les choses changent. (raphaël)

En ce moment, j'ai besoin de sortir. J'ai besoin de sortir pour me changer les idées. Beaucoup trop de choses apparaissent dans ma vie sans que je n'ai demandé quoique ce soit. D'abord, y a eu le divorce de mes parents. Après quoi, tout le monde est parti d'Harvard, même Louve. Ma propre soeur a décidé de m'abandonner. Alors oui, je sais qu'on a jamais été vraiment proche elle et moi mais, quand même. Entre temps, elle est revenue et Gabriel a décidé d'en faire de même. J'ai eu beaucoup de mal à passer à autre chose, à pardonner à Louve. Sans doute parce qu'elle est de la famille. Bref, comme si ça ne suffisait pas, Raphaël avait décidé de choisir Harvard comme université alors qu'il en existé des tonnes sur cette planète. Bref, j'avais donc besoin de sortir. J'avais besoin de prendre un verre, peut-être même deux pour noyer toutes ces petites choses et faire comme si ma vie était on ne peut plus normale. Je me suis donc rendue à People's republik, consciente que ce n'était pas forcément un endroit pour moi. Seul Iris arrivait à m'y faire mettre les pieds. Trop de gens relous et la musique n'était pas terrible. Je ne fréquente des endroits un peu plus branchés habituellement. Mais, faut croire que j'avais besoin de changements jusqu'au bout. Voilà donc comment je me suis retrouvée au bar à commander une vodka orange qu'un parfait inconnu a fini par me payer. Alors soit, j'ai mis une robe assez décolletée, peut-être trop moulante et je suis venue seule. Cela ne veut pas dire que je cherche quelqu'un avec qui finir la soirée et encore moins que je n'ai les moyens de me payer à boire!

Aujourd'hui, ça fait six mois tout rond que j'ai quitté la France pour aller vivre à l'autre bout de la planète. Parfois je pense à ma famille qui me manque, et je prie secrètement pour que personne ne soit venu les emmerder à mon propos. Il m'arrive de me demander où j'en serai si j'étais resté vivre là bas. Soit en taule, soit en cavale. En tout cas beaucoup trop angoissé pour pouvoir mener une vie calme. Enfin... ici à Harvard c'est aussi loin d'être calme. Depuis que j'ai recroisé Colombe, impossible de me la sortir de la tête. Ni elle, ni ses mots. Louison m'a mise en garde, mais il me reste toujours cette amertume dans la gorge que je n'arrive pas à évacuer.
Plongé dans mon tourbillon mélancolique, je termine silencieusement d'emballer quelques petits pochons de cannabis avant de les ranger dans mon coffre, quand on toque à ma porte.
- Ouais, c'est qui ?
La porte s'ouvre sur mon collègue de business qui me sourit bien étrangement.
- Pose ton bordel Raph, on va en soirée, viens !
- Hé ! On est supposé faire du business ensemble, pas des soirées.
Ce mec est imprudent et inconscient parfois. S'il ne sait pas correctement vendre sa came et que ça part en couilles, je ne veux pas assister à ça, ni même m'en mêl-
- Arrête tes conneries ! Me dit-il en fermant le coffre et en m'attrapant par les épaules. On va juste boire un coup, pas de commerce ce soir.

Et voilà comment je me suis retrouvé au People's Republik à tomber trois bouteilles de Ballantines avec mes connards de collègues. Ils sont cons, ça me fait marrer, et ça me change les idées. A chaque nouvelle gorgée, je sens l'alcool me brûler l’œsophage et la chaleur me remonter aux joues. Autant vous avouer que ça fait un petit moment que je ne me suis pas retourné la tête comme ce soir. Mon verre n'est même pas terminé que je le vois se reremplir sans même que je n'ai demandé quoi que ce soit. PLus la soirée avance, plus je m'enfonce dans cette putain de banquette en cuir, avec ce sourire niais sur la gueule. Mon regard parcourt hasardeusement la salle et s'arrête subitement sur un visage. Colombe ? Est-ce qu'elle est vraiment accoudée à ce bar, ou est-ce que mon esprit me joue des tours ? Putain je rêve ?
Brusquement je me redresse et attrape la vasque des bouteilles sur la table.
- Je vais nous chercher des glaçons, m'écriai-je.
Non, au fond j'en ai rien à foutre des glaçons. Je m'avance vers le bar où Colombe se fait payer un verre par un type inconnu au bataillon. Sa tête ne me revient déjà pas. Sans gêne, je m'incruste entre eux et dépose la vasque au milieu du bar.
- Colombe, salut ! Je braille en lui servant une immense sourire.
L'autre mec ? Je lui tourne déjà le dos, il n'a plus qu'à prendre ses clics et ses clacs et à se barrer d'ici.

