le retour. Le pire, c'est que je faisais subir ça à Kasia, ma coloc'. Elle devait maudire de m'avoir comme partenaire de chambrée... Et j'avais encore des nausées. Voilà pourquoi j'avais passé la matinée dans mon lit, sans même prendre la peine de m'habiller. J'étais en jogging et cela me convenait. Qui allait venir de toute façon? Je tournais la tête pour apercevoir Kasia qui entrait dans la chambre. Je retirais mes écouteurs. « Il y a quelqu'un qui veut te voir dans le hall. » Je me redressais sur mes coudes. « Je n'attends personne. » Ma colocataire esquissa un sourire avant d'ajouter: « Je vais donc dire à ce charmant jeune homme que tu es occupée à écouter du Buckley? » Intriguée, je me levais du lit assez doucement pour ne pas avoir la tête qui tourne. Je sortais de la chambre pour venir jusqu'à la grosse rambarde en bois qui surplombait le hall d'entrée des Quincy. Et là, en bas, j'apercevais Jasper. Surprise, je reculais toutefois pour ne pas qu'il me voit dans cet accoutrement. « Je vais me changer. » Je rentrais à nouveau dans la chambre, un sourire sur les lèvres et sous l'œil amusé de Kasia. Je faisais un brin de toilette, laissant tomber mes cheveux sur les épaules. J'enfilais ensuite un jean et un pull rose pale. J'observais mon reflet à travers le miroir. J'étais encore très pâlichonne. Je me décidais donc à mettre un peu de maquillage, un peu de blush et un peu de gloss rosée, histoire de ne pas ressembler à une morte vivante. Je mettais un peu de mon parfum préférée puis je sortais de la chambre. Je descendais le grand escalier pour aller à la rencontre du Dunster. Cela faisait un moment que l'on ne s'était pas vu et il m'avait beaucoup manqué même si je ne devrais pas l'avouer. "Salut". C'était basique... mais c'était de sa faute. Il me faisait perdre le fil de mes pensées... Je m'étais arrêtée sur l'avant dernière marche, histoire d'être à sa hauteur et de ne pas ressembler à une naine à ses côtés.

Voilà. Jasper avait l'air d'un con, ainsi planté dans le hall des Quincy. La Quincy House, ce n'était définitivement pas sa confrérie favorite. Il ne connaissait pas grand monde de cette maison, quelques visages, quelques noms attrapés à la volée d'une discussion, tout au plus. La plupart du temps, il errait chez les Dunsters ou les Cabots, où se trouvaient ses meilleurs amies. Le côté bonne âme, penser à autrui avant soi-même, ca sonnait tellement faux avec son personnage que finalement, il ne s'était lié qu'avec de rares oranges, comme Reaghan. Et encore, le jeune homme se demandait perpétuellement ce qui expliquait cette entente. Il avait finit par conclure qu'elle était éblouie par ses dents blanches, et que cela suffisait à camoufler ses travers pourtant flagrants. Enfin, pour l'instant, c'était elle qui se faisait attendre et lui qui patientait en terrain inconnu. Une espèce de latino était venu lui ouvrir la porte d'entrée. « Reaghan, elle est là ? » Avait-il questionné avec un air légèrement ahuri, se demandant à ce moment précis ce qu'il venait foutre là. Grande question. Ca avait surement un lien avec le sachet qui prolongeait ses doigts. Hum, assurément. La typée lui répondit par la positive, et le laissant entrer, s'envola vers l'étage supérieur après l'avoir étrangement dévisagé de bas en haut. Des créatures particulières les Quincys, je vous disais. Bref, Jasper était là, mains derrière le dos, enchaînant pas en avant et en arrière, finissant par s'impatienter. Même si au fond, les minutes n'étaient pas si nombreuses à s'être écoulées quand le bruit des marches accompagna les pas de la blonde. « Alors c'est ça ? Je pars en vacances et à mon retour je n'ai le droit qu'à un salut ? » Se plaint-t-il sans oublier d'assortir son mécontentement à une grimace de circonstance. Il aurait au moins espéré un baiser sur la joue en guise de bonjour. Mais bon, Jasper était rarement satisfait de ce qu'il avait. Ses traits se déridèrent en un sourire du coin des lèvres, tandis qu'il reprenait : «  Ça t'as manqué de ne plus me croiser à chaque coin de rue, avoue. » Le semestre avait finit comme il avait commencé, et au final les deux jeunes gens avaient passé pas mal de temps ensemble, parfois involontairement, mais souvent de leur propre initiative. Il n'allait pas s'en plaindre. Seulement les vacances venues, chacun s'était rendu dans son fief.

