( And she had this laugh, it was ridiculous, I mean her laugh would make you laugh. And she was fun, she knew she was. )
Isabella Ayla Thorsen est née le 5 juin 1997, petite fille rêvée de son père et de sa mère. La blonde a toujours eu une enfance heureuse, elle était une enfant gâtée avec un sacré caractère mais aussi une belle douceur à toute épreuve. Elle était cet enfant qui aidait tout le monde, souriait auprès de tout le monde. Aucune once de méchanceté chez la suédoise. Un ange, un véritable petit ange. Personne n’oubliait son sourire, son sourire si radieux. C’était comme ça qu’on se rappelait d’elle, qu’on la décrivait. C’était le rayon de soleil de la maison. Sa sœur et son frère la protégeaient comme si leur vie en dépendait. En effet Isabella était fragile. Peut-être sa famille avait été trop protectrice. Après tout elle n’avait traversé aucune épreuve, n’eut aucune crise d’adolescence. Elle n’était jamais embêtée, jamais mal aimée. Non son sourire était bien trop rayonnant, sa personnalité bien trop belle pour cela. Toute la famille l’aimait, elle rendait souvent visite à ses cousins en Norvège, elle se sentait soudée avec tout le monde. Elle avait pelletée d’amis, de garçons qui voulaient être ses « premiers amoureux ». Ses parents la surprotégeaient, l’empêchant de faire ne serait-ce que la moindre chute. Isabella savait bien que c’était trop et qu’ils ne pouvaient pas la protéger de tous les maux du monde mais elle les laissait faire, se bercer de cette douce illusion. Ils ne réalisaient pas qu’ils l’étouffaient, qu’ils l’empêchaient de prendre ses propres décisions et de vivre son adolescence normalement. Mais leur fille laissait faire, ils étaient ses parents après tout.
C’est à ses seize ans qu’Isabella prit sa première vraie décision, vécut sa première véritable expérience, à elle. L’amour. Avec un grand A. Si la suédoise était le rayon de soleil des Thorsen, cette fille était son rayon de soleil à elle.
( Love you more, Than those bitches before, Say you'll remember, oh baby, say you'll remember oh baby ooh. I will love you 'til the end of time )
Elles avaient commencé à discuter sur internet, un forum. Très vite le courant était passé et elles passaient leurs nuits à parler ensemble, à se découvrir. Les deux adolescentes n’ont jamais vraiment été amies. L’amour s’est rapidement insinué dans leur cœur. Isabella a découvert sa bisexualité avec cette fille. Elle avait bien essayé d’en parler à ses parents mais l’adolescente découvrit bien vite une facette de ses parents qu’elle n’appréciait guère. Celle des conservateurs, estimant qu’une femme devait être avec un homme et que les autres sexualités allaient à l’encontre de cela. Alors Isabella, elle se tût, taisant ce beau secret. Celui qu’elle était amoureuse. Elles n’étaient pas réellement en couple mais la Thorsen ne se considérait plus comme célibataire. Leur relation à distance durait tellement longtemps, deux ans c’est long n’est-ce pas. Elles s’appelaient tous les soirs, elles discutaient des heures durant de tout de rien, des voyages qu’elles feraient ensemble, des rêves qu’elles allaient réaliser à deux. Oh oui Isabella était follement amoureuse. Et elle voulait donner une chance à leur histoire. Quand la fille qu’elle aimait lui demanda de la rejoindre dans son pays, de quitter Stockholm, Isabella accepta. Elles allaient vivre ensemble, faire leurs études ensemble. Un rêve fou mais pourtant possible, il suffisait qu’elle mente à ses parents.
Mais ce ne fut pas de l’avis de ceux-ci. Isabella ferait ses études à Stockholm, près d’eux. Détruit, le couple trouva pourtant une solution. Isabella devait prendre ses distances. Alors elle négocia avec ses géniteurs. La future étudiante serait en colocation et ferait ses études en Suède comme ils le voulaient. Ainsi, ayant son chez elle, l’amour d’Isabella pourrait venir de temps à autre afin qu’elles puissent voir si leur histoire pouvait marcher.
Elles ne s’étaient jamais vues et pourtant elles s’aimaient.
Elles rêvaient seulement de se voir, de s’embrasser, de se découvrir.
Mais elles ne se verront pourtant jamais.
( everyone you meet is fighting a battle you know nothing about. Be Kind. Always. )
Décembre. La première année universitaire a débuté, Isabella s’en sortait à merveille. La suédoise était sur un petit nuage. En effet, sa petite-amie avec qui elle correspondait depuis tellement de temps allait enfin venir la voir à Stockholm. La semaine prochaine ! La Thorsen pensait au premier baiser, premier restaurant, première soirée…première fois ? Après tout Isabella était toujours vierge, gardant ce moment pour la femme qu’elle aimait. Elle imaginait déjà ce qu’elle pourrait ressentir aux premières caresses, les baisers dans le cou, ses mains sur…
C’était le week-end, la première session d’examens approchait à grands pas. Isabella avait donc décidé de passer le week-end dans son appartement alors que sa colocataire partait durant ces deux jours. Cela ne dérangeait aucunement la blonde, elle savait bien que son amie n’était pas très studieuse et comptait sur les rattrapages pour réussir son année. Et Isabella aimait bien la solitude en particulier pour travailler. Ses parents l’avaient bien harcelé pour qu’elle vienne passer le week-end à la maison familiale mais la suédoise avait refusé, ne voulant pas être distraite et ayant de plus en plus de difficulté à leur mentir sur sa vie amoureuse.
Elle était complètement seule. Et elle ne s’imaginait aucunement ce qui allait lui arriver dans quelques instants.