@Colombe Perol

Un soir au People's Republik pour tout oublier. Un soir au People's Republik pour faire passer le temps. C'est sans doute mieux ici que de rester affaler dans mon canapé à me morfondre parce que ma vie est trop compliquée ces derniers jours. Enfin, c'est surement ce que la plupart des jeunes de mon âge font lorsque leur vie commence à tomber en lambeaux. Alors, je décide d'être comme tout le monde ce soir. Pas de gala de charité, pas de soirée mondaine ni même de vernissage. Ce soir, je me mêle à la foule. Je vais au People's Republik.

La musique résonne dans toute la pièce. La plupart des gens sont déjà bien éméchés. Je ne peux m'empêcher d'en dévisager quelques uns. Ils ont l'air ridicule. Ils se déhanchent sur la piste de danse sans trop savoir ce qu'ils font. On ne peut même pas appeler cela de la danse. C'est plus... Je ne pourrais le décrire. Un mouvement bizarre venu d'une autre planète mélangé à des bousculades. Je me demande ce que je fous ici. C'est surement à cause de ce mépris que je décide de rester au comptoir.

Installée au bar, je parle de temps en temps avec le barman qui est fort sympathique. Une vodka de plus payée par je ne sais qui. Je le découvre cependant assez rapidement lorsque j'aperçois mon voisin affiché un large sourire alors que j'apporte mon verre à mes lèvres. Je roule des yeux lorsque je le vois plonger son regard dans mon décolleté. Forcément. Tous les mêmes ces hommes.

Je me reconcentre sur la liste des boissons qu'ils ont à proposer. Le type d'à côté entrouvre les lèvres et n'a le temps d'émettre qu'un son à mon égard puisque un homme s'interpose entre nous. La vasque cogne compte le comptoir et le regard de Raphaël croise le mien.
- Raphaël! Que j'articule en guise de réponse en prenant une nouvelle gorgée de ma boisson alcoolisée. J'en ai besoin. J'en ai grandement besoin. Et ce n'est que le début. Putain, pourquoi est-ce qu'il faut constamment que je tombe sur lui.

Son regard croise le mien, elle me reconnait, et instantanément, elle s'envoie une bonne gorgée de son cocktail. Et je trouve ça amusant. Je sens une once d'inquiétude dans l'expression de ses sourcils, mais je suis assez ivre pour ne pas craindre une nouvelle confrontation comme la dernière fois où nous nous sommes vus. Pendant une seconde, je détaille tous les traits de son visage, de la petite faussette sur sa joue droite, à la mèche de cheveux rebelle qui s'est collé à ses cils maquillés. Même sous la lumière artificielle du bar, elle reste sublime.
- Je peux m'asseoir ? je demande en poussant légèrement le type qui l'accompagnait.
A vrai dire, peu importe sa réponse, je m'impose et prend sa place à côté de Colombe. Le barman récupère la vasque et m'abandonne avec elle. Evidemment, elle regarde au loin. Parce que me regarder en face c'est encore un peu compliqué. Le visage qu'elle a en face d'elle ne correspond plus à l'image qu'elle avait de moi. Légitime.

- Est-ce que... je cherche des mots à mettre à la fin de ma phrase... tu es venue ici seule ? Puisque je ne vois personne avec elle. Enfin, j'espère que ce gars était pas ton rencard. Il était laid comme un poux...
Et je ris niaisement. Si c'est réellement son rencard, je m'engage à l'empêcher de rentrer avec elle. Hors de question qu'un ringard comme lui s'approche de Colombe. Il ne mérite même pas un dixième de ce qu'elle est. Même moi je ne la mérite pas après tout...
Elle laisse un temps de pause avant de me répondre, les basses musicales résonnant jusque dessous nos semelles. Et l'attente de sa réponse m'use. Je le fiche du contenu, je veux juste qu'elle me parle. L'avoir en face de moi me fait réaliser à quel point notre vieille complicité a pris un coup dans la gueule. Avant on se disait tout. Aujourd'hui c'est trop dur de se regarder en face.

