LEONORA G. CUNNINGHAM ► dua lipa

( She was like a flower made of iron )

C’est le fruit d’une relation cachée, Leo. C’est la bâtarde qui est pourtant bientôt au sommet. C’est la gamine qui a toujours porté des vêtements coûtant plus cher que votre loyer, c’est la gamine qui a appris avec les meilleurs. Elle arbore fièrement le nom de Cunningham. Pourtant nom fake, modifié par sa maternelle qui avait fui son pays d’origine, la Grèce pour des raisons toujours inconnues chez sa fille. Mais même si c’était un faux, une modification au moins Leo elle avait un nom. Un nom dont tout le monde se souvenait, un nom qui faisait jalouser, trembler, qui attirait. Elle a pris goût à ça, la gamine. Dès qu’elle fut en âge de parler, de s’exprimer, elle ordonna, commanda. Et lorsqu’elle fut en âge de penser, elle posa enfin la question.

« Il est où mon papa ? » Sa mère avait toujours été honnête avec sa fille. Cette relation était cachée, secrète. Il ne fallait rien dire. Il avait déjà une femme, un enfant. Leonora devait l’oublier et se préoccuper de l’entreprise et de leur duo. Sa maternelle était sa seule famille, elle n’avait personne d’autres. Sa famille en Grèce était « morte » pour le duo de Cunningham qu’elles étaient et tout ce qu’elle avait de son père était une photo de lui et de sa mère. Ils n’avaient pas l’air réellement amoureux, ils avaient surtout l’air complices. Mais aucun regard qui pétille d’amour.

Son enfance avait dû se passer sans aucune figure paternelle. Sa mère était peu présente, dirigeant son entreprise d’une main de fer. Cette femme était une source d’inspiration pour la fille, son modèle. Madame Cunningham avait construit son affaire, bâti son empire. PDG de Cunningham Corporation, première entreprise dans le domaine de l’audiovisuel, écrasant ses concurrents. Cette place, la femme voulait la garder. Elle bossait dur pour cela et délaissait sa fille.

Leo a vécu principalement à New-York, vie ayant été entrecoupée par des voyages un peu partout dans le monde. Elle ne vivait pas dans la demi-mesure, elle croulait sous l’argent. Tenues excentriques, la gamine avait un style bien à elle. Elle qui fréquentait sans arrêt des personnes riches, des princes et princesses, des députés, des producteurs, des acteurs, qu’elle ne fut pas la surprise quand on la croisait à Brooklyn parmi les dealers, les camés. Ouais très vite, Leo avait fini dans ce milieu. C’était probablement une malédiction chez les gosses de riches en perte de contrôle. Ils finissaient tous camés. Et Leo n’était pas une exception. Personne ne s’occupait réellement d’elle après tout. Une panoplie de nounous, de professeurs. Mais pas de mère. Pas de père.

( Baby did you forget to take your meds ? )

La drogue, c’était le fléau de Leo. Dès l’adolescence, elle était accro à toute sorte de merdes. Elle se raccrochait à rien d’autres. Bosser ? Elle n’en avait même pas besoin, elle photographiait les mots clés, les définitions, les formules et les comprenait instantanément. Des amis ? Elle ne savait plus où ils étaient, elle connaissait tellement de mondes alors comment savoir sur qui on pouvait compter ? L’amour ? Vaste blague…qu’elle sorte avec un dealer ou quelqu’un de bonne famille ça ne changeait rien. Cela se terminait toujours et Leo n’avait rien gagné. Sa mère ? Toujours absente, le répondeur répondant constamment à sa fille. Alors elle veut déconner la ptite Cunningham. Après tout elle fréquente les bonnes personnes pour ça. La drogue, l’alcool, le sexe. Ça rythme ses journées, ses soirées. Elle plane et elle aime ça. Leo, elle est entre deux mondes, deux univers. C’est dur, elle tient une panoplie de masques. Elle sait qu’elle se doit d’être forte, qu’on l’attend au tournant, qu’on veut la briser. On tente parfois de la rabaisser, de l’humilier, de la tromper. Mais Leo elle se relève et fait des dégâts sur son passage. Elle donne tout et ne tolère pas une seule blessure. Elle se relève de ses amis qui la trahissent, des amours qui couchent ailleurs, de ses dealers qui tentent de profiter d’elle, du manque d’affection quand elle, elle ne demande qu’à aimer.

Mais sa mère revient à New-York et découvre la véritable vie de sa fille. Elle la ramasse dans les rues de Brooklyn et lui donne un but. Prouver à tous ces connards qu’ils ont eu tort de la laisser. Alors Leo, elle continue de détruire des vies pour ressentir un bonheur malsain, l’espace d’un instant. Elle donne son avis sur ce qui se passe dans la société de sa mère. Au fil des années, les idées s’étoffent et paraissent brillantes. Elle est élevée en femme d’affaire. Qu’elle est droguée, ça c’est le petit secret de famille et des proches autour. Sa mère pensait qu’en l’éloignant de New York cela allait s’arranger. Alors elle fit encore plus de voyages avec sa mère, fut encore plus trimballer partout. Cela n’a jamais aidé, Leo elle déconnait. Leur relation s’est dégradée, était électrique. Elles en ont souffert toutes les deux. « Pauvre fille, sale droguée » « On remercie qui pour ça ? Oh pardon c’est vrai ! T’es jamais là ! ». Les deux se détruisaient, s’épuisaient. Pourtant Leo fut tout de même formée par sa mère pour reprendre le flambeau. Elle la formait même trop vite, bien trop vite.

