béatitude enfouie dans les vestiges d'un passé mélancolique ? gladys hampton, tu étais l'heureuse venue d'un couple amoureux, qui a eu l'audace de sauter le pas de la grossesse après 6 mois de relation. née un 25 octobre, sous les bourrasques malsaines du vent d'automne et les fortes pluies, à détroit dans le michignan. ce n'est pas forcément la ville dans laquelle tu as su t'épanouir. mais c'est le seul endroit où ton père avait réussi à trouver un travail dans l'automobile – the motor city, aka détroit, n'a pas totalement perdu ses ouvrages dans l'automobile – qui rémunérait à peu près bien. alors à ta naissance, tu as dû suivre, parce que c’était la chose la plus logique à faire. pourtant, dans ton enfance tu as appris à l'aimer cette ville. surtout ses habitants, venant d'horizons tous très loin. ceux de dubaï, de minsk, de turin ou même encore de toyota. un mélange de cultures, de couleurs qui t'ont favorisé au respect et à l'acceptation. et tu as réussi à t'y plaire, même si le résultat d'une tout autre chose t'a donné l'envie de partir loin sans regarder en arrière. tu as cru à toutes les belles promesses de tes parents, à leurs marques d'affection qui promettaient tout et finalement rien. partir rejoindre le reste de votre famille en californie, à santa barbara, s'épanouir près des côtes et vivre des bienfaits de l'océan. mais rien de tout ça n'a vu le jour et aujourd'hui encore, tu possèdes cette pensée, gardée au fond de ta tête. 午 10 ans. naïve enfant qui a tendance à dédramatiser tout ce qui t'entoure, sans doute trop fragile pour encaisser la dure vérité. tes parents n'ont jamais vraiment partagé l'idylle parfaite des couples comme les autres qui s'aiment mutuellement et se soutiennent. non, en réalité, la seule chose qui les maintenait officieusement en couple, c'était toi, gladys. ton père s'engouffrait de jour en jour dans le triste néant qu'est l'addiction. plus du tout présent pour toi et ta mère durant les rudes soirées d'hiver, quand le bois manquait à la cheminée et l'amour manquait à vos cœurs. bien trop préoccupé par ses innombrables gorgées d'alcool qu'il ingurgitait dans le bar du coin, celui qui regroupe les plus grands ivrognes préservés par leurs litres de vodka et bière accumulés chaque année. tu le voyais se mourir, quand il rentrait dans une cacophonie inexcusable très tard le soir, à peine capable de maintenir ses propres jambes debout. et dans ces moments-là, tu comprenais malgré ton jeune âge que ton père buvait beaucoup non pas parce qu'il avait très soif, mais parce que son faible esprit de faux gaillard s'était rabaissé à un des pires vices trop actuel sur cette planète : l'alcoolisme. 午 tu avais 16 ans. toujours autant remontée par ton père et ses excès qui l'ont poussé à quitter la maison familiale pour s'initier pleinement dans sa nouvelle vie de tocard bourré du matin au soir. et abattue par les amères nouvelles au sujet de ta mère et sa santé. l'histoire d'un bilan radio qui s'est transmué en un décompte jusqu'à sa mort. tes journées à toi étaient rythmées par cette sensation de mort proche omniprésente. triste comme un bonnet de nuit, larmoyante toute la journée. ta pauvre mère qui voyait son cas s'empirer, n'avait même plus le soutien d'un homme pour la consoler. des chimiothérapies qui se succèdent, qui varient parfois pour tenter en vain de dégrossir sa tumeur située non loin d'un cœur brisé, meurtri, bouffé et recraché. ses cheveux tombaient par poignées, ses larmes roulaient, ses forces s'atténuaient. jusqu'à ce qu'elle décède d'un arrêt du cœur après des mois d'atroces souffrances. gladys, tu l'as appris un soir quand la sentence tomba, blessante, détruisant un cœur. ton cœur. éclaté en morceaux à tes pieds, bien trop désemparée pour pouvoir le récupérer. c'est dit, en une parole et ton monde est brisé. tu as pris l'appel, ton visage s'est décompensé et rien n'a plus jamais été pareil. ton remède n'a été qu'une question de temps. 