Hunter Darcy ► