SAMUETH ◇ time to sadness

La bonne nouvelle de la journée ? L'absence d'un interne. De ce fait, je reste à l'hôpital alors que je suis censée aller dormir et me reposer. Je vais faire quelques heures en plus, je veux bien mais pas trop non plus parce que je suis fatiguée et j'ai aussi des choses à faire. Comme manger par exemple. Sauf que mon ventre me dicte que je dois le faire tout de suite. Je vais donc acheter un petit truc à la cafétéria pour me caler et je retourne dans le service. Les heures passent et quand on me dit enfin que quelqu'un est arrivé et que je peux y aller, je suis soulagée. Je tombe de fatigue et la faim est revenue. Non loin des halles de la ville, je me dirige là bas pour faire quelques courses et trouver quelque chose à manger. J'aime cet endroit car c'est très diversifié dans les produits et ce sont des produits frais. Et puis en général il y a tout le temps pas mal de gens, c'est vivant et c'est tout à fait ce dont j'ai besoin actuellement. En effet, juste avant la fin de ma garde un patient est arrivé dans un état critique à l'hôpital à cause d'un accident de voiture et il est décédé quelques minutes après. Je déteste ça. J'ai besoin de recharger toutes les batteries possibles. Je m'arrête près d'un petit snack et prends un petit bol de pâtes que je dévore des yeux. J'avance tout en mangeant mes pâtes sans vraiment regarder devant moi lorsque je percute quelqu'un et que mes pâtes sautent sur mon chemisier blanc... Génial. J'aurais presque envie de pleurer d'un coup mais quand je vois Sam, je ne le fais pas. « Hey Sam. T'en fais pas... C'est... Pas grave... » Je suis pas très convaincante mais j'essaye au moins. Ok j'ai peut être un petit peu le moral dans les chaussettes.

En sueur, Samuel terminait le dernier entrainement de la journée. Petite journée, certes, mais les mercredis il commençait toujours tôt, et donc, finissait aussi tôt. Ses collègues, eux, prenaient la relève pour la fin de la journée qui se voulait intense. Pour sortir un minimum présentable, le jeune homme prit sa douche en deux temps, trois mouvements puis enfila ses affaires de rechange qu'il préparait toujours le matin à l'arrache avant de partir à la salle de sport. Il salua ses collègues puis sortit de l'établissement avant de regarder sa montre. Ayant une bonne partie de la journée devant lui, l'homme décida d'aller faire quelques courses avant de rentrer chez lui, son frigo et ses placards manquant clairement de ressources depuis quelques jours. Il se rendit alors dans les halles du centre-ville, où étaient en vente des produits spécifiques qu'il désirait, c'est que monsieur était exigeant ! A peine arrivé, un peu dans la lune, il percuta quelque chose, ou plutôt quelqu'un qui ne lui était pas étranger, loin de là. Beth, une blonde qu'il affectionnait tout particulièrement, avait alors son chemisier plein de pâtes. « Merde Beth, j'suis désolé ! » s'exclama-t-il rapidement en rigolant quelque peu, trouvant la situation assez drôle. Le sourire aux lèvres,il fut cependant interpellé par la mine de son interlocutrice et du ton qu'elle employait en lui adressant la parole. Un ton blasé, déprimé. Comme si quelque chose n'allait pas. « Ça ne va pas ? » s’inquiéta-t-il, avant d'ajouter : « Si c'est ton chemisier qui te tracasse, j'ai un superbe tee-shirt qui vient de servir pour un entrainement qui t'attends dans mon sac de sport ! » Bien sûr qu'il blaguait et qu'il n'oserait pas lui prêter un tee-shirt plein de sueur. Disons qu'il disait cela pour lui remonter le moral.

« T'en fais pas c'est vraiment pas grave. » Je lui souris pour le rassurer même si visiblement c'est marqué sur mon front que je ne suis pas en forme. En même temps, une perte est une perte et même si on s'y habitue surement à la longue, ça reste un petit traumatisme qui reste au fond de nous. Je suis humaine et je ne peux pas faire comme si de rien n'était, comme si ça ne me touchait pas. « Je suis claquée j'ai fait une garde rallongée et... J'ai perdu mon dernier patient. » Les larmes me montent rapidement aux yeux mais je tente de les contenir et qu'elles laissent place à mon sourire en l'entendant me proposer son tee shirt plein de sueur. Je lui réponds alors assez malicieusement, parce qu'il ne faut pas se le cacher, il y a un truc entre nous, une sorte d'alchimie, de proximité, d'attirance qu'il n'est pas franchement possible de contrôler au niveau physique, seul le mental, le respect et nos valeurs nous empêchent certaines choses : « S'il avait été propre ou juste porté ça aurait été avec plaisir, mais là après ta matinée en salle je vais m'en passer... Je vais rentrer de toute manière donc t'en fais pas. » D'ordinaire je pouvais avoir des affaires de rechange dans mon sac mais là j'étais tellement partie à la va vite de l'hôpital que j'avais tout laissé dans mon casier. « Ca va toi ? Le boulot se passe toujours bien ? »