@Colombe Perol

Je le vois et je tente de lui accorder le moins d'attention possible. Je ne m'attarde pas sur lui, sur son sourire, sur sa vêtue ou encore sa posture. Je me retrouve donc à me demander si je préfère passer la soirée en compagnie de ce parfait inconnu ou avec mon ex petit-ami, celui qui m'a brisé le coeur. Dans tous les cas, je crois que je vais péter les plombs à un moment donné. Contre le type parce qu'il n'aura pas compris qu'il ne se passera rien entre nous ni ce soir, ni demain. Contre Raph parce qu'il souhaitera que je lui pardonne alors qu'il a grave déconné. Je prends donc une gorgée d'alcool pour me donner la force de continuer. Pour ne pas être méchante aussi. Je n'ai pas envie de lui crier dessus devant tout le monde. Bien que la plupart des gens présents n'y prêterait sans doute pas attention étant donné leur état. D'ailleurs, je comprends assez rapidement que Raphaël fait partie de ses gens qui picolent depuis plusieurs minutes maintenant. Autant dire que si je pète ma crise, il risque de ne rien comprendre, de rire ou de devenir super méchant. Et je n'ai pas la tête à tout cela ce soir.
Il me demande alors s'il peut s'installer avec moi. En réalité, il n'attend pas ma réponse pour prendre place et s'immiscer entre moi et mon bel inconnu. Je n'arrive pas à le regarder. Je fixe le mur devant moi tout en remuant le contenu de mon verre avec la paille que j'ai chopé sur le comptoir quelques minutes plus tôt. Les glaçons heurtent les parois du verre et je contemple la carte des boissons qu'ils ont à servir. C'est une boîte de nuit alors forcément, il n'y a que de la merde.
Il reprend la parole et comme d'habitude, je n'arrive pas à le regarder. Je reste froide comme de la glace jusqu'à ce qu'il précise que le type d'à côté est moche. J'esquive malgré moi un sourire tout en haussant les épaules. Je le trouve pas si laid. Il a de beaux yeux. C'est vrai. Il fait légèrement intello mais, ses petites lunettes rondes lui donne un style à la HP et sa chevelure brune bah... c'est classique en soit. Un peu décoiffé. Non, je le trouve plutôt mignon en fait. Ça répond plutôt bien à sa question. Je suis venue seule. Carrément seule. Je reprends une nouvelle gorgée sans même prendre le temps de lui demander ce qu'il souhaite boire. Après tout, il vient de donner sa vasque au barman qui s'active derrière le bar. je me dis que d'ici quelques minutes, il sera avec ses potes et que ça ne sert donc à rien d'être méchante. Mais oui, je suis venue seule. Ce gars, je l'ai rencontré par hasard, ce n'était pas prévu. Un peu comme avec Raph en fait.

Je le vois bien que je la gonfle. Elle est raide sur son tabouret, le regard le plus loin possible de moi. Ca me pique un peu, mais tant pis. Ca pique depuis trop longtemps maintenant, encore plus depuis qu'elle a failli m'écraser sur ce foutu parking.
- Ouais peut-être. Mais pas des yeux comme toi. dis-je.
Oui j'ai tenté. Au point où j'en suis, je n'ai plus rien à perdre. C'est beauf et romantique à la fois. Jadis, je la faisais rire. Aujourd'hui, je prie pour une esquisse de sourire. Et encore, c'est trop beau. Puis elle me dit qu'elle est venue seule. Est-ce que c'est logique que ça me pique ça aussi ? Je devrais être ravi de ne pas la voir accompagnée, pourtant ça me pique. Je ne relève même pas.
Le serveur se pointe jusqu'à nous et me rend la vasque remplie de glaçons. Je le remercie d'un signe de main et me retourne vers elle.
- Je te sers une coupe de champagne, si tu veux.
Je rêve de me bourrer la gueule à nouveau avec elle. Je volerai la vasque et les bouteilles pour une soirée d'ivresse avec Colombe. Si elle daigne me lancer un regard, ça sera déjà une forme de progrès vers une once de complicité.
- Tu peux même prendre la bouteille si tu veux en fait. Elle est pas à moi, mais je dirai qu'elle est tombée.
Et j'en reprendrai une autre en douce s'il le faut. Je m'en tape.

