MICKEY AINSWORTH › Kian Lawley

J'étais juste le petit garçon, le dernier de la fratrie Ainsworth, qui bougeait de ville en ville pour suivre ses parents qui étaient dans l'éducation. Né à Seattle, on a très vite bougé sur la côte Ouest. Il ne faut pas être devin pour comprendre que j'ai pas eu une vie facile. Bon, peut-être que si, parce que je ne montre pas tout. Je suis assez... pudique, dirons-nous. Pudique de mes sentiments. J'avais... pas forcément une histoire calme et sans vague. Enfin au début si. Puis tout s'est compliqué lorsque mon père a décidé d'être muté dans divers lycées de tout le pays. Deux ans à Portland, puis deux ans à Los Angeles. Ensuite c'était deux ans au Texas puis ça a continué comme ça pendant quelques fois, avant qu'on ne finisse par débarquer à Philadelphie. C'était un soir d'hiver, un soir enneigé. Il n'avait pas fallu pas grand chose pour que la route glisse et n'ait plus aucune adhérence sur le bitume. Il n'avait fallu qu'un cerf sur la route, qui a pris de surprise mes parents en cette nuit sombre et froide. Il n'avait fallu qu'un coup de volant pour l'éviter pour finir dans le décor. Cette histoire, c'est la mienne. Mes parents sont morts ce soir là, les deux. Je n'avais que onze ans, ma sœur treize et mon grand frère quatorze. Mes repères, mes parents, ma famille. On avait plus personne, sauf notre grand mère. C'était elle qui était restée à nos côtés à l'hôpital, surtout auprès de moi quand je me battais entre la vie et la mort. C'est elle qui était là quand mes yeux se sont ouverts. C'était eux qui étaient là pour le reste de toutes les grandes étapes de ma petite vie. Ils se sont tous occupés de moi, m'ont élevé. Grâce à son mari qui était militaire à l'époque, il n'y avait pas eu énormément de soucis quand à ma prise en charge à l'hôpital. Les frais étaient pas sur notre tête, pas de dette énorme... Parce que oui, je n'en suis pas sortie indemne de cette histoire. L'accident, il m'a endommagé le cœur. Un cœur faible, qui risque de flancher un jour ou l'autre. Une minime petite blessure qui peut s'agrandir et rompre. Des caillots peuvent naître, un AVC est si vite arrivé.

J'ai appris à vivre avec ce cœur dysfonctionnel. C'est pas facile tous les jours, je peux oublier le sport tant que je n'ai pas de nouveau cœur mais... je peux vivre. Je vis. Même si je n'ai plus de parents, même si j'ai un manque continu de ces figures paternelles perdue, je continue d'avancer. Ma fratrie et ma grand mère sont tout ce qu'il me reste et on va tous les quatre à Londres, là où elle habite. Un quartier pas forcément uppé mais qui me convient parfaitement. Je l'aide comme je peux puisqu'elle m'a sauvé d'un système pour le moins inadapté pour moi. C'est Londres qui m'a donc permis de grandir, de m'épanouir comme je peux. Les premiers amis, les vrais. Les premiers amours, les vrais aussi. Enfin... ça aurait pu être mieux, si j'avais assumé tout ce que je ressentais. Camila était.. wow. Mais tellement inaccessible que je m'étais mis des barrières, je m'étais alors dit qu'elle ne voudrait jamais assumer quoique ce soit avec moi. Elle est ma première, elle est.. ma seconde et tellement d'autres aussi. Mais rien d'officiel, juste sous la couverture. Quoiqu'il en soit, c'était étrange pour moi de rester aussi longtemps dans un lieu et.. j'adorais cette sensation d'appartenance. J'appartenais à Londres, j'appartenais à cette communauté pourtant assez éclectique. J'appartenais à cette ambiance vivante et pourtant calme à la fois. Puis mon cœur a lâché l'été où je devais aller à la fac. J'suis resté à l'hôpital plusieurs mois suite à ça, j'me suis battu jusqu'à avoir un cœur. Résultat : je suis en vie, j'ai une cicatrice, mais je suis en vie.

Gros tournant dans ma vie, plutôt que de rester ici dans le confort que je pouvais avoir, avec ma grand mère, mon frère et ma sœur, j'ai décidé de bouger. Boston. Va savoir, je l'ai choisie. J'ai décidé d'y aller et de grandir de moi-même, d'apprendre à vivre pour moi, réellement. Une fois ma convalescence terminée, une fois que je pouvais faire vraiment tout ce que je voulais, j'ai pris le premier billet d'avion pour retourner sur ma terre natale. Ça fait bientôt trois ans que je suis là et je kiffe toujours autant ma vie, mes études, mes amis. Et ouais, je kiffe ma nouvelle vie.