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Un pied devant l'autre, le souffle froid, qui mord, qui brûle, qui gêle. J'ai les yeux qui suivent la courbe de l'asphalte, mes talons qui claquent, régulièrement, suivis par tes pas. J'ai perdu la notion du temps, je sais pas quelle heure il est exactement, mais les rues sont bien calmes, bien dociles ce soir. Un trottoir, puis un autre, j'écoute ta question, j'sens ton regard qui pèse sur moi, mais comme toujours, je me contente de hausser les épaules. « Ouais. » J'me débrouille seule, et je préfère l'être plutôt que mal accompagnée, comme de ma toxico de mère. Je cherche pas à lever les yeux vers toi, à jauger ta réaction. J'ai ni besoin de ton approbation, ni besoin de ton jugement dans le cas contraire. J'informe, simplement, je tente de m'ouvrir, rien qu'un peu, juste assez. Ma façon à moi de te remercier de me raccompagner ce soir. Les secondes s'écoulent, je suis pas bien loquace. On arrive dans la rue où j'habite, dans les coins sombres de la ville, où déjà les âmes qui se promènent se font plus rares. Je cherche déjà mes clés dans ma poche,la démarche qui traîne, quand tu reprends la parole. Rappelle tes quelques mots de tout à l'heure. Je lève mes iris verts vers les tiens, et j'souris. Mais le regard, il reste vide, mélancolique, triste. « Y a pas grand chose de beau à connaître. Tu t'en rendras vite compte. » Qu'y a que de la noirceur, des rêves jamais nés, une vie sans but, rongée. Si on doit bosser ensemble, tu découvriras certainement qu'y a rien de beau, et que j'avance comme une funambule sur le fil de la vie. En navigation libre, sans savoir quand ma route s'arrêtera. Demain. Dans un an. Dans dix. Plus, si j'ai de la chance. Si j'finis pas comme ma génitrice. « C'est ici. » Je sors les clés de ma poche, restée dans ma main jusque là, et je tourne le dos à l'entrée de l'appartement, levant les yeux vers le deuxième étage, là où mon confort précaire m'attend. « D'accord. » Les dents qui entament ma lèvre inférieure, j'sais pas trop sur quel pied danser, comment dire au revoir, comment te remercier. Adieu la spontanéité de mon étreinte, de mes larmes, de mon désespoir. Juste mes yeux qui caressent les tiens, du bout du regard, qui te remercient en silence. « Bonne nuit, Ares. » Et sans un mot de plus, je recule, je disparais derrière la porte de verre. J'retourne dormir avec mes démons, en espérant que le virage que j'aie pris ce soir avec toi, ce soit le bon.
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