@Colombe Perol

C’est pas qu’il me saoule Raphaël c’est juste que je lui en veux encore et que je ne sais pas comment lui faire comprendre les choses. Il semblerait qu’il est vu, assez pour oublier notre dispute ou alors, assez pour m’ignorer complètement. Plutôt assez pour réussir à m’aborder et me faire des compliments. Ça me fait sourire malgré tout parce que je tente de trouver des qualités au bel inconnu et Raph, il arrive à renverser la situation à son avantage. Je te remercie.... Je suis flattée hein mais, je ne vois rien d’exceptionnel dans mes yeux. Faut croire que mon ex petit-Ali a trop bu, tellement qu’il vient sortir des conneries à tout bout de champ.
Je lui explique que je suis venue seule. Totalement seule. Raph en profite pour me proposer une coupe de champagne quand le barman vient rapporter sa flasque. Je lui adresse un léger sourire alors qu’il se tire pour reprendre son service. Raphaël en rajoute une couche en me proposant la bouteille. Je roule des yeux. Ouais évidemment, c’est pas à lui. Moi, j’ai les moyens d’en payer plusieurs. C’est sûrement pour cette raison que je finis par lui demander : Va rendre cette bouteille à tes potes Raph. Sûrement qu’il va penser que je cherchais à l’éloigner. Surtout que le bel inconnu me fixe du regard. Je m’empresse de rappeler le barman par la suite. Mets-nous une bouteille de whisky et un coca s’te plaît. Ca c’est plus interessant. Déjà ça monte plus vite au crâne et c’est ce dont j’ai besoin pour supporter Raphaël. Ensuite, le champagne a tendance à me monter encore plus rapidement au crâne et me fait penser aux nombreux galas et autres soirées mondaines auxquelles j’ai longtemps dû participer -et auxquelles je participe encore aujourd’hui soit dit en passant.

Elle est pas coriace Colombe, elle est pire. C'est le genre de gonzesse à avoir comme amie plutôt qu'en ennemi. Moi je suis passé dans une case hors-jeu et je ne souhaite à aucun homme de tomber dans ce trou. Elle vous dira que c'est moi qui suis responsable de mes actes. J'ai dépassé les limites, c'est vrai. M'enfin, la culpabilité fonctionne bizarrement chez moi, j'entretiens une relation toxique avec elle. Un concept louche que je garde pour moi car c'est trop tordu.
J'ai pas beaucoup d'espoir ce soir. Je tente ma chance en faisant un pas vers elle parce que l'ivresse me rassure et m'y encourage. J'en suis à une bonne vingtaine de râteaux de sa part depuis notre rupture. Un de plus ne changera rien. De toute évidence je me retrouve toujours à revenir vers elle. Inconditionnellement. Que je le veuille ou non, il y a toujours un moment où j'y pense trop et où je dois retenter quelque chose. C'est là que la culpabilité rentre en jeu (je vous l'ai dit, c'est tordu).
Alors c'est sans surprise qu'elle me répond de rendre le champagne à mes collègues. Moins elle me voit, mieux elle se porte j'imagine. Je ne dis rien et prend la vasque sous mon bras, prêt à repartir penaud. Colombe se dresse sur son tabouret et se penche vers le bar pour nous commander une bouteille de whisky. Oui oui, elle a dit nous. Immanquablement, un sourire m'étire les lèvres. Je suis surpris mais véritablement heureux.
- Je reviens.
Evidemment, je vais rendre cette vasque à ceux qui la méritent et faire demi-tour pour rejoindre le bar. Je ne suis pas fou pour m'absenter alors qu'elle vient de m'accorder un peu de son temps. Je laisserai pas l'autre naze prendre ma place non plus.
- Yes, merci de m'avoir servi. dis-je en saisissant le verre qu'elle me tend, lorsque je m'assieds. Toujours aussi généreuse !
En effet, c'est inhabituel pour un homme de se faire offrir un verre par une femme. Mais Colombe elle colle pas à ces idées reçues. Elle s'en tape, et j'adore ça.

