Alerte intrusion (Lunes)

Rentré d’un week end à l’étranger, me voilà passant l’entrée de la quincy house, un peu jet lagué, clairement KO, avec l’envie de retrouver ma chambre et mon lit… Je traversais la salle commune, avec un petit signe de main et quelques sourires pour les étudiants qui l’occupaient encore malgré l’heure qui commençait à être avancée. Je gravis les marches, direction les dortoirs. Je sortis ma clé, tournai cette dernière dans la serrure, appuyai ensuite sur la poignée, poussai la porte et… « Ha merde, je me suis trompé… » soufflai-je en découvrant une fille de l’autre côté, dans la pièce. Sauf que… Mon regard voyagea de la fille, à la porte. C’était bien le numéro de ma chambre. Mes yeux vrillèrent alors sur la clé que j’avais toujours en main. Oui c’était bien avec MA clé que je venais d’ouvrir donc pas de doute, je m’étais pas trompé… « Bah non, c’est bien ma piole… » D’ailleurs un coup d’œil à l’endroit, pour vérifier que mes toiles, ma peinture et mon encombrant matos d’artiste était toujours là me permit de m’assurer qu’il n’y avait pas erreur. Et du coup, c’est vers l’intruse que je me tournais, sourcils froncés et air peu commode : « Qu’est-ce que tu fabriques dans MA chambre ? » Comment ça on est les rois du partage à la Quincy ?

plus les minutes passent et plus tu te demandes pourquoi. pourquoi t'as fait une demande de chambre, pire dans une chambre mixte. tu t'es simplement dit qu'on allait te la faire partager avec une fille mais non ta demande a été prise au pied de la lettre. avec un garçon, toi & un homme. c'était une blague. comment t'allais faire ? comment pouvoir dans la même pièce qu'un homme sans avoir peur ? comment réussir à lui faire confiance ? t'es posée sur le lit depuis deux jours. deux jours où il n'est plus là mais les minutes se font longues. t'as voulu être là à son arrivée pour qu'il ne soit pas choquée. t'as un peu rangé, posé quelques affaires à toi sur la commode et à l'intérieur mais t'as pas touché à son bordel. enfin...t'as regardé ses toiles juste. le bruit de la clef dans la serrure te retire de tes rêves. c'était le moment. t'as pas le temp d'en placer une qu'il commence à refermer la porte. aïe. finalement, il ne la ferme pas complètement. son regard se pose à tour de rôle sur toi & la porte alors tu souris. t'es gênée maintenant. puis un peu de mauvaise humeur quand le ton du garçon change, que son regard se fait plus noir. aïe, encore. "notre chambre" le corrigeas-tu avant de reprendre "je pensais avoir une fille comme colocataire, je t'ai toi mais t'inquiète tu me verras pas tous les jours ici." et encore moins souvent même tant que tu ne sauras pas qui il est. "comme on va partager notre espace vital, je m'appelle Lunes ce sera mieux que de m'appeler l'autre" finis-tu par conclure en te levant enfin. ça commençait mal. ta peur était rationnelle.

Cauchemar. Déjà que le week end avait été plutôt terrible, mais découvrir ma chambre envahie, ça n’arrangeait rien. Je perdis en quelques secondes mon air stupéfait pour afficher un air franchement grognon, m’adressant à l’intruse sans pincettes. C’est que je ne me rappelais même plus qu’à l’inscription, j’avais opté pour les dortoirs mixtes. Je leur avais dit ‘mettez moi le truc le moins cher j’ai pas d’argent’, je ne m’étais même pas trop renseigné sur la possibilité  de devoir partager l’endroit. MA chambre. Et aussitôt, l’adjectif possessif employé fut corrigé par mon interlocutrice, confirmant mes craintes. Notre chambre. « C’est pas vrai, manquait plus que ça… » ronchonnai-je, pas d’humeur ce soir. « C’est pas de te voir qui me dérange… Au contraire… » repris-je après sa première phrase, quand elle me fit savoir qu’elle ne serait pas souvent là. Mon regard la toisa d’ailleurs, s’attardant un peu sur ses courbes. Joli petit brin de fille. Et elle aurait voulu une coloc au féminin ? « Tu peux même ramener tes copines, ça, ça me dérange pas. » Mon sourire se fit un peu salace sur le coup, mais je n’oubliais pas l’invasion quand même alors je clarifiais : « Je veux juste pas qu’on touche à mes affaires. Ca c’est mon bureau. » Je désignais un des bureaux envahis de paperasses, notes de cours et compagnie. « Et ça c’est mon bureau aussi. » Je désignais le deuxième bureau de la chambre, chargé de pots de peinture et pinceaux. « Là bas ce sont mes placards. » Chargés de fringues de mauvaise qualité, mais chargés quand même, bonne chance pour t’y faire de la place. Et je désignais finalement mon lit : « Et ça c’est le seul truc que j’accepterais de partager avec toi. » Touche pas mes peintures, touche pas mes cours, touche pas mes fringues bas de gamme, mais viens dans mon lit quand tu veux. « Moi c’est Daniel. » Bienvenue Lunes, t’es tombée sur le quincy le plus pervers de la confrérie, bonne pioche petite.