Damn it, I feel like a joke

C'était particulier, de devoir tout recommencer. Quelque part, il y avait la beauté des premières fois. La beauté de pouvoir être qui je voulais, m'inventer de nouveau, me créer des nouvelles passions. Il y avait ce vent de fraîcheur, la maison était neuve, la voiture un peu moins, mais tout le reste n'était que découverte. Les appels de mes parents cassaient parfois ce vent, le rendant plus glacial que prévu, mais dans l'idée, c'était un nouvel air. Il était parsemé par un sentiment plus noir, l'un de ceux qui font reculer. La crainte. Si je me plante, si ma place n'est pas ici, si j'y arrive pas ? Ces questions donnent l'impression qu'elles peuvent s'effacer aussi vites qu'apparues, mais elle èrent la nuit, quand les ombresdes voitures se reflètent dans les volets. Quand la nuit est déjà trop sombre, que mes yeux ne sont toujours pas clos. Disons que le point rassurant, c'est au matin. C'est ces rencontres qui me font dire que la décision n'est pas si mauvaise. C'est ces retrouvailles qui me font penser qu'après tout, c'est pas si mal, de repartir de nouveau. Presque comme un retour à zéro.
La veille, j'avais fais des muffins. Je m'ennuyais et il faut bien s'occuper, dans cette maison. Quelques pépites de chocolat sur le dessus et le tout était envoyé. C'est toujours plus sympa à offrir aux collègues, dans l'idée de surmonter une longue journée. Je me dirige à Harvard, entre dans l'un des bâtiments, jusqu'à devant cette porte, frappe puis entre dans le bureau choisi. Je dois avoir quelques minutes de disponible avant de commencer, et encore, où est le mal quand c'est moi qui suit en retard ? C'est pas comme si le cours allait commencer. "Bonjour !" grand sourire aux lèvres, sans raison particulière, juste l'humaine qui est heureuse. Jette un oeil dans son sac, en sort un muffin avec une sorte d'ordinateur en décoration au dessus. Pour le réalisme des dessins et pour le talent, on repassera. "J'ai fais des muffins, c'est la distribution !" pose la nourriture en question sur le bureau de l'homme, "Voilà le tiens ! prévoit un thé à côté, c'est un peu etouffe chrétien." grimace un peu, on peut pas être parfait. J'ai oublié peut-être un peu de beurre, un peu de crème, un truc pour relever l'ensemble quoi.

La nouveauté, j'connais pas. J'essaye, pourtant, j'essaye ailleurs, j'fais de nouveaux projets, mais tu vois, j'suis toujours hanté par le passé. On dira sur ma tombe que j'ai trop jeté de coups d'oeils par-dessus mon épaule. Que j'aurai du fermer les yeux sur certaines choses, faire taire certaines secousses, que j'aurai été plus heureux en larguant certains épisodes des pages précédentes. Faut savoir tout arracher pour mieux écrire la suite. Sauf que moi, je les arrache à moitié les pages, j'fais pas ça proprement, alors ça repousse. Et j'm'en rends compte qu'une fois la page suffisamment solide à nouveau pour être récalcitrante. Attachante, séduisante. Pourtant, souffler sur la page pour la tourner assez pour ne plus voir les petites lignes, j'y arrive avec toi. J'ai gardé que les gros caractères, ceux qui sont jolis, pas la gadoue en fin de page. Pas ce qui gâche tout. Enfin, pour l'instant. Pour l'instant qu'on se maintient dans cette jolie relation superficielle de collègues. T'as débarqué ici, j'comprends toujours pas pourquoi. J'ai pas posé la question. J'ai même pas demandé où était Gregg, mais j'ai entendu qu'il n'était plus à tes côtés. J'écoute les bruits de couloir sur toi, j'm'intéresse. C'est plus simple comme ça, avec la distance nécessaire. C'est facile, on se croise cinq minutes, tu me racontes des conneries, on se ridiculise tour à tour, et aux yeux de tout le monde, même de nous, on est ces collègues qui s'connaissent à peine. Peut-être que c'est juste plus facile de rentrer dans mon bureau, de débarquer comme une fleur, toi et ton sourire spontané. Moi, j'noie mon sommeil dans une tasse de café. « On t'as déjà dis que tu paraissais beaucoup trop heureuse ? » C'est le matin, t'es censé regretter ta couette, comme tout le monde. Appuie son coude sur le bureau, se penche vers le muffin qui se réceptionne sur le bois. Relève le regard vers la brune, un brin amusé. « Chaque muffin a son prof dédié ? » Prend la pâtisserie, et le regarde sous toutes les coutures. L'ordinateur, j'ai bien compris que c'était pour moi. Par contre, tu ne m'en voudras pas de me méfier un peu. D'ailleurs, j'te le présente devant le nez, le bras tendu. « Croque dedans d'abord ! » J'planterai pas mes dents là-dedans sans un goûteur.