Je ne m'attendais pas à voir le Dunster aujourd'hui. A vrai dire, je n'avais pas envie de sortir de mon lit. Mes nausées n'étaient pas passées et je préférais rester dans mon lit. Mais Kasia avait troublé ma tranquilité. Elle m'avait annoncé que quelqu'un était là pour moi. Surprise, j'avais découvert Jasper dans le hall des Quincy. Un sourire s'était affiché sur mes lèvres. J'appréciais Jasper plus que je ne voulais le dire, je l'avoue. Mais je ne savais vraiment pas ce que lui, pensait de tout cela. Je me retrouvais devant lui, trois marches avant la fin des escaliers. Nous étions presque à la hauteur l'un de l'autre. Cela me faisait sourire, certaine que Jas' était conscient du subterfuge. Aux mots du Dunster, je l'observais. Je me sentais tout de suite un peu mieux en sa compagnie. Il me faisait penser à autre chose qu'à la maladie qui ne m'avait pas laissé dormir cette nuit. Je souriais un peu plus à ces propos. « Excuse moi, je manque à toutes les politesses. » Je l'observais avant de me pencher doucement sur lui. Je posais mes mains sur son torse et je déposais un baiser sur son front. Mes lèvres se posèrent sur sa peau quelques secondes avant de me redresser. Je le regardais, sourire en contrepartie. Puis à ses nouvelles paroles, je secouais un peu la tête en signe de négation. Je répondais. « Non. » Je ne le quittais pas du regard avant d'ajouter. « Non toi. Toi tu m'as manqué ». Il était inutile de nier une évidence. Ce n'était pas seulement nos balades, nos discussions qui m'avaient manqué pendant ces quelques jours. C'était lui, tout simplement. Et je n'avais pas honte de l'avouer. Je souris ensuite un peu plus et j'ajoutais. « Tu veux boire quelque chose? J'ai fais du chocolat à la cannelle. » Je l'invitais ensuite à me suivre dans la cuisine des Quincy, descendant les marches de l'escalier qui nous séparaient.

Bien loin des préoccupations qui habitaient Reaghan au même moment, Jasper évoluait dans un monde insouciant et à milles lieux des difficultés éprouvées par la demoiselle. Cela relèverait presque du comique si cela n'avait pas une consonance si tragique à la fin. Genre, là, présentement, son plus gros soucis était d'un côté, sa commande de câbles qui n'arrivait pas assez vite dans les locaux de son entreprise, et de l'autre, ces lèvres qui elles aussi, tardaient à toucher son front. Ses billes suivirent la trajectoire de ces dernières jusqu'à impact, lâchant un quasi présomptueux -bien qu'amusé- : « Je préfère ça. » Grand sourire de circonstance, presque victorieux. Qui en prend un coup à son « non », mais plutôt bien rattrapé par la suite. Ses lèvres ainsi étirées se font plus sérieuses, réjouies certes, seulement moins expressives. La discussion quittait son domaine de prédilection, sa zone de confort. En dehors, Jasper était bien moins assuré, ce qui se traduisit par un médiocre : « Objectif atteint, cette année commence bien ! » Il aurait pu dire « Toi aussi, tu m'as manqué. », car il le pensait. Mais non, il se contenta d'une réplique accompagnée d'une grimace lorsque ses mots parvinrent à ses oreilles. Ok, il avait vraiment dit ça. Ô désespoir. Vite, un échappatoire, ou un pont, au choix. « Avec plaisir. » Répondit-il avec une légère précipitation à sa proposition chocolatée, pas malheureux d’enchaîner sur autre-chose. La demoiselle vint à son niveau pour lui indiquer la cuisine, et en guise de rattrapage son bras libre se glissa sur sa taille (trop ?) fine afin de la rapprocher de lui. Il déposa à son tour un baiser sur sa peau blanche, au niveau de sa tempe, et ne cessa son étreinte qu'une fois dans la cuisine. Ne sachant pas où ils allaient s'installer, Jasper s'appuya sur le rebord d'une table de travail et s'y hissa, tout en regardant Reaghan préparer les récipients. Ce fut aussi l'occasion de sortir le présent contenu dans le sachet tenu jusqu'alors. « Je t'ai ramené quelque chose de mes vacances. » Souligna-t-il avec un fin sourire, la boite bien en évidence dans sa main. « Mais ça attendra de voir si le chocolat à la cannelle est aussi bon qu'il n'y paraît. » C'était trop facile, sinon. Et puis la taquiner était un exercice dont il ne se lassait pas.

