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Je suis un giga lapin rose. Rose Cabot. Plus que quelques défis à la con et j'en ai fini avec ce bizutage, je suis au bout du rouleau. Je dois faire la manche, ramener des sous à la Cabot, dites moi que ça file pas dans la poche de la présidence, je le prendrais mal. Je suis sur le parking, à harceler les étudiants depuis tout à l'heure. Je gagne pas grand chose. Suggestion d'Arizona, chanter pour que les pièces finissent plus vite dans le fond de mon panier. Je regarde mes paluches de lapinou en quête d'inspiration et ça me vient, la chanson des lapins. Buffy, la série de mon enfance. "Ils sont plus hostiles que tout le monde le suppose avec leurs p'tites papattes et leur gros nez tout rose. C'est quoi c'besoin de carottes ? Et cette envie d'y voir si clair ? C'est pour quoi faire ? Lapins, lapins, j'crois qu'c'est des lapins ou p'têtre bien des nains" Ma voix rauqe qui déraille, mes grosses oreilles que je secoue sur le haut d'ma tête, ça en fait marrer certains mais je récolte pas grand chose malgré ma grosse pancarte : "ARGENT SVP". J'en ai marre, je crève de froid en plus, malgré ce gros costume en pilou. Je finis par poser mes fesses sur le bord d'un trottoir glacé, ma pancarte entre mes jambes. De toute façon, il est désert le parking. Si je rentre bredouille à la Cabot (enfin avec mes quatre dollars et demi), je suis encore bizut pour un moment, c'est moi qui vous le dit. Je pose la pancarte sur mes genoux, mon panier à mes pieds. J'ôte mon gros masque de lapinou, j'le pose à côté de moi, les oreilles posées sur mes pompes. Une bourrasque qui fait voler mes boucles, qui se glisse sous le costume. Clac, clac, ça me fait claquer des dents. Je dézippe le haut de mon costume pour attraper un briquet et une cigarette dans la poche de mon jean. J'allume, je tire une latte. Histoire de me réchauffer. Je tousse un peu, j'suis encore novice, le premier paquet que j'achète de moi-même, entier, au tabac. D'habitude je grille une clope qu'entre deux verres, quand la soirée bat son plein. Les gens disent que ça fait du bien et j'ai besoin d'un peu de bien en ce moment, ça va pas très fort, quoi que j'en dise. Alors je suis leurs conseils avisés. Je tapote le bout de ma clope, les cendres tombent dans le fond de mon panier vide. J'les regarde se poser, se disperser dans le vent, j'inspire ce mélange de nicotine et d'air froid qui vient me brûler les bronches. Et je relève les yeux. Une grande, belle brune que je vois passer près de la caisse devant moi. "Bah alors ? On a pas une petite pièce pour sa soeur ?" Je lance tout haut vers Asha. Je lève la main pour lui faire signe, ma cigarette toujours coincée entre les phalanges. Elle va détester ça, me voir la clope au bec. Elle me déteste déjà, de toute façon. Asha. On s'parle plus, on se voit plus, on fait notre vie loin l'une de l'autre. Je dis que je m'en fous, mais je m'en fous pas. Impossible. Je sais pas ce qui me prend, de l'appeler comme ça. On passe à côté l'une de l'autre sans se regarder d'ordinaire, ça marche comme ça entre nous désormais. Mais j'sais pas. C'est le froid, le tabac, la fatigue. Mon cerveau beugue de temps à autre, et alors putain, j'ai envie de ma soeur.
@Salomé Ford
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