( I'd rather watch my kingdom fall. I want it all or not at all )

Elle se réveille souvent dans le lit d’un inconnu. Leo attrape ses affaires et part en direction de son cours. Elle est arrivée à Harvard pour sa deuxième année, ayant passé une année de plus avec sa mère et prenant des cours à distance. Rien n’a changé, Leo ne s’en sort pas. Elle brille à l’université, son fort caractère attire ou révulse. Fidèle à elle-même. Elle décroche toujours pas de la drogue, elle prend toujours sa dose pour assumer la journée, les évènements. Personne ne le voit, personne ne voit sa détresse. Elle-même ne sait pas pourquoi elle ne se relève pas. Depuis le temps qu’elle se sentait seule, ne devrait-elle pas avoir l’habitude ? Ne devrait-elle pas pouvoir se relever de tout ? Des trahisons, des déceptions amoureuses ? Il semblerait que non. Alors elle préfère encore une fois blesser les autres pour se sentir bien. Gamine cabossée et paumée qu’elle était, elle qui pensait pourtant n’avoir souffert de rien d’horrible. Mais voilà, elle qui était si forte était pourtant tannée des trahisons, des gens. Alors elle s'enfonçait désormais plus qu'elle ne se relevait.

Alors que Leo se dirige vers son cours, son téléphone vibre dans sa poche. Un appel de l’assistant de sa mère. Des mois qu’elles ne se parlaient plus, ne s’adressaient plus la parole depuis que Leo avait été nommée « l’erreur » et qu’en retour, elle avait insulté sa mère de « femme qui écartait les cuisses au premier mec casé ». Elle devait se rendre à New-York, immédiatement. Sans discuter, sentant la gravité de cette situation inconnue, Leo elle se précipite à l’aéroport et pénètre dans le jet privé de sa famille. Qui n’était qu’elle et sa mère.

Elle arrive à l’hôpital, paniquée. La sentence tombe. Sa mère est mourante, malade. Elle n’en a plus pour longtemps. Quelques mois, un an ? Les employés de la PDG sortent des documents pour les présenter à la future reine d’un empire. Empire dont Leo ne veut pas. Parce qu’elle ne le mérite pas. Et elle réalise, la vulgaire étudiante pourquoi elle a désormais eu toutes ces connaissances trop tôt, pourquoi elle était entrée plus tard à Harvard. En réalité le temps pressait. Sa mère savait, elle savait qu’elle était malade. Pourtant aujourd’hui elles continuent de se cracher à la figure. Trop de ressentiments, de blessures mais aussi d’amour.

Leo, elle arrive au cimetière comme pour se préparer d’avance. C’est ici que sa mère va finir. Dans une vulgaire sépulture. Elle fume une clope, espérant presque qu’elle la fasse crever en une taffe. On disait toujours que survivre à son enfant était la pire chose pour un parent. Mais Leo, c’était une égoïste pure et dur. Elle préférait crever avant sa mère que de subir son absence. Clairement elle envisageait déjà l’overdose.

Et les silhouettes se dessinent là, devant elle. Trois personnes. Deux femmes et un homme. Elle reconnait une des deux filles présentes devant elle. L’autre fille de son père. Sa demi-sœur. Les dossiers lui reviennent comme une tornade dans son esprit. Les informations qu’elle avait demandé lorsqu’elle était adolescente, en manque d’affection. Sa mère lui avait donné le nom de son père, lui avait avoué qu’il avait déjà une famille et qu’elles, elles étaient en trop. Alors Leo, elle avait cherché et elle avait trouvé un avis de décès datant d’il y a des années. Le décès de son géniteur. A l’époque ça l’avait touché…mais aujourd’hui elle est de marbre en pensant à cet inconnu. Elle avait vu son nom. Iris Bushnell. Elle avait cherché, elle avait suivi le parcours de l’adolescente. Celle qui portait le vrai nom et non le faux. Celle qui avait une belle famille, pas la dysfonctionnelle. Leo savait qu’Iris était à Harvard mais il y a encore quelques heures elle se disait « A quoi cela servirait ? ».

Mais la gamine bientôt sans famille, elle veut pas de ce futur qui l’attend. Seule, PDG. Elle veut de l’amour, une épaule. Elle veut une famille. Alors elle tire une nouvelle taffe avant d’écraser sa clope et part en direction de l’aéroport pour rentrer à Boston, réfléchissant sur la manière de l’approcher. D’avoir une sœur.