STORY OF MY LIFE
please tell us more
• Je tenais la main à ma maman. Si fort. J’étais effrayée par cette porte qui me menait dans un endroit que je ne connaissais pas. Je regardais papa et mes deux frères. Tout le monde étaient excités face à cette nouvelle aventure, sauf moi. On monta les quelques marches, je faisais gaffe de ne pas trébucher sur le béton. Puis, maman introduit la clé dans la serrure et ouvrit le bout de bois sur un espace petit et vide. C’était notre nouvelle maison, à Boston. Tellement différente de notre maison à Madrid. Je ne me sentais pas à ma place, j’étais angoissée. Je voulais retourner là-bas. Je ne voulais pas être là. • Les paumes de mes mains me faisaient mal. Des petites roches s’intégraient dans mes blessures vives et je me retenais pour ne pas pleurer. C’était ma faute de toute manière, si j’étais tombée. Une main se tendait vers moi : c’était un des garçons avec qui je jouais au ballon. Il m’aida à me relever et déposa un bisou sur le dessus de ma main. C’était comme si rien ne s’était passée. Je me suis remise à courir pour empêcher l'un des adversaires de compter un but. Mes frères seraient fiers de moi. C’est eux qui m’ont appris de toujours de me relever lorsqu’on se retrouve au sol. • Mes petites jambes peinaient à rattraper mon grand-frère dans le champ, pendant que le second me poursuivait. C’était à la fois drôle et terrifiant. Je n’avais pas envie qu’il m’attrape. Sinon, il allait me chatouiller et ça, je refusais de le vivre ! Mais ce moment de plaisir devient effrayant pour mes frères alors que je m’arrêtais progressivement de marcher. Mon cœur palpitait et j’avais du mal à reprendre mon souffle. Je toussais. Ce n’était pas comme d’habitude. Les larmes me montèrent rapidement aux yeux alors que je sentais une pesanteur immense sur ma poitrine. Je n’arrivais pas…Je n’arrivais pas à respirer… Maman… • Je recevais toujours mon devoir en premier. Ou mon résultat d’examen. Mes professeurs fonctionnaient de cette manière : ils mettaient toujours les meilleures notes sur le dessus de la pile. Au début, c’était sympa. Il y avait même des collants colorés sur mes copies. Mais après, les regards des autres étudiants devenaient lourds. « Encore une autre Montealegre ». Mon nom de famille devient une insulte, parce que dans ma famille, nous avons tendance à réussir. J’ai dû demander à mes professeurs de mélanger mes feuilles avec celles des autres et je commençais à mentir sur mes résultats scolaires. • Le papier emballage se retrouva d’une vitesse affolante au sol. La boite était tellement grosse et lourde que je n’arrivais même pas à la soulever sur le canapé. Je restais au sol, pendant que papa filmait le tout. Malgré qu’il soit mécanicien, quelque chose au fond de lui l’a toujours voulu cinéaste. Casquettes et chandails couvraient la boîte de la playstation 1. En dessous de la boite de jeu se trouvait des jeux pour la console et une figurine de Harley Quinn que je voulais depuis déjà quelques mois. Je criais et je pleurais. J’étais extatique. Et puis, interdit à mes frères d’entrer dans ma chambre pour prendre mes joujous ! C’était aussi une bonne tactique de mes parents afin que j’arrête progressivement de faire du sport. J’oubliais trop souvent ma pompe. • Je me souviens encore de ses lèvres, comme une brûlure constante sur les miennes. Je l’aimais bien, ce garçon. Mes frères over-protecteurs le savaient aussi. Encore dans les vapes de la veille, un bras m’arrêta net dans mon élan alors qu’on allait pénétrer dans le Starbucks. Je devais commencer à envoyer mes curriculums vitae selon Mom. Mais aujourd’hui n’allait pas être ma journée pour le faire. Car celui que j’avais embrassé la veille, posait déjà ses lèvres sur la bouche d’une autre fille. Des longs doigts me bloquèrent la vue et je me sentis partir vers l’arrière. Mes frères m’empêchèrent de souffrir une seconde de plus en m’amenant chez McDo. Direct, j’allais bouffer mes émotions. • Je plongeais mon verre dans le punch pour la troisième fois. Le goût