@Colombe Perol

J'arrive pas à croire que je lui laisse une chance. Je crois que c'est ma soirée de bonté. A moins que je n'ai vraiment pas envie de me lancer dans quelque chose avec ce parfait inconnu qui n'arrête pas de me fixer. Il attend surement que je vire Raphaël pour intervenir de nouveau et surement, se présenter. Je n'ai pas envie d'écouter ses histoires. Au moins que je préfère passer du temps avec mon ex qui a sans doute trop bu et qui a oublié qu'à chaque fois, je trouve quelque chose à redire face à ses interventions. Je lui en veux beaucoup et je sais qu'il en a conscience alors, soit il est carrément sadique et aime que je le remballe, soit il garde encore espoir et d'un côté, c'est quand même mignon. Bref, je finis par lui demander d'aller reposer cette vasque, consciente que ce n'est pas lui qui l'a payé parce que d'abord, il n'en a pas les moyens et ensuite... Pour la même raison. Il tourne les talons et un sourit illumine son visage quand je passe commande pour nous deux. Je lève les yeux au ciel, je sais pertinemment que je suis en train de faire une connerie mais, tant pis.
Il revient quelques minutes plus tard alors que je nous ai déjà servi deux verres. J'en pousse un vers lui et apporte le mien à mes lèvres alors qu'il arrive encore à me trouver une qualité dans un moment comme celui-ci. Avoir de l'argent, c'est l'une de mes plus grandes qualités, tu devrais le savoir. Je souris malgré tout mais en réalité, ça veut dire beaucoup de choses. Ca veut d'abord dire que non, je ne suis pas généreuse c'est juste que j'ai les moyens et que j'ai pas envie de boire de l'eau toute la soirée. Ensuite, ça veut dire qu'il est au courant que j'ai de l'argent parce que je pars encore du principe que c'est l'une des raisons pour laquelle lui et ses potes ont déjà que ça serait moi la petite victime dans l'histoire. Une meuf complètement fauchée en guise de défi, c'est beaucoup plus simple qu'une fille comme moi. Bref, je l'ai encore en travers de la gorge.

C'est idiot, je n'arrive pas à retirer ce sourire niais sur mes lèvres. Accepter de boire un verre avec elle, j'en ai eu envie plus d'une fois. Pourtant plus les années passaient, plus je me résignais à oublier cette idée. La revoir, déjà ça c'était improbable, mais qu'elle accepte de faire péter la bouteille de whisky avec moi ce soir, ça relève du miracle. J'aimerai savoir ce qui l'a faite changer d'avis. Le mois dernier elle essayait de m'écraser sur le parking de la faculté, et aujourd'hui on trinque. Il y a peut-être anguille sous roche ? Ou simplement de la pitié. Je préférais me taire concernant ces hypothèses. Mieux vaut profiter de la soirée dans l'ignorance, plutôt que d'essayer de répondre à des questions pièges.
Je la dévisage pendant qu'elle sirote une gorgée de whisky pur. Qu'est-ce que je disais hein ? Elle est pire que coriace Colombe. Toutes les femmes ne se délecteraient pas d'un vieux Ballantines sec et pur. Puis, lorsque je fais un compliment, elle rebondit sur l'argent. Parce que c'est son monde j'imagine, et parce qu'elle veut contourner mes avances. Ca c'est certain. Elle sait qu'on est pas du même bord elle et moi. Comment l'oublier ?! J'ai quand même tout fait foirer à cause de ça.
- Tu as tord. L'argent c'est pas une qualité, c'est... j'hésite sur les mots. Je n'ai plus le droit à l'erreur aujourd'hui. Un privilège, j'imagine..
Je fronce les sourcils en avalant une bonne gorgée de whisky. Ca m'agresse la trachée puis ça me claque les neurones. Agressif et doux à la fois. Elle sait ce que j'aime Colombe, elle n'a finalement pas oublié.
- Mais ne t'en fais pas, tu es une femme pleine de qualités dans tous les cas. Nouvelle gorgée. Ce n'est pas la peine de lui faire la cour. Ca ne mène à rien de faire ça. Mais raconte-moi plutôt ce que j'ai raté depuis le temps.

@Colombe Perol