(calitor) some people run right into the fire

Faut croire que t’avais un karma pourri ce soir. Numa t’avais lâché, elle se sentait pas bien. Et toi, plutôt que de rentrer à la Lowell House, t’avais préféré boire un peu et squatter un billard avec un trio à qui il manquait une pièce pour faire un quatuor. T’étais arrivée, la bouche en cœur, proposant de faire deux équipes. L’équipe qui perdait buvait. T’avais perdu à chaque fois. T’étais pompette, un peu. Pas trop, mais un peu. Tu décides de finalement quitter la soirée non sans laisser ton numéro à ces beaux jeunes hommes, sait-on jamais, pour un billard. Peut-être que t’allais finir par devenir forte et gagner, pour une fois. Vous m’direz ce que viens faire le karma ici, parce qu’en soit ça sonne comme une bonne soirée ? La pluie s’est abattue sur la ville et t’as pas de parapluie. Ta veste n’a pas de capuche – pourquoi faire, le temps ne menaçait pas quand t’es sortie – et surtout plus de batterie pour commander un uber. Karma à la noix ! Tes talons claquent sur les pavés. Les pavés, le truc le plus immonde sur lequel marché. Ils ont pas idées de laisser des ruelles pareil. T’avais toujours trouvé ça casse gu… AAAH ! Voilà, casse gueule comme ça. Ton talon aiguille a ripé sur un pavé et t’as fait perdre l’équilibre. Bien joué, Cali. Le cul par terre, le cul mouillé, les cheveux détrempés. Cette soirée était définitivement la pire de toute. Tu récupères tes affaires étalées sur le sol et tente de te relever, mais ta cheville te fait mal. Super, manquait plus que ça ! Tu grimaces en retirant ta chaussure et soupire.

@Victor Multrier

Une garde de nuit à l’hôpital du coin, c’était parfaitement ce qu’il manquait à la vie de Victor pour tenir un peu plus ses objectifs en joug. Il n’avait pas dormir depuis plus de vingt-quatre heures, et le terme ne devait pas être grognon tant ça tendait vers le cauchemar ambulant pour lui. Il venait de finir de poser un drain à une vieille dame âgée plutôt gentille mais complètement irritable par sa jovialité. Elle lui rappelait lui… beaucoup plus jeune. Finalement, les pompiers avaient amené une jeune femme qui s’était pété la cheville en tombant sur le parvis et son chef lui avait hurlé de s’occuper de ce cas avant de rentrer chez lui. Un dernier patient et il pourrait enfin rentrer chez lui pioncer un peu. Ou squatter chez Cam, c’était une autre possibilité. Il mettait son stéthoscope autour du cou et s’approcha du box. Il tira le rideau en prenant le dossier sans regarder la jeune fille en face de lui. « Cali Spencer, vingt et un ans, douleur à la cheville suite à une chute. C’est ballot. » Il leva la tête pour voir une blonde trempée, mais malgré tout assez joyeuse. Elle devait avoir bu. Elle était majeure, son corps, son problème. Lui, il faisait bien pire. Il posa ses mains glacées sur la cheville de Spencer pour l’examiner. « Vous vous rappelez du mouvement de votre cheville lors de la chute ? » Il secouait la tête. Les nanas bourrés et qui tombaient sur leurs talons. Le quotidien de Victor depuis que son chef lui avait collé tous ces cas là.

