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{ deja vu }
crédit/ giphy ✰ w/@cosmo cavalero
Tu le sais que j'suis mauvaise pour toi, hein ? Qu'on est mauvais l'un pour l'autre, que plus je m'approche, plus on se cherche, plus on s'empoisonne. Et pourtant, ça m'empêche pas de venir jusque l'obscurité, de rejoindre la maison du diable, demeure factice mal réalisée, mal éclairée. Ca t'empêche pas de me suivre, même si j'entends pas tes pas. J'le sais, j'le savais dès que je franchissais ce rideau plein de poussière pour rejoindre l'intérieur de l'attraction, slalomant entre les pantins et autres créatures pas plus effrayantes que celles de mon quotidien. Vas y fais moi peur, Cosmo. Rentre dans mon Enfer, impose toi comme bourreau. J'inspire, j'expire, j'avance un pied devant l'autre, la lumière se perd, obscurité volontaire. C'est connu, les enfants ont peur du noir. Moi, je m'y habitue comme un félin. Je souffle l'air froid, jusqu'à ce que ton corps se heurte au mien, m'immobilisant sur le moment. J'suis face à un cadavre, le bras décomposé tendu vers moi, et pourtant, c'est ton souffle sur mon visage qui soulève mon épiderme. Le myocarde qui s'affole, les lèvres sèches, la respiration coupée. J'souris à tes mots, mais mes côtes sont brûlées par le tracé de tes doigts. Et dans ma tête, c'est le chaos. Reculer, avancer. M'éloigner, m'accrocher. Courir, freiner. Les monstres, j'ai pas peur d'eux, ils pourront copiner avec ceux qui vivent dans ma tête. « Il parait. On m'a vaguement mis au courant. Mais pour l'instant, faut croire qu'is se cachent. » J'préfère faire ça. Cacher mon souffle irrégulier derrière de nouvelles provocations, alors que je me tourne pour te faire face. Mais déjà, tu m'dépasse. Tu disparais, tu t'enfonces dans les sombres, pour ne laisser de ta voix qu'un écho qui s'éloigne, qui s'écarte, qui me laisse. J'enfonce mes mains dans mes poches, et j'avance. Je lève les jambes, j'évite d'autres silhouettes, je passe d'une pièce à l'autre. La musique angoissante me laisse de marbre. Mais y a cette scène. Cette gamine au visage caché par ses cheveux bruns, agenouillée, les mains plaquées sur son visage pâle, devenu invisible. La bête qui la guette, à l'autre bout de la pièce. Et une impression de déjà vu, l'impression de sentir encore le souffle alcoolisé, dégueulasse, sur la peau de mon épaule nue. Non. Non, j'ai pas peur. Alors pourquoi j'avance plus vite ? Pourquoi j'recule devant eux ? Pourquoi je trébuche et je tombe ? Je glisse sur les rails, j'me redresse, j'ai le coeur qui bat trop vite, trop fort. Je tourne le dos à la gamine, mais j'peux pas quitter le monstre des yeux. Comme si j'avais peur qu'il finisse par encore me tomber dessus. Alors j'recule, les poings serrés, les ongles qui s'enfoncent dans mes paumes jusqu'à ce que la douleur afflue. Mon souffle chaotique, jusqu'à ce que j'me retourne pour changer de pièce, pour courir. Pour te trouver, te rattraper, te chercher. J'm'en fous que tu sois un monstre de plus, la différence c'est que toi, t'es celui que j'ai cherché. Et j'sais pas si c'est un hasard, de la chance, si tu m'as entendu, si t'as fait exprès. Mais quand j'te trouve, quand j'distingue ton visage dans la pénombre, je me fiche bien de ce que tu penses, je me fiche bien de ce que tu veux. « J'ai pas peur. » Que j'affirme malgré les sanglots dans ma gorge, malgré ma voix qui tremble, malgré mes iris brillants. Et j'le répète, chaque fois que j'approche de toi. « J'ai pas peur. » Et pourtant, ce sont mes doigts tremblants qui s'enroulent derrière ta nuque, qui s'accrochent à ta peau, alors que dans un murmure, j'admets enfin « J'ai peur. » avant d'abattre mon souffle terrifié contre le tien. Donne moi un peu de tes ténèbres, pour mieux engloutir les ombres que je viens de voir.
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