Samuel voyait dans le visage de Beth qu'elle ne passait pas la meilleure des journées. Les yeux fuyards, le sourire figé comme si elle se forçait pour sauver les apparences, il la connaissait assez pour voir qu'elle n'était pas au top de sa forme. « Ah oui, c'est pas la meilleure façon de passer sa journée. » répondit-il à la blonde lorsqu'elle lui avait raconté avoir perdu un patient. Il répondait à la légère, simplement parce qu'il voyait qu'elle était touchée, et il ne désirait pas en remettre une couche. Lui demander des détails ne ferait qu'empirer les choses. Le jeune homme essayait plutôt de détendre l'atmosphère, en lui proposant de lui prêter son tee-shirt usagé pour remplacer son chemisier blanc. « Dommage pour toi. Quand je deviendrais célèbre, un tee-shirt comme ça vaudra des millions. » Il prit un air faussement désolé pour elle pour ne pas avoir saisi sa chance, qui ne se représenterait pas de nouveau. Il aimait blaguer avec elle. Beth était une blonde qu'il affectionnait tout particulièrement, d'abord parce qu'elle avait été l'ex de son meilleur ami décédé, et aussi parce qu'elle était devenue par la force des choses une amie proche. Parfois peut-être un peu trop proches d'ailleurs, bien plus proches que leurs principes leur autorisaient d'être. « Le boulot toujours bien, il manque plus que tu passes me voir prochainement pour que ce soit encore mieux » Beth était une blonde sportive, c'était cela qui les avait rapproché le plus au début de leur relation d'ailleurs. Elle venait régulièrement à la salle, et à chaque fois c'était une joie pour Sam de se dépenser avec elle.

En effet ce n'était pas la meilleure forme et en quelque sorte ça me refaisait vivre le décès de Nico à chaque fois alors cette situation était loin d'être confortable mais elle faisait partie de mon métier. Et puis Samuel était là pour me faire penser à autre chose, pour me divertir, je ne pouvais donc pas m'empêcher de rire à sa boutade. « Quand tu seras célèbre, je pourrais encore dire que je suis une princesse d'Angleterre et que je veux avoir un cours particulier ! » Je lui adresse un clin d'oeil et je rigole. Il a toujours su que je rigole de mon statut mais que je ne suis pas du tout le genre d'en jouer pour avoir ce que je veux. Sauf s'il est question de tee shirt du bel homme il faut bien avouer. « Je t'avoue que j'évite un peu la salle en ce moment et je profite de l'été indien ! » Il fait tellement beau et bon que je profite du temps pour faire du sport dehors, mais la vérité c'est aussi que j'évite la salle car c'est là qu'Antonio passe beaucoup de temps et je n'ai pas envie de passer du temps là bas à ce qu'on se lance des regards noirs. Ca je ne peux pas vraiment le dire à Samuel, ça me gêne. « On va boire un café ? » Je tire un peu sur ma veste pour tenter de cacher la tache et op ni vu ni connu, je suis sûr qu'on peut aller se divertir un peu avant que je rentre chez moi pour dormir même si c'est ce dont j'ai le plus envie actuellement. « Je crois que j'ai finalement besoin de passer un peu de bon temps... » J'hausse les épaules, ben oui quelques minutes avant je lui disais que j'allais rentrer.

Samuel préférait voir Beth sourire, c'est pourquoi il bifurquait vite sur le ton de l'humour, comme il l'avait fait de nombreuses fois après la mort de Nico, bien que lui aussi avait souffert et souffrait encore de sa disparition. « Tu crois vraiment que ton sang royal pourra égaler ma notoriété ? » dit-il d'un air faussement prétentieux, le sourire aux lèvres. Il aimait beaucoup la taquiner. Peut-être un peu trop, qui sait, mais il se soignait. Du moins, il essayait. « Mais dehors tu ne peux pas voir mon si beau corps ! » déclara-t-il alors que Beth lui avouait ne plus trop passer à la salle car elle voulait profiter du temps. Le jeune homme restait dans la déconne, bien évidemment, bien qu'il essayait de garder cet air sérieux qui pouvait parfois méprendre certaines personnes. Mais Beth devait tellement avoir l'habitude de ses bêtises qu'elle ne se laisserait pas avoir si facilement, il le savait. « Allez, va pour un café. » Il ferait ses petites emplettes plus tard, les magasins étaient ouverts jusqu'à tard alors ce n'était pas un problème. Les deux jeunes commencèrent alors à marcher en direction du café le plus proche. « Et puis avec moi, on ne s'ennuie jamais. » Toujours sur la même lancée, le jeune homme continuait ses conneries, mais c'était sa façon de taquiner les personnes qu'il appréciait. Après tout, ne disait-on pas "qui aime bien châtie bien" ? « Quoi de neuf dans la vie de mademoiselle Windsor, sinon ? » Il était sûr qu'elle avait des choses à lui raconter, déjà rien qu'à propos de son métier où il pouvait se passer mille et une choses en une journée.