J'étais contente de le voir. Cela faisait un moment que l'on ne s'était pas vu. Et je n'avais pas osé lui téléphoner, de peur de paraître trop « collante ». Alors j'avais laisser faire le temps. Mais je comptais bien le contacter s'il n'était pas venu cet après midi là. Dehors il neigeait et je devais avouer sans mal que rester ici me convenait tout à fait. Il faisait bon et j'avais fais un peu de chocolat ainsi qu'une fournée de cookies à la noix de pécan. Je souriais un peu plus à l'étreinte de Jasper sur ma taille et à son baiser sur ma tempe. A la cuisine, je le laissais s'installer autour de la table. Nous étions seuls dans la pièce, autant en profiter. Je venais prendre deux gros mugs dans l'une des armoires qui m'était attribué. Je posais une tasse devant le Dunster quand il pris en main une petite boite. Un cadeau? Je sentais le rouge monter à mes yeux. Je ne m'attendais pas à avoir un cadeau. Mais j'en étais très contente et un peu impatiente maintenant qu'il me montrait ce dernier. Je souriais tout en prenant la thermos où se trouvait le chocolat. « Ooh c'est gentil, merci. » Je revenais vers la table. « Encore du chantage? Je croyais qu'on avait dépassé ce stade. » Je lui versais un peu de chocolat bien fumant dans son mug, une bonne odeur se répandit dans la pièce. Quand je ne me sentais pas bien, maman avait pris l'habitude de me faire un chocolat à la cannelle. Et cela me rappelait un peu mon chez moi, qui me manquait, comme un tas d'autres choses. J'en versais dans ma tasse avant d'aller chercher la boite hermétique où se trouvait les cookies encore moelleux. « Et ce sont des cookies fait par mes petites mains. » J'en donnais un à Jasper tout en m'installant enfin à table. Je le regardais boire une gorgée, n'arrivant pas à faire cesser le sourire qui flottait sur mes lèvres. « Alors ces vacances? Elles étaient comment? » Je venais prendre un petit morceau de cookie bien que l'appétit ne soit pas là. « Pas trop déçu de rentrer? »

Le regard bleuté de Jasper glissait sur tous les recoins de la pièce, intrigué. Reaghan, malgré leurs nombreux échanges, représentait encore un certain mystère. Généralement les gens se confiaient plutôt facilement à lui, car, bien qu'ayant un caractère loin d'être parfait et faisant l'unanimité, ses épaules étaient accueillantes. Jamais on ne lui reprocha de ne pas être attentif, prévenant. Pourtant le garçon sentait que quelque chose lui échappait chez la londonienne. Qu'il lui manquait une pièce pour parfaire le puzzle, sans parvenir à mettre des mots dessus. Parfois il pensait en percevoir quelques contours, mais finissait par réaliser qu'il faisait fausse route. Ainsi, rentrer dans son univers lui permettrait-il peut-être, enfin, de lever le voile sur les zones d'ombres de la demoiselle. Déjà, elle aimait les cadeaux. Moins le chantage. « Je ne suis pas difficile quand il s'agit de chocolat, alors c'est pas vraiment du chantage. » Souligna-t-il avec un sourire, joignant ses deux mains autour de la tasse désormais remplie. Entre la chaleur du mug et la délicieuse odeur qui se répandait dans la pièce, c'était un peu Noël après l'heure. D'ailleurs, il s'était désormais assez réchauffé pour ôter sa veste, qu'il déposa sur le dossier de la chaise d'à côté. Ceci juste avant de remercier Reaghan pour le cookie qu'elle lui tendait. Une bouchée, puis ses lèvres plongèrent dans le chocolat pour en absorber une gorgée. Relevant son regard vers elle tout en dégustant, il remarqua qu'elle l'observait en souriant. Après avoir reposé la tasse sur la table, le Dunster fronça les sourcils d'un air suspicieux. « Je m'en suis mis partout, c'est ça ? » Bon, certes, désormais sa bouche était teintée assez ridiculement. On ne peut être un génie en toute situation. Bref, il pensa immédiatement à son père lorsque Reaghan aborda le sujet de son retour, cette pensée lui soutirant un énième sourire, plus mélancolique. « Je suis toujours content de partir, et tout aussi heureux de revenir. Où que je sois, il y a toujours quelqu'un qui me manque, en somme. » Ses derniers mots furent accompagnés d'un regard appuyé sur sa frêle compagnie, et il était aisé de comprendre qu'elle faisait partie des manques. Il poursuivit : « On est pas trop famille chez moi, alors les repas de fête se limitent à un tête-à-tête avec mon père.. où on finit forcément par parler boulot. » L'inconvénient de fonder une société avec son père, je suppose. Mais ils étaient comme ça, et cela ne le dérangeait pas de passer Noël à discuter logiciels. Même si c'était, certes, peu conventionnel. «  Et toi ? Je suppose que l'Angleterre te manque dès que tu remets un pied ici ? » Mine de rien, il fallait du courage pour s'exiler, surtout aux États-Unis. Tout était trop grand, trop vaste, impersonnel.

