MICKEY STENTON › Chloë Moretz

la vie, cette pute ; Il ne faut pas être devin pour comprendre que j'ai pas eu une vie facile. Bon, peut-être que si, parce que je ne montre pas tout. Je suis assez... pudique, dirons-nous. Pudique de mes sentiments. Pudique tout court, de tout. Pudique. Oui, c'est tout moi ça. Bref, tout ça pour dire que ouais, c'était compliqué ma vie. J'avais... pas forcément une histoire calme et sans vague. Enfin au début si. Puis tout s'est compliqué lorsque mon père a décidé d'être muté dans divers lycées de tout le pays. Deux ans à Portland, puis deux ans à Los Angeles. Ensuite c'était deux ans au Texas puis ça a continué comme ça pendant quelques fois, avant qu'on ne finisse par débarquer à Philadelphie. C'était un soir d'hiver, un soir enneigé. Il n'avait pas fallu pas grand chose pour que la route glisse et n'ait plus aucune adhérence sur le bitume. Il n'avait fallu qu'un cerf sur la route, qui a pris de surprise mes parents en cette nuit sombre et froide. Il n'avait fallu qu'un coup de volant pour l'éviter pour finir dans le décor. Cette histoire, c'est la mienne. Mes parents sont morts ce soir là, les deux. Je n'avais que onze ans, j'allais avoir un petit frère et... j'ai tout perdu. Mes repères, mes parents, ma famille. Je n'avais plus personne, sauf ma grand mère. C'était elle qui était restée à mes côtés à l'hôpital, quand je me battais entre la vie et la mort. C'est elle qui était là quand mes yeux se sont ouverts. C'était elle qui était là pour le reste de toutes les grandes étapes de ma petite vie. Elle s'est occupée de moi, m'a élevé. Grâce à son mari qui était militaire à l'époque, il n'y avait pas eu énormément de soucis quand à ma prise en charge à l'hôpital. Les frais étaient pas sur notre tête, pas de dette énorme... Parce que oui, je n'en suis pas sortie indemne de cette histoire. L'accident, il m'a endommagé le cœur. Un cœur faible, qui risque de flancher un jour ou l'autre. Une minime petite blessure qui peut s'agrandir et rompre. Des caillots peuvent naître, un AVC est si vite arrivé.

la renaissance, le renouveau ; J'ai appris à vivre avec ce cœur dysfonctionnel. C'est pas facile tous les jours, je peux oublier le sport tant que je n'ai pas de nouveau cœur mais... je peux vivre. Je vis. Même si je n'ai plus personne, même si j'ai un manque continu de cette famille perdue, je continue d'avancer. Ma grand mère devient alors mon tout, mon amour à moi. Je l'aide comme je peux puisqu'elle m'a sauvé d'un système pour le moins inadapté pour moi. C'est Boston qui m'a donc permis de grandir, de m'épanouir comme je peux. Les premiers amis, les vrais. Les premiers amours, les vrais aussi. C'était étrange pour moi de rester aussi longtemps dans un lieu et.. j'adorais cette sensation d'appartenance. J'appartenais à Boston, j'appartenais à cette communauté pourtant assez éclectique. J'appartenais à cette ambiance vivante et pourtant calme à la fois. C'est bien pour cette raison que j'avais décidé de ne pas quitter cette ville quand mon diplôme de lycée était en poche. L'Université de Boston était mon premier et seul choix. Je voulais en être. Je n'avais même pas la prétention de tenter les université de l'Ivy League. Harvard, Yale, Brown... Trop inaccessible pour moi. J'avais des capacité ouais, mais pas au point de rivaliser avec ce qui se passait sur le campus de Cambridge. Donc je restais à mon échelle, et j'en étais bien satisfaite. Travaillant malgré tout d'arrache pied, avec des habitudes ancrées comme le jeudi après-midi au Starbucks, je faisais en sorte de réussir. Sauf que quand tout roule, c'est là que plus rien ne va. Une douleur à la poitrine, un évanouissement en plein cours. C'était direction l'hôpital : mon état était au plus bas, j'étais remontée dans la liste d'attente pour une greffe de cœur. J'étais pas à l'aise pour tout ça, c'était... compliqué. Il fallait que quelqu'un meure pour que je puisse vivre et cette simple pensée m'avait alors fait douter. Mais ma grand mère... Je ne pouvais pas la laisser. Elle n'avait plus que moi et je ne voulais pas l'abandonner. Alors j'avais accepté tout ça, accepté la greffe, la transplantation et finalement, il y a cinq mois, je l'ai eu. J'ai eu mon nouveau cœur. J'ai eu mon cœur, j'ai une nouvelle vie... Puisse-t-elle durer encore longtemps.