Un duo improbable

Depuis la rentrée je m’étais pas mal focalisée sur mes cours, c’était une façon pour moi d’extérioriser. Je me complaignais dans une certaine autarcie, recluse dans une suite d’hôtel trop grande pour moi depuis que j’avais quitté la maison des cabots.

Je sortais moins qu’avant, et jusque-là ça m’allait très bien, je m’étais même un peu rapprochée de mon frère dans l’histoire, ce qui n’avait pas été une mince affaire. Aujourd’hui j’avais rendez-vous avec cette fille qu’on m’avait collée dans les pattes pendant les cours. Il fallait un binôme pour préparer cette étude sur un sujet qu’on devrait exposer pour notre rapport de fin d’année.

J’appréhendais un peu le travail de groupe, même juste un groupe de deux. Si j’avais des facilités pour m’intégrer en général, j’avais toujours un peu peur de m’investir dans ce genre de relation de travail. Ça compterait pour notre moyenne à toutes les deux, un peu comme un mariage arrangé, bien heureusement je pourrais divorcer une fois l’année terminée.

Quand j’avais à la bibliothèque où on s’était donnée rendez-vous pour travailler, je dévisageais les occupants à la recherche de ma partenaire. J’espérais qu’elle soit du genre ponctuel, parce que je n’avais pas envie de poiroter à l’attendre. Je regardais mon téléphone pour vérifier qu’elle n’ait rien envoyer pour annulé, et je m’asseyais à une table en soupirant, posant le téléphone sur le coin de table en croisant mes jambes dessous.

J’avais une jupe noire avec un chemisier cousu sur mesure d’un bleu pale, j’en profitais pour faire un selfie avec mon téléphone et le poster sur instagram en attendant que ma camarade daigne se montrer. Je lui envoyais finalement un message pour spécifier mon arrivée au point de rendez-vous défini ensemble. J’avais 10 minutes d’avance, et je regrettais déjà d’être arrivée trop tôt.

Minna a écrit:Je suis à la bibliothèque

En m’installant à la bibliothèque je me demandais encore une fois comment j’en été arrivé à partager l’issue de ma scolarité avec une parfaite inconnue. Je détestais être tributaire de quelqu’un pour avancer, même si la manipulation faisait partie de mes gênes. Devoir partager le contrôle de ce dossier qu’on devait rendre serait une expérience délicate.

Elle arrivait à ma table presque tout de suite après que j’ai eu envoyé un message pour la prévenir que j’étais là. En plus la demoiselle se voyait être ponctuelle … J’affichais un sourire, un peu faux, en la laissant prendre place en face de moi. La journée promettais d’être longue, enfin, j’espérais qu’on arriverait à trouver un terrain d’entente.

- Si tu m’appelle Blondie, je t’appellerai Yeux Bridés … On aurait l’air de deux belles issus d’une tribu indienne, je peux même te peindre le visage pour que ça fasse plus vrai.

Avec une main je replaçais mes cheveux blonds en arrière, lui montrer qu’ils étaient beaux mes cheveux, et que de toute façon si ça ne lui plait pas, je l’emmerde … Je me pince les lèvres, le regard incisif en la jaugeant pendant qu’elle déballe ses affaires. Elle semblait ordonnée, ça serait déjà un défaut que je n’aurais pas à lui reprocher.

- C’est mieux de faire le début ensemble, j’ai pas envie qu’on s’éparpille de trop.

Poser les grandes lignes avant de se répartir le travail, et puis avant de la laisser partir seule de son côté il fallait que je m’assure qu’elle avait de quoi tenir son sujet. Je posais devant elle une pile de trois bouquin que j’avais sélectionner en arrivant qui nous aideraient certainement à introduire le sujet qu’on devait préparer.

- J’ai trouvé ça pour commencer. Ça te parle ou pas du tout ? Je connais pas ton niveau, mais s’il faut que je m’adapte je peux faire un effort.

Si je pensais encore pendant un instant que la situation pourrait s’arranger, mes espoirs s’amenuisaient un peu plus à chaque fois que la peste desserrait les lèvres. Je pourrais essayer de demander à changer de partenaire, mais pour ça il faudrait que je refile la mienne à quelqu’un d’autre, et ça même en payant je n’étais pas certaine d’arriver à convaincre qui que soit.