Est-ce qu'on peut réellement dire qu'on s'est connu le temps d'un chapitre ? Un chapitre c'est long, trop long pour ce qu'on a vécu. Le temps d'une page, c'est bien trop court, un paragraphe, c'est ce dont il faudrait pour nous résumer. En réalité, on s'est connu le temps d'un contexte. On s'est connu au début du livre, quand les caractères se définissent, quand les personnages s'affinent, quand ils deviennent ce qu'ils sont, quand on les retrouve réellement dans l'histoire. On est les vieux souvenirs, pas les meilleurs mais pas les plus mauvais non plus. Ceux qui nous hante, quand dans un coin de l'écran, apparaîssent. Ceux qu'on regrette presque, les soirs d'hiver, à se repasser les éléments du passé. C'est ce que nous sommes. Ces collègues qui ne se connaissent plus, qui aux yeux des autres, ne se sont jamais connus. « On t'as déjà dis que tu paraissais beaucoup trop heureuse ? » souris, réfléchit. Je cache derrière ce sourire des millions de souvenirs, et pas des plus beaux. "Et toi pas assez ?" souris, amusée. Je suis solaire, je suis lumière. Je cache l'ombre, probablement même la mienne. J'ai pas envie qu'on la voit, j'ai pas envie qu'on le sache. Toi, tu t'en moque. Tu cultives l'ombre, certainement parce que c'est la couleur qui te plaît le mieux. Je cultive le soleil, parce que c'est la couleur à laquelle les gens ne font pas particulièrement attention. Ils ne voient pas les défauts, ceux qui se glissent entre les cloisons. « Chaque muffin a son prof dédié ? » Hoche la tête, ravie. C'est un peu faux, les autres sont pas aussi bien décoré, mais je devais différencier le tiens, tu comprends. Le muffin arrive sous mon nez, l'homme au regard amusé. « Croque dedans d'abord ! » hausse les sourcils, rigole, "Sérieusement ?" il se méfie, et il a raison, mais j'ai pas envie de lui montrer que son intuition s'affine. "J'ai du rouge à lèvre, j'vais en mettre partout." attrape la pâtisserie malgré tout, je sais qu'il abandonnera pas. Je le regarde, longuement. "Tu pourrais m'faire confiance, on joue pas avec la nourriture." prend le muffin, croque un morceau. Un petit, sur le côté, histoire de pas trop l'abîmer. Cet ordinateur m'a pris une éternité à faire, et il ressemble même pas à ce que je voulais. "J'ai sauvé la déco !" ravie, alors que le morceau de muffin est avalé. "Tu crois quoi sérieux ? j'vais pas t'empoisonner." le tend de nouveau vers l'homme, bras tendu, sourire aux lèvres. A ton tour, maintenant.