« Elle la surpassera même ! » Lançai-je en rigolant avant de reprendre : « Du moins tant que je reste une Windsor. » Avec mes parents je pouvais m'attendre à tout. Quand on voit qu'ils tentent de m'arranger un mariage avec quelqu'un de grande famille qui présente bien pour me remettre dans le droit chemin parce que je ne choisis pas la confrérie qui fait honneur à notre nom d'après eux, on se dit qu'ils peuvent bien me rayer de la liste des héritiers si je m'oppose encore à leurs petits plans. Mais pas de bol pour eux, je continuerai de le faire et de profiter de ma vie comme je l'entends. « T'as qu'à venir dormir avec moi... Oups courir pardon ! » Lapsus révélateur ou idées embrouillées simplement ? A lui de choisir en tout cas il m'est impossible de ne pas ressentir cette attirance envers le prof de sport. On se dirige vers un petit café et une fois tous les deux installés, il finit par me demander ce qu'il y a de neuf dans ma vie. Je réfléchis rapidement et ne vois rien de bien intéressant : « Mes parents tentent de m'arranger un mariage... Mais tu sais que je suis bien trop libre pour accepter ça. J'en suis toujours là... Le reste, la fac, les mecs, c'est toujours au même point. » Je n'avance pas depuis que j'ai perdu Nico, j'ai 24 ans pas la moindre envie de me poser, et je n'ai pas trouvé le mec qui me donnera envie de le faire alors à quoi bon ?

Samuel leva les yeux au ciel face à la réponse de la blonde. « Tu sous-estimes le pouvoir de mes abdos. » Il aimait bien déconner avec Beth. L'un comme l'autre savait très bien que leurs paroles n'étaient pas à prendre au sérieux, aucun des deux n'avait la prétention de s'imaginer au dessus des autres, même pas la jeune Windsor alors que pourtant, son titre de princesse le lui permettait facilement. Samuel se mit à rire face au lapsus de son interlocutrice. « Arrête de me brancher ! » Il préférait prendre ça au second degré, même s'il était vrai qu'il existait clairement une attirance entre Samuel et Beth. Mais s'il prenait ses mots au sérieux et essayait d'en savoir plus, il savait que la situation changerait, probablement en mal ... Céder à la tentation n'était pas toujours de bonne augure, surtout quand la tentation était l'ex de votre ami décédé. « Quand j'entends des histoires sur tes parents j'ai l'impression qu'on est dans un film. » Arranger un mariage sans le consentement de sa fille, ça fait plutôt archaïque comme situation. Et pourtant, ça existait encore dans de nombreuses cultures et de nombreuses familles. « Mais j'imagine qu'avec les avantages de la royauté, il y a aussi beaucoup d'inconvénients. » Et ça il l'apprenait à force de fréquenter Beth, qui, elle, n'était pas en accord avec tout ce que son titre lui accordait. Les deux jeunes arrivèrent finalement au café le plus proche. Ils se posèrent à une table, dans l'attente qu'un serveur ne vienne les voir. « C'est vraiment tout ce que tu racontes ? » demanda-t-il en arquant le sourcil, le sourire aux lèvres. Connaissant la blonde, Sam savait bien qu'elle avait beaucoup plus de choses à raconter. A moins que ce soit des choses qu'elle ne voulait pas partager avec lui.

« Tu ne veux pas me les montrer... Alors peut être que je les sous estime oui mais ils auront au moins eu le mérite de me faire rire aujourd'hui. » Je le taquine un peu sachant très bien ce qui bloque entre nous. Le feeling existe bel et bien mais nous ne sommes pas forcément naturels car il serait trop facile de franchir une ligne qu'on ne veut pas ou plutôt qu'on ne peut juste pas... Par respect... Mais ça fait aussi tellement longtemps... « Je te confirme, que des fois je me passerai bien d'être Adélaïde Kane dans Reign ou Alexandra Park dans The Royals ! » Ces deux séries étant deux séries assez connues en ce moment sur les déboires des familles royales... Ce n'est pas toujours cool d'être un gosse de riche. « Ne pas être libre de faire sa vie, c'est le plus gros des inconvénients qui pourrit tout le reste... » Avoir toujours l'impression d'être espionné, ne pas pouvoir faire ce qu'on veut, devoir répondre à des codes, à des règles. C'est chiant, je ne sais pas comment mes frères et soeurs peuvent faire pour ne pas péter les plombs et aimer tout ça. « Tu veux vraiment m'entendre dire que je suis instable sentimentalement depuis bien trop longtemps ? Depuis Nico en fait... Et que je me pose des questions parce que je foire tout et que j'ai l'impression que j'arriverai jamais à redéverouiller mon coeur au bon moment sans avoir à perdre qui que ce soit ? »