Je m'étais donc assise face au Dunster. Je l'observais boire une gorgée de son mug de chocolat tout en souriant. Je prenais ensuite un morceau de cookie pour le mettre en bouche. J'avais toujours l'estomac noué mais j'avais aussi très faim alors je voulais tenter de manger quand même un peu. Je buvais ensuite un peu de chocolat à mon tour. Il me réchauffait un peu. Je gardais mes mains autour du mug quand le regard de Jasper croisa le mien. A sa question, je ne pouvais m'empêcher de sourire. « Même pas. Tu arrives à boire ton chocolat comme un grand. Je suis très fière de toi. » J'adorais toujours le taquiner et surtout, c'était devenu tellement naturel. J'avais du mal à m'en passer. Puis le Dunster m'expliqua un peu comment s'étaient passées ses vacances. Je me demandais si je lui avais manqué, comme il m'avait manqué. J'espérais bien. En voyant son regard posé sur moi j'avais du mal à en douter. Je rougis un peu malgré moi. Je continuais de l'écouter quand il me parlait des repas de fête chez lui. Je comprenais ce qu'il voulait dire. Il y a une époque où ma mère et moi étions les seules autour de la table avec toujours cette même sensation du vide. Heureusement, depuis l'ambiance s'était améliorée. Mais il manquait toujours quelqu'un à la table... Puis je demandais: « Vous possédez quel genre de société? » Je ne me souvenais plus que Jasper m'en avait parlé. Et je n'avais pas encore abordé ce sujet avec lui. Je me doutais que cela avait un rapport avec l'informatique mais je ne savais rien d'autre. Pour moi, c'était un peu vague. Puis à sa question, je prenais une nouvelle gorgée de chocolat. « Chaque jour... » Oui j'adorais mon pays, ma ville. Je n'avais jamais rêvé de venir ici, aux États-Unis, même si comme tout le monde je pense, j'étais fascinée par le pays de l'oncle Sam. C'était dur d'être ici. Je n'avais aucun repère. Mais j'étais quand même du genre à ne pas baisser les bras. Alors j'avais fais ma petite place. « Mais je commence à me plaire ici. Surtout quand je croise la route d'un charmant jeune homme qui se propose pour me faire visiter la ville. » Je souriais un peu plus à ce souvenir, à cette journée qu'on avait passé ensemble, malgré le fait qu'on avait fini par se perdre tous les deux. Je prenais un nouveau morceau de cookie pour le mettre en bouche.