Ils savent pas eux, que t'as dormi un nombre incalculable de fois sur mon épaule, que j'te connaissais par cœur, que je savais ce qui te faisait rire, quel film choisir pour rattraper une journée fade, et l'odeur de ton parfum. Que tes lèvres se sont retrouvées bien trop proches des miennes, un jour, que l'on a échappé aux regrets uniquement grâce à des pas dans l'escaliers. Grace ou à cause, j'en sais rien. Vu la suite, j'suppose que j'ai bien choisi. J'préfère oublier la débâcle, me raccrocher au néant actuel. J'finis par croire en nos conneries, à cet accord tacite. Allez approche, collègue, faisons comme si nous n'avions pas déjà quelques mois en commun. Des souvenirs, des tas de souvenirs. "Et toi pas assez ?" Hausse un sourcil, se penche légèrement en arrière contre le dossier de son siège, un sourcil amusé aux lèvres. « J'préfère pas mentir sur la marchandise. » Comprend-le comme tu veux. T'es bien trop lumineuse Teddy, et ma rancœur te couvre de boue. T'es une putain de menteuse, Ryan, simule cette perfection au monde, mais pas à moi. Tu vaux pas mieux que moi. Sauf que moi, j'le montre, j'le déballe, j'l'affirme. "Sérieusement ?" Garde ses billes sur la prof, avec l'air d'insister. Tu sais que je planterai pas mes dents dans ce muffin, avant que ta gorge n'y ai gouté. Question de sécurité. "J'ai du rouge à lèvre, j'vais en mettre partout. Tu pourrais m'faire confiance, on joue pas avec la nourriture." La tête dodeline de gauche à droite, intraitable. « J'te fais pas confiance, Teddy. » Faut vraiment que j'essaye de parler que du moment présent, enfin, ça s'y prête après tout, t'es pas censée entendre que j'le pense de manière générale. Là, maintenant, face à ce gâteau, ou face à n'importe quelle situation, j'te tournerai pas le dos. « Allez, vérifie au moins qu'il est bon. » Qu'il se déride, en rapprochant encore un peu la patisserie des lèvres féminines. Elle fini par goûter, à peine, un bord du gâteau. Bon, j'aurai préféré une bouchée plus franche, pour écarter tout risque. "Tu crois quoi sérieux ? j'vais pas t'empoisonner." Les billes vrillent dans leurs orbites. « J'te rappelle que j'ai faillis finir défiguré avec ta dernière blague en date. » Non j'en fais pas trois tonnes. J'ai quand même perdu une mèche de cheveux dans la bataille. « Bon okay je goûte » Plante ses dents, entame le décor et la moitié du gateau, quitte à s'empoisonner, autant bien le faire. Mâche, doucement, ne la quittant pas des yeux. « Il a un goût bizarre non ? » Mâche encore, une ou deux fois. Et, porte ses doigts à sa gorge, la bouche à moitié ouverte, poussant un espèce d'étouffement rauque, genre, j'suis entrain de passer l'arme à gauche. Genre, j'mérite un oscar tellement je suis bon. Ce qu'il y a de bien, c'est qu'à force de faire l'imbécile, j'suis vraiment entrain de me foutre du gâteau dans le mauvais canal.

Quelque part c'est drôle, qu'on fasse comme si rien ne s'était passé, comme si toutes ses années, on ne s'était pas ignorés. Comme si un jour nous n'avions pas été ceux qui riait autour d'un café, au détour d'une rue, au coin d'un feu. Comme si rien ne nous liait, comme si l'ancienne amitié n'était que rayé du bout de papier. « J'préfère pas mentir sur la marchandise. » Rigole, hausse les épaules. Tu souffles mais ici, aucune maison ne s'éffondre. Il te faudra plus de force que ça, pour rien qu'écorcher le sourire qui se dresse face à toi. « J'te fais pas confiance, Teddy. » Je l'entends, cet écho au passé. Je sais que tu le pense, je sais que t'en parle. J'ignore juste à quel point tu me déteste, pour l'instant. Ca sera bientôt arrangé, c'est le muffin de la paix. « Allez, vérifie au moins qu'il est bon. » Il l'est. Le bout de mes lèvres le confirme, le peu du gateau aussi. J'ai goûté la pate, j'ai vérifié les doses. Toutes les doses. « J'te rappelle que j'ai faillis finir défiguré avec ta dernière blague en date. » Ouvre la bouche, choquée, étonnée. "Je ne suis que douceur." qu'elle lance, à peine plus exagérée que lui. « Bon okay je goûte » regarde l'homme en souriant, tu vois, t'es pas mort. « Il a un goût bizarre non ? » Rigole et secoue la tête, "Mais bien sûr que non il.. " attends, quoi ? Qu'est-ce que tu fous, là ? Souris, ne se défait pas. C'est pas en jouant à tes faux semblants que tu m'auras. "Roh arrête ça va, t'as pas besoin d'en faire des tas !" le regarde, un peu plus. Fronce les sourcils, pose son sac au sol, commence légèrement à s'en faire. "Jasper ?" Est-ce qu'on peut autant truquer une blague ? "Jasper !" qu'elle crit, passe derrière l'homme, frappe sur son dos. Bordel, quel imbécile, il peut pas mâcher avant d'avaler, comme tout le monde ? Le coeur accélère, la peur monte, l'angoisse, tout le mauvais qui ressort d'un coup. Prend une inspiration, réfléchit, essaie, rapidement. C'est comme si le monde défilait en une poignée de seconde, cette poignée de seconde qui se joue au ralentit. Rapide, mais en même temps tellement lente. "Fait pas ça.." murmure, meurt pas. Passe mes bras autour de l'homme, fait un poing de ma main droite et presse de la gauche d'un coup, que l'air remonte, que ça dégage le morceau coincé. T'as pas le droit d'abandonner. T'as pas le droit de m'abandonner.