午 tu as comblé le vide de tes parents comme tu pouvais. paumée toute seule dans un quartier de détroit, à 16 ans, sans argent, sans force pour avancer, sans même l'envie de poursuivre tes études jusqu'au diplôme au moins. mais lors d'une de tes rares sorties, tu as fait la rencontre d'un jeune homme, nommé peter harris, âgé de 21 ans à l'époque, qui a employé les grands moyens pour t'attraper dans sa toile. tu es tombée durement amoureuse, tu ne voyais que par lui, si bien qu'il jonglait entre le père qui te manquait et ton premier grand amour pour te faire craquer chaque jour un peu plus. vous vous étiez même fait un tatouage chacun, assorti à celui de l'autre. mais une soirée, été 2014, vous avez roulé jusqu'à une des hautes montagnes de détroit, où la vision est limitée par la chute constante de cendres sorties de nulle part. semblables aux pétales de roses qui tombent au moment des baisers langoureux dans les films fleur bleue. c'était la même chose, en moins romantique, plus grossier. sans doute plus sincère. peter n'a pas hésité à t'embrasser, il a délicatement glissé sa main dans ton pantalon, et l'autre a palpé tes parties précieuses. ta gorge s'est serrée, et un grand vertige s'est emparé de toi. tu as très peur du sexe, de faire l'acte, depuis toujours et encore, c'est très tabou chez toi, et tu n'as pas pu le laisser faire. mais tu n'as rien osé expliquer, par peur d'en parler, de décevoir, peur de passer pour une coincée. alors tu t'es tu. parce que ce n'est pas normal de ne pas franchir le pas avec ton premier vrai amour. il l'a très mal pris peter, il t'a laissé là en plan près du gouffre que causait la hauteur de la montagne et s'est cassé dans sa mustang sans même te décrocher une dernière parole. un lendemain, quelqu'un t'a dit qu'il avait fait enlever son tatouage. tu l'as revu une dernière fois dans un centre-ville, sifflotant un air libérateur. il était temps de braver l'orage : tu n'étais plus sa muse, gladys. 午 18 ans. là, c'était trop. ton corps refusait de livrer un énième stock de larmes à tes yeux, pour qu'elles coulent le long de tes joues et meurent une fois de plus sur tes mains. alors tu as pris le taureau par les cornes, comme un renouveau, en déblayant tous tes vêtements ternes et insipides des tiroirs et commençant à confectionner tes propres habits. puis tu as simplement tout entassé dans un bagage trop lourd et rempli, et tu t'es barré de ce trou renfermant des souvenirs à en revomir avec les économies de ta mère pour financer le vol destination boston. en société, tu avais du mal au début, et entreprendre de faire des rencontres avec des jeunes hommes, ça ne te venait même plus à l'esprit ! tu as enchaîné les petits boulots peu rentables, histoire de rendre la somme exigée pour le loyer chaque mois, triste à l'idée de voir que la porte des études se refermait peu à peu sur elle-même, car les universités là-bas, ça coûte un bras. tu devais te diriger toi-même, vivre et cadenasser le passé et ses regrets qui sont désormais derrière toi. alors tu t'es investi de plus en plus dans la mode. tu aimais créé, ça t'allait bien. tes pensées divaguaient et tard le soir la lune s'affairait à briller en guise d'inspiratrice. tu couchais tes émotions et tes folies sur le tissu. tu extériorisais tout et t'as commencé à les vendre ensuite. un petit business qui t'a rapporté un paquet de thunes ; il faut dire que pas loin de la charles river à boston, les touristes affluent par centaines, de quoi faire gonfler ton petit commerce. chapeaux, accessoires, crop tops... c'était comme ton jardin secret. une sorte de journal intime que tu ouvrais chaque soir mais ne dévoilais à personne. personne sauf oksana. oksana à qui tu ne peux rien cacher. oksana qui te connaît si bien. peut-être même plus que tu ne te connais toi-même. 午 tu as 20 ans aujourd'hui et ça doit faire pas loin de 3 années que tu connais et vis avec oksana dans une colocation à boston. la réalité, gladys, c’est que tu avais peur dans le fond. ça fait pas tout. ça explique pas tout. mais c’est là. cette légère boule au creux du ventre. l’appréhension, de te montrer tel que tu es. derrière les apparences et les non-dits. dans le fond, tu avais peur. comme une gamine planquée au fond de son lit. et tu sais pertinemment que oksana a été la première à t'ouvrir les bras aussi larges que les portes du paradis. elle t'a toujours soutenu et aimé pour ce que tu es réellement, et vice-versa. elle a vu au-dessus de l'image de la gamine du michigan au passé désastreux et au cœur brisé. d'ailleurs, tes deux-trois années sabbatiques à boston te l'ont solidifié ce cœur, et depuis, tu as un emploi stable dans un starbucks et les économies nécessaires pour entrer dans une prestigieuse université, sans abandonner, non jamais, ta passion pour la mode et la création – que tu comptes bien évidemment continuer à explorer dans ce renouveau scolaire. mais surtout,
