OLÉA DE SAVOIE ► shelley hennig

Dis Lélé, il vient bientôt le Père Noël ? Un soupir d'aise s'empara de tout mon être à cette question. Impossible de ne pas fondre tel un petit flocon de neige face à l'innocence d'un enfant. Surtout quand cet enfant n'était autre que mon petit frère, Louis. Un souffle d'amour gonfla mon cœur alors que je le serrais davantage contre moi, sans pour autant répondre. Je refusais de briser ses rêves, quand bien même les miens avaient été brisés lorsque j'avais son âge. On a beau naître au sein d'une famille royale, avoir été voulue et aimée plus que tout au monde, rien ne peut jamais prédire la noirceur... ou le fait d'être enlevé une après-midi de printemps. Dire que ce moment, je devrais m'en souvenir mais qu'il n'en n'est rien... je sais simplement, avec le recul, que ma nourrice n'a pas été en mesure d'empêcher que l'on m'enlève, moi, fillette de trois ans. Blonde comme les blés, yeux noisettes, au sourire adorable... dieu seul sait combien mes deux parents m'ont cherchée, usant de tout leur pouvoir politique et de leur carnet d'adresses... mais rien n'y a fait. Je suis restée plusieurs années captive d'un fou furieux qui, s'il ne me faisait pas réellement de mal, m'a offert de vivre dans une sorte de cave, à l'abri de la lumière. Je ne me souvenais même plus de la chaleur du soleil, de cette sensation sur ma peau... je n'ai vécu ni anniversaire, ni Noël ni aucune fête du genre pendant cinq longues années. Mes parents n'ont jamais cessé de me rechercher et abandonner n'ayant jamais été une option, c'est pas un hasard fabuleux que nos routes se sont à nouveau croisées. De ma prison, je me suis enfuie... et lorsqu'une vieille dame m'a accompagnée au commissariat le plus proche, il ne s'en est fallut que de quelques jours pour retrouver ma vraie famille... et ma vie. Du haut de mes huit ans, couverte d'une saleté qui me colle encore à la peau dans mes pires cauchemars, j'ai retrouvé mes parents. La patience a été leur meilleur atout pour me faire redécouvrir le quotidien qui aurait dû être le mien pendant ces cinq ans. Je suis restée une enfant très perturbée, difficilement stable, et le mot paix semblait m'avoir fuit. Pourtant, grâce au sport, j'ai pu m'épanouir différemment. Mais ma captivité, le manque de nourriture et les mauvais traitements avaient hélas laissé leur marque : au bout de quelques mois, ma vue s'amoindrissait si vite que le verdict tombait sans appel... malvoyante je devenais, et ma pratique du sport devait être adaptée, au même titre que l'apprentissage de tout ce que je voudrais entreprendre. Le seul atout que je conservais dans ma manche, c'était ma jeunesse... et une envie de vivre si forte qu'elle surpassait tout le reste, y compris cette nouvelle épreuve. Dans mon malheur, après tout... je n'étais pas seule.

Bientôt mon chat répondis-je enfin, d'une voix amusée, alors que mon petit frère tirait sur ma manche pour attirer mon attention. Ne jamais oublier ceci : un enfant ne possède pas la patience d'un adulte, surtout lorsqu'il vous pose une question... un délicat sourire ourla subitement mes lèvres, alors que mon esprit vagabondait encore, me souvenant sans peine l'impatience ayant été la mienne lorsque, une fois à Boston, postuler pour la plus grande université de tous les temps m'étais apparu comme un challenge à relever à tout prix. Je voulais y faire mon droit, defendre la veuve et l'orphelin, me lancer sans le pénal corps et âme, sans regret aucun, afin qu'aucune autre famille que la mienne n'ait jamais à subir ce que nous avions vécu. Il ne s'agissait pas là de naïveté... mais d'un feu sacré que personne n'aurait pu me prendre. Malvoyante ou pas, je pouvais retourner n'importe qui d'un simple monologue vie placé. Le sens du verbe... à défaut de réellement pouvoir compter sur mes yeux, ma langue serait ma meilleure arme. Et quelque chose me disait que, même ainsi assise à câliner mon petit frère... de grandes choses parviendraient jusqu'à moi.