(maeve) pretty woman

C'est la course. Je hais les fêtes de noël. Pourquoi ? Car ça pousse les gens à la consommation, et moi, gros radin que je suis, ça me fait chier d'acheter un cadeau pour mes parents. Mais attention, pas en commun non, un pour mon père et un pour ma mère. En parlant d'eux, j'hésite pour le moment à leur parler de Misha, une amie, grande amie, avec qui j'ai proposé de faire un test, pour voir si c'est elle, ma soeur perdue à l'âge de cinq ans. Si je n'ai plus la trace de mes parents biologiques, je veux retrouver celle de ma petite soeur. A tout prix. Mais je ne veux pas bousiller le réveillon avec mes idées folles. J'ai peur de les vexer, j'sais pas. Je déambule dans Charles Street à la recherche de la boutique idéale lorsqu'une silhouette me passe sous le nez. Une chevelure blonde, un parfum fruité et prononcé vient de passer comme un courant d'air et je suis totalement scotché par cette beauté, qui ne m'a même pas remarquée. Mes yeux tombent ensuite sur le sol. Un porte-monnaie. Je regarde la demoiselle qui avance rapidement et je bondis sur le sol pour le ramasser. « Hey ! » je l'appelle. Je viens de courir comme un taré alors qu'elle n'est même pas au bout de la rue. Essoufflé, je reprends ma respiration, je la fixe et je lui tends son objet perdu. « je crois que c'est à toi, il est tombé au moment où tu es passé devant moi. » un signe ? Surement pas. Quoi que, on sait jamais. Attendez... ce serait pas Maeve ? La fille dont j'ai totalement crushé en moins de deux l'autre jour ? Elle connait même pas mon nom, peut-être qu'elle connait au moins ma tête ? Directement, je me redresse et j'essaye de prendre la pause du mec qui a confiance en lui.

Je ne dirais pas que j'ai le mal du pays, mais disons que je suis bien contente de rentrer pour les vacances de Noël. Londres me manque, ma famille me manque et j'ai par dessus tout l'envie de rendre visite à mon frère, me recueillir sur sa tombe. J'avais l'impression, en arrivant jusqu'ici, de le quitter petit à petit et je crois bien que je n'étais pas encore prête à faire ce sacrifice pour vivre ma vie. Néanmoins, j'avais conscience que je devais en profiter un maximum avant d'avoir l'âge d'être complètement bloquée par mon futur travail et mes responsabilités. Je resserrais la ceinture de mon manteau, frissonnant à cause de la brise hivernale et je marchais d'un pas déterminé en direction des boutiques de luxe pour me donner des idées de cadeaux. Noel approche à grand pas et je dois marquer le coup, comme tous les ans. Je marche jusqu'à ce que j'entends quelqu'un interpeller quelqu'un d'autre. Un vulgaire Hey ne peut m'être adressé. Je poursuis ma route jusqu'à ce qu'un jeune homme me rattrape. Y a t-il, dans cette ville, des personnes de mon rang qui savent se tenir ? « je crois que c'est à toi, il est tombé au moment où tu es passé devant moi. » Je bloque. Qu'est-ce qu'il me veut ? Mon regard se baisse doucement sur ses mains et d'un veste vif, je lui arrache des mains mon propre porte-monnaie. « Tu n'as pas trouvé mieux que de me le prendre pour m'accoster ? » Quand bien même, il n'avait aucune chance, il perdait son temps.