Je suppose qu'il faut prendre ça comme un espèce de retour de karma, quand à force de faire l'imbécile, la fiction rejoint la réalité, et l'idiot commence à s'ettouffer. Genre, pour de vrai. Avec la toux qui va bien, les yeux grands ouverts, et l'air qui commence à manquer. C'est ça, de se marrer en mangeant en même temps. A tout vouloir, on fini avec rien ; tu devrais le savoir Jasper. On va finir par marquer ça sur ta tombe. Celui qui à force de ne faire aucune concession, perdait son royaume. Fallait accepter les miettes de pouvoir, Ellington. Fallait pas jouer avec ces miettes là, de muffin. "Roh arrête ça va, t'as pas besoin d'en faire des tas !" Ouais, je sais. Enfin, là maintenant, j'commence à le comprendre, que c'était pas la meilleure idée que j'ai pu avoir. "Jasper ?" Sa peau blanche se teinte doucement, à force qu'il tousse à s'en arracher la trachée. "Jasper !" Ah quand même putain, vas-y laisse-moi crever en plus ! Pourtant j'te fais des signes, je me lève, je me penche légèrement en avant, j'ai les doigts sur la gorge. Tu vois pas que tous les signes sont là ? J'vais vraiment avoir une mort moisie, avec une vie pas beaucoup plus brillante. Enfin, le terme n'est peut-être pas bien choisi. Brillante, assurément. Mais pas celle que je souhaite au monde. Même pas celle que je te souhaite à toi. Toi qui tente des trucs. Je t'engueulerai si je le pouvais, t'es trop lente, ils sont où tes réflexes de premiers secours ? Tu réfléchis trop. Et moi, je commence à voir trouble. C'est mauvais signe ça non ? Ton poing dans mon estomac, c'est pas agréable. Ca presse, compresse, ça sauve, aussi. Le bout tueur décide de quitter le corps pas si confortable de l'homme, et ce dernier peut respirer à nouveau. Profondément, les mains appuyées contre le bureau, à grandes bouffées. Mets quelques longues secondes à ce que le battant retrouve un rythme normal. « Tu vois que j'faisais bien de me méfier de ton muffin ! » La voix n'est pas aussi forte que prévue, et il déboutonne de deux la chemise, pour libérer sa gorge, assit sur son bureau. « T'as presque réussi à me tuer. » Tousse encore un peu, faut qu'il boive. Attrape sa bouteille d'eau, en boit quelques gorgées. Les lèvres retrouvent une malice plus habituelles, et l'homme secoue la tête. « Elles vont trop loin tes vannes Teddy. » Ouais, parce que c'est ton gâteau le coupable de tout ça. Merci ? Ah, oui, merci, aussi.