Non pas qu'il n'ai pas confiance en son jugement, mais connaissant la demoiselle, elle serait bien capable de le laisser se balader avec un rouge à lèvre chocolaté. Par mesure de sûreté, Jasper passa sa langue sur ses lèvres avant de relever, exagérant l'outrage : «  Je pense à elle pendant mes vacances, et elle ose se moquer de moi ! » Mais difficile d'oublier le sourire quasi permanent qui trônait sur son visage, trahissant son bien-être actuel. En fait, elle aurait pu le remettre à sa place autant de fois qu'elle le voulait, le taquiner à chaque parole, il semblait incapable d'éprouver un sentiment négatif la concernant. Et il était trop impliqué pour s'en inquiéter. Le jeune homme en venait à moins penser à son travail, ses études, sortir de la catégorie « obsédé maladif » par la réussite. Peut-être qu'il y avait autre-chose qui pouvait combler son quotidien, après tout. Enfin, il y avait toujours cette lueur de fierté qui flottait dans ses iris quand il s'agissait d'aborder le sujet de son entreprise. « Disons qu'on invente des logiciels, des systèmes d'exploitation.. puis on vend les brevets aux entreprises intéressées. Ils se servent de ce qu'on a créé pour améliorer leurs nouvelles générations de téléphones, ordinateurs. Mais dans le futur, on aimerait commercialiser nous-même nos produits électroniques. » Car créer dans l'ombre, et ne pas avoir son nom sur le matériel, alors que l'essentiel résulte de votre esprit, c'est frustrant. Particulièrement pour des êtres aussi ambitieux que les Ellington. « Heureusement qu'il existe encore des gentleman de son genre. » Souligna-t-il avec amusement, reprenant une gorgée de chocolat. D'ailleurs, ce chocolat, il était particulièrement bon. C'était la condition pour que le garçon offre son présent à la jeune femme, non ? Il déposa la boite devant lui, posant ses yeux sur cette dernière, puis sur sa compagnie. « Allez, tu l'as mérité. Tu peux l'ouvrir. » Joignant le geste à la parole, le Dunster poussa du bout des doigts le cadeau vers elle. Il s'agissait d'une boite à musique qu'il avait trouvé dans une sorte de brocante à New-York, où il avait flâné avec des amis du lycée pendant son séjour. Lorsqu'on l'ouvrait, une mélodie au piano se jouait, tandis qu'une petite fée aux cheveux blonds tournait sur elle-même. « J'ai pensé tout de suite à toi en la voyant. » Il haussa ensuite les épaules. « C'est pas grand chose, hein. » La prévint-il tout de même, alors qu'elle avait la boite entre les mains. Certes, il aurait pu se permettre un cadeau bien plus onéreux, mais à quoi bon ? La belle n'était pas de celles émerveillées par la couleur de l'argent, il en était sur.

J'aurais très bien pu en être capable oui, de le laisser sortir de la Quincy House avec une moustache de chocolat. Mais je n'aurais pas pu m'empêcher de sourire. Il s'en serait donc aperçu très rapidement. La tasse entre les doigts, je levais mes yeux sur le Dunster avant de sourire avec lui. Il avait pensé à moi pendant les vacances et cela me faisait vraiment plaisir. Je l'écoutais ensuite parler de l'entreprise qu'il dirigeait avec son père. J'étais curieuse d'en apprendre un peu plus sur ce sujet. Cela m'intriguait depuis notre rencontre. Mais jusqu'à maintenant, je n'avais pas vraiment posé de questions. J'étais impressionnée par ce qu'il disait. Je ne m'imaginais pas qu'il s'agissait de ce genre d'entreprise. Cela devait représenter une masse considérable de travail. J'en étais consciente. « C'est beaucoup de travail tout ça. Et beaucoup d'entreprises utilisent vos systèmes d'exploitation? » Je n'avais jamais été très douée en informatique. Mais apparemment leurs logiciels étaient excellents, au point d'être utilisés par d'autres entreprises. « Je suis impressionnée. Voilà pourquoi tu passes ton temps avec ton ordinateur. » A plusieurs reprises quand on s'était croisé, je l'avais vu avec son pc portable. « Mais tu sais, il y a une vie en dehors du boulot. » Oui parce que je trouvais qu'il bossait un peu trop. Il était encore jeune et une jeunesse, on en avait qu'une. Je partais donc sur le principe qu'il fallait en profiter. « Et je peux même me dévouer encore pour te sortir un peu. » Je lui fis un sourire avant de prendre une autre gorgée de chocolat. Puis le Dunster posa la boite juste devant moi. Je l'observais tout en écoutant ses paroles. J'étais certaine d'apprécier ce cadeau. Parce que c'est lui qui l'avait choisi alors j'étais sûre de l'aimer. Et puis déjà le geste me touchait. Je pris le ruban et le dénouait délicatement avant de découvrir une très belle boite à musique ancienne avec des motifs de fleurs délicatement incrustés dans le bois. Je posais mes doigts sur le bois. Puis je me décidais à l'ouvrir. Une mélodie se fit entendre. Je jetais un œil au Dunster alors qu'une fée était entrain de tourner sur elle même. « Merci beaucoup... Elle est superbe. » J'adorais les fées et cela, depuis que j'étais gosse. Je me levais de ma chaise pour venir ensuite vers Jasper. « Tu as parfaitement choisi... » Je jetais un regard à la boite où la fée continuait à tourner sur elle même. Le Dunster s'était tourné vers moi. Je venais poser ma main sur sa joue alors que mon cœur battait la chamade. Allez Reagh', un peu de courage... Je m'approchais de lui, avant de venir l'embrasser, tendrement. J'en avais eu terriblement envie. Et ce n'était pas seulement parce que ce cadeau me touchait. Je voulais sentir ses lèvres contre les miennes. Je sentais la chaleur montait en moi. Au bout d'un moment, je finis par rompre le baiser, posant mon front contre le sien, fermant les yeux, un sourire aux lèvres. Mon cœur faisait une course folle. Je murmurais ensuite. "J'en avais très envie... excuse-moi." Je me redressais un peu. Pour quel genre de fille allait-il me prendre à l'embrasser de cette façon. Je me sentais rougir un peu plus alors qu'un frisson me parcourait. Je fermais les yeux alors que mon nez se mettait à saigner. Ah non pas maintenant! Je me détournais de Jasper, cherchant un mouchoir ou un morceau de tissu des yeux. J'avais déjà plein de sang sur les doigts, essayant de stopper l'hémorragie comme je pouvais.