Déjà moi, aborder les gens, je dois faire un effort surhumain. Alors accoster une demoiselle comme elle, c'est du haut level, je vous jure. Je sais clairement que je suis une merde à côté d'elle. Elle est tout ce que je déteste, fifille parfaite à papa, le visage refait, trop de maquillage sur la tête et elle met tellement de parfum que ça pique aux yeux. Mais faut croire que ce genre de nana, ça m'attire aussi. C'est genre, inaccessible, l'interdit. ça me rend encore plus accro. Puis mis à part sa tête de poupée barbie, elle a quand même un joli sourire et un beau corps, ouais, faut dire ce qui est. J'suis pas venu pour l'accoster, loin de là, juste pour lui rendre son putain de porte-monnaie. J'attends pas un sourire de sa part, à vrai dire, je sais pas trop si j'attends quelque chose. Mais la réponse qu'elle me renvoie, elle me fait automatiquement marrer. « oh, tu penses que j'essaye de te draguer ? » vraiment ? Non mais t'as vu ma tête ? J'ai la tête d'un homme qui fait peur ouais. Elle me l'arrache des mains et je fourre les miennes dans mes poches. Un merci c'est trop te demander ? Apparemment. J'hausse les sourcils, blasé. « puré, détends-toi, on t'a jamais appris à dire merci ? » faut croire que non, rendre service, ça, elle connait pas. Papa, maman s'occupaient bien d'elle hein. Pff, une si belle fille tellement vulgaire, du gâchis, moi je vous le dis.

Faut croire que je n'étais pas infaillible. Mon sang froid à toute épreuve venait de s'envoler en une fraction de seconde en découvrant mon porte monnaie entre les mains du jeune homme. Je ne le connaissais ni d'Eve, ni d'Adam. Je n'avais pas envie de voir mes affaires entre ses mains, entre les mains de n'importe qui d'ailleurs. Je voulais juste passer ma journée tranquillement, faire les quelques magasins que j'avais à faire sans que personne ne soit là pour m'accoster. Je ne voulais pas non plus qu'on me vole mes affaires, j'y tenais. Et puis, je voulais rentrer chez moi surtout. Je voulais juste retrouver ma Angleterre, y retourner sans être de mauvais poils avant. Je me déchargeais sur l'homme en face de moi. Bien sûr, aucun merci, simplement de la méchanceté. C'était ainsi que j'étais, que je fonctionnais et je ne pouvais pas faire autrement. C'était mon naturel, ma carapace. « oh, tu penses que j'essaye de te draguer ? » C'est limite si je suis décontenancée une fraction de seconde avant de reprendre le dessus sur mes émotions. Pourquoi il est surpris ? Il n'en est pas capable ? Je ne suis pas assez bien ? Je n'ose pas imaginer que la deuxième réponse soit la bonne. « puré, détends-toi, on t'a jamais appris à dire merci ? » Je ne l'écoute pas, je suis trop occupée à regarder à l’intérieur pour voir s'il ne manque rien. Tout y est. Je ferme les yeux quelques secondes, hésitant à tourner les talons. « Je me suis emportée » J'arrive à le reconnaitre, ça vaut tous les mercis du monde.

Je veux rendre service et faut croire que certaines personnes n'aiment pas ça. Comme si je dérangeais leur tranquillité à vouloir être gentil. Si je m'en foutais, j'aurais pris ce portefeuille et j'aurais même piqué la tune dedans tiens, pourquoi pas faire les boutiques tout à coup avec de l'argent tombé du ciel hein. Mais non, je suis bien trop peureux, faible d'esprit, et naïf pour ça. Directement, la jolie blonde - oui parce qu'elle est vachement jolie, faut pas se mentir - m'arrache des mains son objet oublié et me fait une sale remarque. Je suis pas d'humeur à la draguer et même si je pouvais, je pense que je perdrais totalement mes moyens. Ma passion, c'est le geekage okay ? Rien à voir avec les femmes. Non, les femmes me font peur. Finalement, elle ne dit pas désolée mais dit qu'elle s'est emportée. Sans blagues, c'est le cas de le dire. Mais je l'enfonce pas. « c'est pas grave. un peu vexant que tu me prennes pour ces mecs qui sortent de je n'sais d'où pour te draguer, mais je vais faire comme si de rien n'était. » menteur, au fond, t'aimerais bien qu'elle te connaisse, qu'elle te parle, que tu lui tapes dans l’œil quoi. « je suis Laszlo, on est dans la même université. » je lui tends ma main un peu tremblante. Fuck, pourquoi je me présente au juste ? Elle s'en fout surement. Toi tu es Maeve, mais ça je vais éviter de te montrer que je connais ton prénom. Entre nous, ça fait un peu psychopathe, je te l'accorde.