Et tout s’enchaîne assez rapidement. Ce touriste – tu sais que c’est un touriste parce qu’il te parle littéralement chinois – aux yeux bridés qui t’accoste. T’as l’impression qu’il t’engueule alors que t’es juste tombée, t’as rien demandé à personne toi. Tu hausses les épaules et secoues la tête, incapable de comprendre un traitre de mot de ce qu’il dit. Il sort son téléphone, il baragouine, tu ne comprends toujours rien et un quart d’heure plus tard ce sont les pompiers qui débarquent et t’embarquent. Wow, wow, wow.
Arrivée à l’accueil de l’hôpital, on t’installe dans un fauteuil pour t’emmener jusqu’à un box. Et là, on t’demande enfin ton identité, tout le blabla. Et ben, comment décuver d’un coup. Allongée dans un lit, on t’annonce qu’un médecin viendra te voir quand il sera disponible, tu n’es pas une urgence vitale. Super, merci. C’est pas possible, tu veux rentrer chez toi. Mais ouais, y’a ta cheville qui te fait mal. T’attrapes ton téléphone pour envoyer un texto à Numa, que malgré ses vomito elle vienne pour te sortir d’ici. On avait déjà dit que tu détestais les hôpitaux ? Tu détestes les hôpitaux. Ah mais c’est vrai, plus de batterie. Tu soupires et laisses ta tête tomber contre l’oreiller et tu n’as plus qu’à prendre ton mal en patience. Cali Spencer, vingt et un ans, douleur à la cheville suite à une chute. C’est ballot. C’est moi, tout à fait, c’est exact. Entièrement d’accord. Tu souris à ce docteur. Ce sont les pavés. réponds-tu en fronçant doucement le bout de ton nez. Sans prévenir, il pose ses mains gelées sur ta cheville. Deux choses : c’est froid, t’as mal. Vous vous rappelez du mouvement de votre cheville lors de la chute ? Tu hausses un sourcil, c’était une vraie question ça ? J’sais pas.. comme ça ? Et tu tentes d’imiter le mouvement tant bien que mal avec.. ta tête, grimaçant. Tu soupires. J’suis pas médecin mais j’pense qu’une radio et un bandage, ça fera l’affaire vous savez.

Trop amusé pour être sobre, Cali Spencer essaie tant bien que mal de garder contenance de l’état dans lequel elle se trouve mais tout est fait pour exaspéré Victor qui n’a juste envie que d’une chose : rentrer chez lui. Elle justifie sa chute par les pavés qui ornaient le sol qu’elle avait foulé et Victor rit jaune, en se moquant ouvertement d’elle, puis elle essaie de définir ce qui serait bon à faire pour elle. Victor lève le regard vers elle et hausse un sourcil. Est-elle sérieuse ? Est-elle en train de lui apprendre son métier ? « Vous êtes en médecine mademoiselle ? Ou tentez-vous de m'apprendre mon job ? » Peut-être qu’il a tort et qu’elle sait de quoi elle parle. Elle n’en a pourtant pas l’air. Il hausse les épaules et attrape sa cheville pour la bouger dans plusieurs sens et voir les réactions de Cali. Elle n’est pas bleue, il sent que ce n’est pas cassé, sinon elle ne serait pas aussi positive malgré tout. Une bonne foulure, ça, c’est certain. Dans le doute, il n’était qu’interne, il allait devoir faire une radio. Il l’amenait alors dans la chambre de radiologie. « Posez votre pied comme ceci, et ne bougez pas d’un millimètre, c’est clair ? » Il s’installa derrière la cabine en verre et appuya sur un bouton. « J’ai dit de ne pas bouger ! » Il s’énervait car elle avait fait surement un micro mouvement pour la position inconfortable dans laquelle elle était mais Victor était vite exaspéré.

Y’a pas l’ombre d’un sourire sur le visage du médecin. Victor Multrier, interne, si t’en crois le badge épinglé à sa blouse blanche immaculée. Vous êtes en médecine mademoiselle ? Ou tentez-vous de m'apprendre mon job ? Prends ça, Cali, alors qu’il continue de te tourner le pied dans tous les sens. Non. C’est juste que ça tombe sous l’sens. C’était pas ta première foulure, alors bon, tu sais un peu de quoi tu parles. Pas besoin d’être médecin. Et comme justement, ça tombe sous l’sens, le garçon t’emmène en salle de radiologie pour.. une radio. Ce p’tit sourire pas peu fière qui se dessine sur tes lèvres. Boitant légèrement, tu t’installes sur la table où Victor s’en reprends à ton pauvre pied à qui il donne une position des plus inconfortables. Posez votre pied comme ceci, et ne bougez pas d’un millimètre, c’est clair ? Comme de l’eau de roche. Tête de cochon, celui là. Tu le regarde se rendre derrière la table de commande et appuyer sur une série de boutons. J’ai dit de ne pas bouger ! ROH, c’est pas possible. Son ronchomètre était au maximum ou quoi ? On vous apprends pas à être plus cool avec vos patients ? J’ai pas fait exprès de tomber vous savez ! que tu râlotes en posant tes mains sur tes hanches, tentant de ne pas bouger ton pied. La machine qui fait son bruit de fanfare s’immobilise. Alors, j’ai quoi docteur ? Oh, une foulure ? que tu lui lances, un sourire satisfait sur les lèvres. Allez, sortez moi d’la, j’veux rentrer chez moi.