Elle était sure d’elle, trop pour que ça me satisfasse, pour qui elle se prenait à m’appeler blondie ? Si je n’étais pas si bien élevée je lui aurais lacéré son beau visage de bridée du bout de mes ongles manucurés. Elle me tendait sous les yeux ce qu’elle avait commencé à faire sans moi et j’approchais les feuilles pour essayer de lire ce qui y était écrit.

- T’es sérieuse là ? Quand est-ce que tu as eu le temps de faire ça ?

Je grommelais en essayant de voir un peu de quoi parlait son entrée en matière. On avait reçu le sujet seulement hier, alors quand est ce qu’elle avait pris le temps de travailler … Je soupirais, le pire c’est que ça n’avait rien de déconnant, et si je devrais être contente de travailler avec quelqu’un de compétent ça me dérangeait qu’elle se prétende meilleure que moi.

- Tu peux pas t’envoyer en l’air comme tout le monde le soir au lieu de travailler ? On aurait pu commencer ça ensemble aujourd’hui.

J’imaginais même pendant un instant le genre de mec qui pourrait faire grimper ma voisine au rideau et je grimaçais en pensant à ce que ça pourrait donner. Autant me concentrer sur le devoir, ça ne serait pas un mal. Après avoir lu ses notes, j’écartais les feuilles en souriant à la jeune asiatique.

- Le pire c’est que c’est pas trop mal, mais t’emballe pas chérie, il y a encore du boulot.

Attrapant un stylo pour surligner certain passage, je mettais de la couleur sur sa page et commençait à annoter dans la marge pour soumettre mes suggestions. Je chipotais peut-être sur quelques points, mais il fallait bien que j’aie des trucs à dire ? Sinon ma camarade finirait par croire qu’elle avait fait du bon boulot sans moi, et ça c’était hors de question de le reconnaitre. Je poussais les deux feuilles annoté vers elle pour lui montrer ce que je pensais de tout ça.

- Moi j’ajouterais ça.

Pourquoi est-ce que l’asiatique paraissait aussi snob et antipathique ? Elle faisait tout pour m’affronter, mais je pense que je lui rendais bien. Elle me parlait de ses ébats sexuels, et j’avais du mal à différencier le vrai de l’intox. Je dévisageais ma voisine qui prenait un malin plaisir à me faire partager son expérience de débauche.

J’affichais une grimace quand elle passait sa langue sur ses lèvres en faisant mine de régurgité. Berk … j’avais pas envie de voir ça. Je sais bien qu’elle cherchait à me provoquer, mais elle avait gagné, et je me concentrais sur la feuille pour penser à autre chose que l’asiatique en pleine action.

- Tu sais qu’on ne peut pas vraiment appeler son jouet vibrant un adonis ?

Je grommelais ma dernière remarque, ok peut être un peu jalouse de ma situation sexuelle actuelle en gribouillant sa feuille de mes remarques. C’était normal qu’on travaille à deux, non ? Je n’avais pas demandé non si elle avait fait une copie de tout ça, je pensais qu’on avait passé le cap de travailler chacune dans son coin.

- Salopé ? Je suis en train de corriger ta formulation.

Ça n’était pas une asiatique qui allait m’apprendre l’anglais ? Bon ok, je n’étais pas mieux placée qu’elle pour m’approprier la langue de Shakespeare, mais j’avais tout de même bercée dedans depuis petite. On échangeait nos points de vue, plus ou moins calmement, et la suite se passait dans une intelligence cordiale.

- Ouai je vois, on peut faire ça, ça aussi, mais peut-être pas ça je suis d’accord.

Je rayais ma propre proposition en notant des idées à elle au milieu. Je ne sais pas si c’était parfait, mais on pouvait travailler ensemble pendant un peu plus d’une heure. Ça semblait plutôt correct, même si je ne ferais pas ça tous les jours. Quand on terminait de se mettre d’accord sur la fin de l’introduction, je me reposais en arrière dans ma chaise, prenant mon dernier brouillon pour en faire une boule.

- Bon je crois que c’est pas mal pour aujourd’hui …

La boule compressée à l’intérieur de mes doigts, je jouais à la faire tourner un instant avant de la lancer en direction de la poubelle derrière nous. La boule entrait dedans et je souriais sans rien dire, satisfaite de ma prestation de lancer. Je rangeais mes affaires en regardant ma camarade un peu intriguée de savoir comment elle occupait ses fins de journées.

- Et maintenant ? Tu as le temps de boire un verre au bar étudiant d’à côté ? Ou l’adonis et déjà en manque d’une sulfureuse bridée débridée ?