Ce sourire, elle le porte tellement qu'elle sait même plus comment on le retire. Tellement que ça fait mal, quand les joues ne sont pas relevées. Les traits inquiets, je sais pas faire, moi. Je vois le positif, toujours, je pense à une blague, encore, quand tu te penches, quand tu t'ettoufes, quand tu luttes avec la vie pour rester debout alors que les coups de poings se font violents dans l'estomac. Je me rends mal compte quand tu joue et quand t'es sérieux, je distingue pas le vrai du faux. Faut dire que t'a toujours été très fort à ce jeu. Je comprends, le monde redevient sérieux, nous avec. Ma panique engendre les premiers gestes de secours que je connais, ceux que j'ai appris. Je sais même pas si je le fais bien, j'ai dû m'y reprendre à deux fois pour trouver où placer ma main au bon endroit. Les mains tremblent, le monde s'est arrêté. Une pression, voire deux, et tu t'es remis à respirer. Moi aussi, qui avait oublié, l'espace d'un instant. Je garde ma main sur son épaule, au cas où, reste près de lui, aussi. Les respirations sont lourdes, moi, je me remet du choc. « Tu vois que j'faisais bien de me méfier de ton muffin ! » la brune fronce les sourcils, la main frappe l'épaule, peut-être plus fort que ce dont je suis réellement capable, "TU T'ÉTOUFFAIS !", lui ça l'amuse, elle, elle rigole pas. Les traits sont plissés, tu le vois pas ? « T'as presque réussi à me tuer. » les yeux s'ouvrent encore plus gros, j'aurais dû t'y laisser, ici. Là, avec ton muffin, à mourir d'un morceau mal mâché. Le coeur bat tellement fort que je sais même pas quoi dire, quoi faire. Rire ou pleurer, le détester ou l'enlacer. J'ai eu peur, moi, tu vois. Je me relève pas aussi vite que toi face à ce genre d'émotions là. « Elles vont trop loin tes vannes Teddy. » la main passe sur ma bouche, j'y crois pas de tout ce qu'il est entrain de me dire. J'inspire, j'expire, longuement, plusieurs fois. Je retiens tout le reste, parce que c'était court mais intense, que j'ai senti les choses, que j'ai senti la peur, et que maintenant, c'est le soulagement qui retombe. Appelle-la fragile, oui. Actuellement, Jasper, t'es cette drôle d'émition. Cet entre-deux. Rire ou pleurer, pleurer ou frapper, frapper ou embrasser. Embrasser ou tuer.

Je sais, à force de jouer entre la comédie et la réalité, ce genre de situation ne peut faire qu'arriver. Condamné à crever d'une mauvaise blague. C'était drôle, puis d'un coup ça l'est plus tout. C'est tragique, ou presque. J'sens l'air manquer, j'sens le corps qui défaille, j'sens que ça va plus. Et le temps, tu joues avec, tu le prends, tu comptes pas les secondes qui tambourinent dans mes tempes. Quand l'air retrouve une voie plus simple, plus logique, c'est bruyamment qu'il reprend sa respiration. C'est rapidement qui balance quelques répliques. Tant pis si ca écorche, il a l'ironie au bout de la langue, et il parvient pas à s'en défaire. "TU T'ÉTOUFFAIS !" Tu hurles. Putain, j'savais même pas que t'en étais encore capable. Et j'provoques encore un peu, pour le plaisir, pour faire craqueler le tableau encore d'avantage. C'est même pas réfléchi, c'est ça le pire, j'suis pas foutu de me retenir. Pendant que ma peau retrouve doucement sa couleur originale, que mon cœur se stabilise, mes prunelles sont sur toi. Ca t'fatigue pas d'être parfaite ? Putain, j'le sais que tu l'es pas, que t'es tellement loin de l'être. T'es celle qui prend les mauvaises décisions, qui choisis le mauvais mec, qui est pas foutu de faire les quelques milimètres restant pour s'échapper de sa vie chiante contre mes lèvres. T'es celle qui va toujours bien, même quand son monde ne ressemble plus à rien. « Bienvenue dans le monde des vivants, Ted. ». Ouais, ça aussi ça faisait longtemps. J'le vois, que tu défailles, que ça a réveillé ce corps endormi. J'm'approche pas, parce que j'ai pas envie de m'en prendre une, et que je sens qu'on en est pas loin. « Allez c'est bon remets-toi.. désolé, la première fois j'essayerai d'mourir avec quelqu'un d'autre. » Qu'il part à la chasse au sourire, à une simple esquisse, ça suffira.