Il appuie sur quelques boutons et déplace l’appareil sur un point central de sa cheville et fait démarrer le truc. Finalement, la radio faite, il lui fit un signe de main pour qu’elle descende, sans pour autant être très agréable avec elle. Et c’est exactement ce qu’elle souligne, avec une pointe de sarcasme qui exaspère d’autant plus Victor qui lève les yeux au ciel. « On me paie pour vous soigner, pas pour vous chouchouter. » En vrai, il apprenait dans son cursus que la relation avec le médecin guérissait généralement cinquante pour cent des blessures, par effet placebo, mais Victor s’en moquait. Il n’y avait que dans le service pédiatrie qu’il devenait un autre homme, que là qu’il changeait de comportement. Rien n’avait de sens à ses yeux à part apprendre à des enfants comment grandir un monde qui les rejettera quoiqu’il arrive. Il sort les clichés qu’il glisse dans un appareil. Rien de cassé, juste une inflammation. Elle disait vraie, la petite. Il voulait juste se débarrasser d’elle, parce qu’au final, elle était bien plus enquiquinante que prévue. « Oui, une foulure. Vous voulez ma blouse aussi ? » dit-il tout en prenant le col de chemisier blanc entre son pouce et son index. Il glissait les radios dans une grande enveloppe, et il se dirigea vers la jeune femme pour lui tendre les papiers. « Je vais vous prescrire un anti-inflammatoire, des straps, et du repos. » Il écrivit sur un bout de papier la prescription et il se dirigea ensuite vers son chef pour validation. Ils discutèrent un instant puis… il revint vers la blonde. « Tenez. »

On me paie pour vous soigner, pas pour vous chouchouter. Non, bah tu l’aurais pas devinée toute seule ça, tient. Est-ce qu’il est aigri par nature ou bien monsieur n’a pas eu sa gâterie par la petite interne ? (Quoi, ça s’passe que dans les films ou c’est réel ?) Ca vous tuerait pas d’être plus aimable quand même, docteur. dis-tu en appuyant ironiquement sur le dernier mot avant de te rappeler que tu n’étais pas en position de force. Et sans réelle surprise, l’interne valide ton diagnostique. Oui, une foulure. Vous voulez ma blouse aussi ? Tu secoues la tête en levant les yeux au ciel. Il avait pas un chef qui pouvait lui taper sur la tête avec une légère pille de dossiers pour te donner raison un peu, qu’on parle pas aux patients comme ça ? Grr. Ca ira, merci. que tu réponds avec un sourire forcé alors qu’il griffonne sur une ordonnance ce qu’il te site à l’oral. Tu hoches la tête, la bouche fermée, et il s’en va.. puis revient. Girouette. Tenez. T’attrapes le papier un peu trop brusquement et le fourre dans ton sac à main. Merci. Bonne soirée, Docteur. Un interne désagréable, c’était le summum de ta soirée pourrie. Tu quittes la chambre, files à la réception régler les derniers soucis et.. oh purée, la Lowell House est encore plus loin que là où t’avais passé la soirée. Tu soupires et fait appeler un taxi à la réception de l’hôpital. Ca te couterait un bras mais au moins, tu serais rentré et tu pourrais mettre de côté cette horrible soirée.

and it's only the beginning.