fruité était traître. Lorsque le liquide descendait dans ma gorge, je sentais mon œsophage brûler. Je commençais progressivement à perdre pieds et je devais toujours me tenir sur les murs, sur les tables ou les personnes qui étaient près de moi. On me proposait parfois d’essayer les breuvages des autres. Je grimaçais souvent. Mon seul intérêt résidait dans la bière et dans le truc étranger que je buvais. Quelle merveille concoction. J’ai fait la gaffe de m’asseoir au sol. Me tenir debout devenait une trop grande tâche à accomplir. Mais j’parvenais plus à rien faire d’autre. Ma tête tournait. Je ne me sentais pas bien. Mon nom retentit derrière moi et au moment de vouloir me tourner, j’ai senti la lasagne de ma mère me monter dans la gorge et aussitôt que cette sensation passa : la lasagne était par terre. • Je devais calmer mes fesses, c’est ce que mon professeur de théâtre me disait constamment. Lorsque je ne savais pas quoi faire, j’effectuais un mouvement de danse ou je bougeais mon visage dans de drôle d’expressions. Ça faisait rire mes coéquipiers. C’était l’essentiel. Je savais me tenir tranquille et écouter les directives. C’est pour ça que je gardais généralement le rôle principal, même lorsqu’il était question d’incarner un garçon. Je me rappelle encore lorsque je devais faire semblant d’embrasser une fille, mais nous avons oublié le principe de « faire semblant ». Ce n’est pas à refaire, mais ce n’était pas tant désagréable non plus. • On m’avait tiré loin de la table pour aller danser. Je laissais derrière moi mon verre et ma fierté. J’avais du plaisir, vraiment. On fêtait notre succès avec la pièce de théâtre. On fêtait la réussite de notre équipe de sport au dernier championnat. On fêtait notre jeunesse. On se disait au revoir. C’était ça, cette fête. Mais j’ai tant laissé derrière moi, cette journée-là. J’avais fini par récupérer mon verre, c’était le seul avec une trace de rouge-à-lèvre. Je n’avais pas acheté le meilleur et c’était la première fois que j’en mettais. Étais-ce ma faute, la suite des évènements ? C’était la première fois de ma vie que je m’habillais un peu plus….femme ? Est-ce que je suis coupable, de ce qui m’est arrivé ? Mes souvenirs n’arrivent pas à remettre la scène à l’endroit. C’est noir, complètement noir. Je me réveille dans mon lit et j’ai mal. Comment je suis arrivée là ? Pourquoi je n’ai plus mes sous-vêtements…? Pourquoi j’ai ce sentiment de détresse qui me colle au cœur ? Pourquoi j’ai ces marques sur les bras ? Ma robe, déchirée… Pourquoi mes parties intimes sont si douloureuse…. Mon téléphone sonne tandis qu’un de mes frères entrent dans ma chambre. Les images…Ces images… J’ai mal au cœur. Même les bras de mon frère n’arriveront pas à chasser ce qui s’est passé ce soir-là. Même mon téléphone brisé n’arrivera pas à tuer ces souvenirs-là. • Je touchais du bout des doigts la lettre. Je ne savais pas quoi en faire et je n’avais pas vraiment envie d’y découvrir ce qui y est inscrit. J’avais peur de l’échec. J’avais peur d’avoir tant donné sans savoir si j’allais parvenir à avoir la nanane au bout du chemin. Ma mère voulait l'ouvrir pour moi et mon père commençait à me mettre la pression, comme quoi je devais l’ouvrir parce que si j’étais acceptée, il y avait d’autre formulaires à remplir afin que je puisse vivre à l’interne. Je ne voulais pas quitter ma famille, même si mes frères étaient déjà partis. J’ai fini par l’ouvrir aux petites heures du matin et rapidement j’ai accouru dans la chambre de mes parents en les réveillant brusquement. Je criais. J’étais heureuse. J’étais acceptée. J’allais pouvoir vivre de mes propres ailes, sans pour autant couper les ponts avec ma tendre famille. Je promis à maman que j’allais bien prendre mes pompes et que j’allais continuer à aller chez le médecin pour faire surveiller mes poumons et mon cœur. Parce que oui, au dernier rendez-vous, on m’a détecté une anomalie cardiaque. J’ai un peu peur…Mais je me vois finalement libre.
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