L’étudiante n’avait pas entendu cet homme entrer par effraction chez elle. Elle ne l’avait pas entendu s’approcher, écoutant de la musique en étudiant, masquant la sonnerie de son téléphone, ses parents l’appelant une énième fois pour qu’elle passe le week-end chez eux.
Il l’avait attrapé brutalement, posant sa main sur sa bouche. Il avait dû la malmener fortement pour qu’il puisse enfin la jeter dans sa chambre. Chambre dans laquelle elle restera enfermée tout le week-end. Isabella était enfermée avec cet homme. Elle le reconnut malgré le tissu qu’il avait mis sur la partie inférieure de son visage. Son professeur de droit. Ce professeur qui voulait la voir après chaque cours, qui l’avait demandé en ami sur Facebook, qui l’avait invité maintes fois à déjeuner avec lui. Elle le savait étrange, déplacé. Mais elle ne le savait pas fou.
Isabella a vécu le pire calvaire de sa vie durant ce week-end. Son corps fut meurtri, son âme fut brisée. Tout un week-end passé ici. L’étudiante pensait à sa petite-amie. Elle ne pouvait pas la voir comme ça, elle ne pouvait pas savoir ce qui lui arrivait. Qu’on lui volait quelque chose de précieux pour elle, pour leur couple. Le bonheur s’échappe au fil des heures, quelques cicatrices se forment, les bleus apparaissent. Sa détresse et son désespoir étaient devenus silencieux.
Lundi matin, sa colocataire fut de retour et découvrit l’horreur. Elle se sauva, se réfugiant chez des voisins pour appeler la police. L’homme prit la fuite et laissa Isabella là, les yeux vides. Détruite et faible. La Thorsen s’est trainée dans le salon, jusqu’à son téléphone pour bêtement appeler ses parents afin de pleurer comme une enfant, une enfant ayant besoin des personnes qui l’aimaient.
Un message apparait.
« J’ai tellement hâte de te voir. Je t’aime, Isa. »
Elle répondit, se remémorant son calvaire. Elle ne devait pas faire vivre ça à la femme qu’elle aimait. Jamais elle ne devait vivre avec ça, elle aussi.
« Ne viens pas. Je ne peux pas, je suis désolée. Je t’aime. »
( cause they don’t even know you all they see is scars. they don’t see the angel living in your heart. )
Cet évènement l'avait totalement détruite. Tout avait changé depuis ce jour de décembre. Son professeur de droit n'a toujours pas été retrouvé, il est en liberté surtout libre de faire ce qu'il a fait à Isabella, à d'autres femmes. Depuis son témoignage auprès de la police plus jamais elle détailla l'enfer qu'elle avait vécu. Les tests chez le gynécologue fut sans appel : Isabella avait bel et bien été violée. A de multiples reprises. Alors que le médecin allait annoncer autre chose, la blonde l'avait coupé. "Je ne veux pas savoir. Gardez cela pour vous." Non elle ne voulait pas connaître les séquelles de ce week-end. Elle priait de toute son âme brisée : "S'il vous plait...qu'il ne m'ait pas cabossé à ce point. Que je puisse avoir la chance de tomber enceinte, d'avoir un petit bébé, une partie de moi qui me rendra heureuse." Alors plus jamais elle prit un rendez-vous chez un spécialiste. Voilà deux ans bientôt qu'elle est dans le déni sur cette vérité, sur sa stérilité. Un véritable déni qui peut la rendre violente si on tente de l'en sortir.
La stérilité n'est pas sa seule séquelle. ESPT. Etat de Stress Post-Traumatique. C'est désormais le nouveau poids que Isabella doit porter pour le reste de sa vie. Elle est incapable d'aller jusqu'au bout avec quelqu'un, d'avoir des relations sexuelles. Elle ressasse en boucle les souvenirs de son calvaire lorsqu'elle est seule, dans ses pensées ou que quelque chose la renvoie à ce week-end. Son caractère en a subi les conséquences. Plus arrogante, colérique, violente, paniquée. Ses parents ont tout tenté, ils ont payé tellement de spécialistes mais rien n'y faisait, ils ne pouvaient pas comprendre leur fille car au fond ils la blâmaient. C'était inconscient et pourtant si transparent aux yeux de la Thorsen. "Si tu avais accepté de venir à la maison comme on te l'a demandé, rien de tout ça ne serait arrivé." Isabella n'avait que très peu de personnes pour la soutenir. Célibataire, coeur brisé et cabossé presque personne ne savait qu'elle en couple. Elle se sentait seule et s'éloignait de tout le monde, se renfermait sur elle-même.
Mais quelqu'un l'en empêcha. Un ami, vivant aux Etats-Unis, à Harvard plus précisément. Il lui proposa une solution, un nouveau départ loin de son passé. C'est ce qui aida Isabella a réussir sa première année. Son université à Stockholm l'avait beaucoup aidé pour son dossier, sachant ce qu'elle vécu. Ils firent tout pour la faire rentrer à Harvard. La Isabella paumée fut soudainement déterminée à se barrer de Stockholm. Après de très bons résultats au SATS, un essai plus que réussi et un entretien bien que difficile, ayant été passé avec succès, elle eut enfin sa réponse. Une lettre d'adhésion avec une belle bourse en prime. Ses parents la voulaient avec eux mais elle osa leur dire non. Elle osa partir pour tenter d'oublier son passé. Et la voilà à Harvard depuis maintenant un an.
Mais rien n'y fait. Le sourire si rayonnant il y a quelques années, n'est qu'un sourire amer et fade aujourd'hui.