surtout, tu peux enfin le dire avec un sourire pur :
“oui, je suis heureuse !”. 午 la jeunesse dorée, les cartes de crédit sans plafond et les vacances au soleil six fois par an ou bien la vie de princesse, tout ça tu n'as jamais connu. pourtant, tu aimes faire brûler ta carte bancaire. tu dépenses l'argent que tu n'as pas, et t'as bien du mal à joindre les deux bouts. ne serait-ce que pour payer ta partie du loyer pour la coloc. lorsque tu reçois des factures, tu les dissimules dans un coin, te disant que peut-être ces dernières disparaîtront comme par magie. qu'au fond tu les oublieras, et qu'elles t'oublieront aussi. tu préfères te dire que pour chaque petit achat, aussi utiles qu'ils soient, tu investis dans ton avenir. tu dédramatises encore une fois et ça t'évite les regrets. malheureusement pour toi, ton banquier ne connaît trop bien tes méfaits. en fin de compte, gladys, c'est tout un univers. tu es une grande gamine drôle, épanouie là où tu résides et vas étudier prochainement qui abuse des emojis, joue encore à pokemon go même si tu n'as plus vraiment l'âge pour ça et agrandit sa collection de carnets pleins à craquer sur la mode – là où tu dessines tes propres créations. tu ne prends pas du tout au sérieux, tu aimes t'amuser et découvrir de nouvelles choses, l'inconnu t'attire, le danger aussi. une preuve? tu as tout plaqué du jour au lendemain pour emménager à boston.
en vrac ; tu adores les chiens, d'ailleurs, ton animal de compagnie est ton double à quatre pattes. un chien nommé balto. 午 tu es allergique aux chats par contre, mais ça ne t'empêche pas de les caresser dès que tu en vois un. 午 tu es active, trop active. à force de courir à gauche à droite et de monter en pression pour rien du tout, tu t'es déjà cassé plusieurs os du corps. 午 pourtant, tu es toujours en retard, quoi que tu fasses. triste ironie. 午 tu passes ton temps avec un starbucks à la main, à grignoter des sucreries ou pâtisseries pas très équilibrées. 午 tu n'as jamais quitté les états-unis, tout d'abord parce que c'est légèrement trop coûteux pour toi, mais surtout parce que tu as peur de prendre l'avion. 午 tu es complètement entiché de la nature, les plantes, les anémones, chaque détail de la botanique, tout ça t'inspire et te rend heureuse un peu plus. chaque découverte dans le domaine te plonge dans un état second, mélange d'extase et d'euphorie. 午 tu aimes les couleurs, le maquillage autant que tu affectionnes les couleurs sobres ou le noir. mais ta couleur préférée reste le violet. 午 tu as toujours gardé une vieille box où tu stockais des cassettes enregistrées au magnétoscope. des fois on retrouve des bons souvenirs. d'autres fois pas trop. 午 ton salaire est souvent claqué dans les vêtements, le maquillage, les tickets de cinéma. et accessoirement le loyer et les impôts, quand tu y penses. 午 tu as un tatouage en forme de cœur, tout banal, au poignet droit, celui que ton premier copain t'a gravé sur la peau. parfois tu penses à l'enlever, mais t'oses pas. ton ex peter et son machisme font partie de toi malgré tout. 午 tu rêves d'être mannequin. 午 tu sais coudre, confectionner des vêtements ou des accessoires, et magner beaucoup de tissus. c'est ta passion. 午 tu répètes souvent que tu es maudite, comme si dès que quelque chose devait arriver, cela devait tomber sur ton nez. tu as dû casser un miroir ou passer sous une échelle, sans t'en souvenir. 午 tu as toujours aimé l'école en réalité, c'est pour quoi tu as décidé de t'y remettre. 午 tu es une immense fan de lady gaga, de son univers loufoque et les délires de ses premières années de gloire. 午 tu n'as plus vu ton père depuis sept ou huit ans. des fois il te manque. et pour ta mère, c'est cruel.