Difficile d'ignorer le sourire hébété de Jasper, bien trop heureux de pouvoir bavarder sur son thème favori : son travail. Ca finissait par ennuyer tout le monde. Car ce n'est pas comme l'art, ce genre de domaine qui semble universel. L'informatique c'est technique, assommant pour la majorité des gens. Ainsi, on se limitait souvent à le première impression : le Ellington est un geek qui répare des ordinateurs. Sauf que pas du tout. C'était frustrant d'être limité à ça, sentir qu'au fond, vous êtes totalement sous-estimé. Sachant combien il pouvait devenir enflammé sur le sujet, le garçon se limita à quelques mots : « Ca commence à devenir intéressant pour nous, on va dire. » Suffisamment pour pouvoir vivre comme il l'entend, sans jamais être limité. Mais ce n'était pas le plus important. L'argent c'est bien, la réputation, c'est mieux. Réputation dans le monde professionnel, évidemment, car celle sur le campus allait finir par se ternir s'il continuait dans cette voie. Autant parfois il parvenait à se raisonner, autant, à d'autres moments, prit dans l'excitation d'un projet, il pouvait oublier que voir la lumière du jour était un besoin élémentaire. Ce que la Quincy ne tarda pas à lui rappeler, en soulignant qu'il n'y avait pas que le travail dans la vie. « Ca fait un peu babysitteur dit comme ça, mais puisque tu es prête à te.. 'dévouer' -accompagna-t-il de ses doigts, traçant des guillemets dans le vide-, ça serait malvenu de refuser ! » Des moments avec Reaghan, Jasper ne demandait pas mieux. Et il savait que le sentiment était partagé. En fait, ils savaient l'un comme l'autre qu'ils s'appréciaient, qu'ils aimaient passer du temps ensemble ; ils avaient juste du mal à se le dire. Offrir un cadeau, c'est la solution de facilité. C'est mettre les mots dans une boite, et la donner, sans avoir à les prononcer. Heureusement que cette boite lui plait. D'ailleurs la demoiselle se déplace vers lui, alors qu'il la suit du regard jusqu'à ce qu'elle soit à ses côtés. Pour la suite, disons juste que Jasper resta un temps interdit, totalement décontenancé par l'initiative de l'étudiante. Le temps suffisant pour comprendre que le chemin prit par ses lèvres ne résultait pas d'une erreur, mais d'une envie. Et puisqu'elle était partagée, le Dunster ne laissa leurs lèvres se séparer, à regret, que lorsque l'initiative fut féminine. Une vague de chaleur l'enveloppait, inespérée et confortable ; ceci additionné à un sourire involontairement permanent. Le fait qu'elle s'excuse, le rose aux joues, n'arrangeait rien. « Il va falloir que je pense à te ramener des cadeaux plus souvent.. » S'amusa-t-il, comme seule réponse à ses explications, afin qu'elle saisisse que ces excuses ne devaient pas avoir lieu. Plutôt merci, et, on recommence ? Sauf qu'un saignement de nez plutôt virulent sembla en décider autrement. Jasper se redressa, et une fois sur ses pieds attrapa sa veste, tirant d'une de ses poches un paquet de mouchoirs. Il en extirpa deux, qu'il tendit à Reaghan qui lui tournait alors le dos. « Tiens ! Essaye de ne pas te vider de ton sang, je le prendrais mal. » Tenta-t-il de plaisanter, afin de dédramatiser la situation. Il faut dire que la succession des évènements était assez perturbante. Et puis ce saignement qui survenait sans raison apparente, venait rajouter une interrogation à la liste des éléments étranges entourant la jeune femme. Une fois de plus, il avait la désagréable impression que quelque chose le dépassait.