Le cœur est un tambour, le monde n'existe plus, l'espace de quelques instants. J'ai envie de le tuer, là, réellement. Il a de la chance que ce muffin ne l'ai pas achevé, parce que là, moi, ça m'fait envie. J'ai envie de le frapper, parce que c'est pas drôle, parce qu'on joue pas comme ça, qu'on peut pas se jouer des émotions des autres, encore moins de la mort quand elle approche. T'es celui qui s’esclaffe quand je suis dans la retenue. Tu pointes du doigts quand je joue d'un regard, tu t'approches quand je recule. On est pas du même monde, Jasper. « Bienvenue dans le monde des vivants, Ted. ». Lève les yeux vers lui, toujours en colère, toujours, Jasper, mais avec autre chose. Un froncement de sourcils qui se demandent si tu te souviens vraiment ou si tu fais juste semblant. J'opterais pour l'homme qui prétend, parce que je suis terne, maintenant. « Allez c'est bon remets-toi.. désolé, la première fois j'essayerai d'mourir avec quelqu'un d'autre. » soupire, "tu t'fous d'moi ?!" je sais pas quoi faire, je sais pas quoi dire, j'ai eu peur. J'ai eu peur. Regarde ailleurs, s'en remet, accélère le processus. Faut bien, quand en face, il rigole d'avoir faillit touché la fin de la ligne. "essaie de mâcher, la prochaine fois." quelle prochaine fois ? quelle prochaine fois, teddy ? c'est pas si j'allais en faire, c'est pas comme si j'avais envie de revivre ça. Relève les yeux vers lui, secoue la tête, t'es vraiment un enfant. Vraiment un enfant. Un sourire naît sur les lèvres, fin, "j'avais fais infuser du cannabis." le sourire devient un temps soit peu plus large, "imagine c'qu'ils auraient dit, à la morgue.." c'est pas le moment d'en rire, je lui en veux encore, mais faut reconnaître le côté cocasse de la situation. C'est toujours des situations, des moments où tu fais le con, où j'en ris, et où le temps d'un moment, nos mondes sont réunis.

Tu es la subtilité de mes manières brusques ; rien n'est délicat, tout est démontré. Toi tu retiens, et moi j'expose. J'explose. Je joue la carte de l'humour, pour éviter la franchise d'un passé. On peut pas, pas maintenant. J'en ai même pas envie. On sera jamais ce qu'on a été, parce que Teddy, j'ai aucune confiance en toi. J'me méfie, et finalement, cette espèce de relation superficielle qu'on se construit, joue là-dessus. Une succession de pièges, qui nous pousse à nous méfier de chaque pas de l'ennemi. Sauf que j'me méfiais déjà de toi avant. Je soupèse chaque réplique, j'hésite, je me rappelle. "tu t'fous d'moi ?!" Là-dedans, c'est toi la meilleure. Menteuse niveau expert, alors que je ne suis qu'un débutant. Alors oui, ça m'fait sourire de te voir dans cet état, de voir que j'ai réussi à réveiller un peu ton corps endormi, ton visage qui ne laisse rien passer. "essaie de mâcher, la prochaine fois." C'est pas la question, la question, c'est que j'ai fais l'imbécile, pour changer. Que le karma commence à me titiller. « Essaye de mettre autre-chose que du sable et de la farine, dans tes muffins, la prochaine fois. » Qu'il grimace, doucement moqueur. Même si, là, tout de suite, j'ai comme un doute sur le fait qu'il y ai une prochaine fois. La moquerie se termine, quand ça le concerne, le visage change dans la seconde. « T'as fais quoi ?! » Tu sais que je déteste ça, tu sais que j'prends rien qui pourrait toucher à mon précieux intellect, que ça m'fait flipper, ces conneries. « Putain Teddy tu sais que j'prends pas de ça ! » Là, j'regrette moins de t'avoir fais peur. Attrape les miettes qui traînent, et les balancent sur la brune, le visage laissant transparaître un certain amusement. Le perdant sait reconnaître le talent de l'adversaire. Puis, saisi le reste du muffin qui a failli lui faire prendre le train, direction l'au-delà. « J'me disais bien que c'était infecte ton truc. » J'ai jamais compté le cannabis dans les parfums agréables. « Tiens, ça serait dommage de gâcher. » Le gâteau tendu vers la mis en cause. « Prends ta dose la junkie. » Ouais, Jasper aurait fait le pire mather au monde, on est tous d'accord.