ABBADON E.JAKERPHILL ► Bill Skarsgard

Dans mon histoire, vous ne trouverez pas de drame à vous briser le cœur, juste une vie basique, comme celle de tellement d’autres personnes. Je suis de ceux nés avec des privilèges. Papa était riche, maman aussi, je n’avais donc rien à envier à personne. Papa est PDG d’une entreprise d’énergie implantées dans le monde entier, maman elle, elle est propriétaire de plusieurs hôtels de luxe dans sa famille depuis des générations. Moi, j’étais le petit cadeau du ciel.  Je ne suis pas l’enfant abandonné par des vies trop chargées, je ne suis pas le gosse à problème qui hurle après ses parents et se drogue. Non, moi j’ai vécu dans l’amour, l’attention. Papa me prenait par la main dans la rue, maman me bordait le soir quand elle était là et ils prenaient tous les deux des congés pour être avec moi. En gros, j’étais un gosse aimé, davantage quand on sait que maman ne pouvait normalement pas avoir d’enfant. Stériles disaient-ils, pas autant que ça apparemment, vu que ma petite sœur est arrivée trois ans après moi. En gros, j’ai grandi normalement, richement certes, mais normalement. Des amis dans cette école privée, des emmerdeurs aussi. J’ai fait ma crise d’adolescence, comme tout le monde, mais pas longtemps. Ma famille, c’est tout pour moi, davantage quand on a appris qu’elle était atteint d’Alzheimer précoce. Elle a commencé à oublier de petites choses, des brides, pour enfin finir par ne plus reconnaître personne. Papa, il est resté à ses côtés et moi aussi, parce qu’on l’aimait. Parfois, elle avait une étincelle de lucidité et elle demandait pardon, elle pleurait et moi je souriais en lui promettant qu’on l’aimait quand même et ce, même si elle avait une case en moins…L’humour pourri à l’état brute. Au fond, j’en crevais, je ne vais as mentir. Voir sa mère partir, ses souvenirs effacés, ce n’est pas agréable. Mais mon père a tout lâché pour rester avec elle constamment, j’étais foutrement fier de mon père qui gérait sa femme et mon avenir. Malheureusement, le monde ne cessait pas de tourner et mon père voulait que je réussisse dans la vie « pour ta mère » disait-il quand rien n’allait. Alors, j’ai continué à grandir en regardant ma mère s’éteindre, mais jamais seule. Souvent, je lui expliquais mes journées, mes examens, je parlais plus à ma mère qu’à ma sœur ou mon père, mais on ne m’en voulait pas. Et puis, mon père m’a supplié de quitter la Grèce, de revenir pendant les vacances et c’est comme ça que j’ai atterri à Harvard. Je devais faire ma vie qu’il disait, mais c’était dur au début. Tous les jours j’étais sur skype, je réclamais des nouvelles, je n’arrivais pas à me faire à cette nouvelle vie qui ne tournait pas autour d’elle. Mais finalement, j’ai commencé à avoir des amis et des amies, des relations avec des filles et même des garçons. Maintenant que je me focalisais sur moi, j’apprenais à me découvrir…Toutes les vacances, je les passais là-bas, auprès d’elle et ce, jusqu’à se qu’elle s’éteigne en 2016. Oh putain, que ça faisait mal. Je perdais un bout de moi…Mais mon père, il m’a donné cette lettre qu’elle avait écrit six mois plus tard, lors d’une heure de lucidité, un miracle avant de replonger. Une lettre pour moi, une pour ma sœur et ces quelques mots m’ont fait autant rire que pleurer. Alors, je suis revenu à Harvard, le cœur lourd et le sourire aux lèvres. Pour elle, j’avancerais, pour elle, je continuerais. Je ne suis pas parfait, au contraire, mais je veux immortaliser chaque instant pour ne jamais oublier.