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Vincenzo est concentré sur sa trajectoire et tout ce qu’il ressent alors qu’il tient ce volant dans ses mains. Il ne cille pas, il respire profondément et essaie d’améliorer son temps. L’adrénaline ressentie l’aide à rester calme, à se défouler et à oublier que dans même pas une heure, sa demi-sœur sera sur l’asphalte, comme il lui avait demandé un peu plus tôt dans la journée. Il ne lui avait pas donné la raison, juste demandé d’être présente. L’idée de la voir ne l’enchante pas, peut-être est-ce la raison pour laquelle il veut se défouler avant. Peut-être que ça l’aidera à se calmer, et à oublier le fait qu’elle est la conclusion d’un échec dans sa famille. Pas de famille parfaite, une famille lambda avec une sœur qui n’a rien à faire là. Qui n’aurait même pas dû exister. Vincenzo se rappelle le jour où son père lui a annoncé qu’il avait une petite sœur. Dans un premier temps, il s’était demandé s’il avait bien compris, suffisamment âgé pour savoir que pour avoir une petite sœur, sa mère aurait dû devenir grosse comme une baleine. Une jolie baleine, mais une baleine quand même. Et pourtant, il l’a toujours connue svelte et très élégante, loin de l’image qu’on peut se faire d’une baleine. Avec plus d’explication, il avait fini par comprendre que cette sœur n’était pas de ses parents, mais juste de son père avec une autre femme. Son père avait réussi à tromper sa mère et à réduire leur famille à peu de choses aux yeux du garçon de l’époque. Connaitre sa demi-sœur ? Il ne le voulait pas, la seule chose qu’il avait espéré, c’était de la savoir morte, ainsi que sa mère pour leur faire payer d’avoir ruiné sa famille. Cette réflexion lui avait valu une gifle monumentale de la part de son père et quelques années plus tard, au décès de la maman de Soraya, ni l’un ni l’autre n’avait oublié ce souhait d’autrefois. ‘T’as l’air con hein, maintenant’ c’est ce que son père lui avait balancé en apprenant la nouvelle. Si Vincenzo s’est plusieurs fois dit qu’il n’y était pour rien, il n’a jamais vraiment pu se libérer de cette culpabilité. Souhaiter la mort de quelqu’un, c’est horrible. Même en étant enfant. Mais lorsque cette personne meurt réellement, c’est difficile. Tout ça, Soraya l’ignore et lorsque sa mère voit en lui la culpabilité qui le dévore petit à petit, elle ne peut s’empêcher de le pousser à le parler. ‘Ca t’enlèvera un poids, Vincenzo. Tu te sentiras plus léger’, lui avait-elle dit. Aujourd’hui, il se doute qu’elle ne lui pardonnera pas, mais au fond, est-ce qu’il en a quelque chose à faire de son pardon ? Non. La seule chose qui l’importe, c’est ce que lui ressent. Vincenzo termine son tour, et puis finalement reconnait la silhouette de Soraya. Il en profite pour diminuer en vitesse, pour finalement arrêter son bolide et laisser l’employeur se charger de le ranger, et de le nettoyer. En combinaison de pilote, il hôte son casque et s’approche d’elle d’un pas décidé, comme à son habitude. Il jette son regard sur sa montre ‘- T’as cinq minutes de retard. Je t’ai dit, j’ai pas la vie pour t’attendre, moi. J’ai autre chose à foutre de mon temps.’
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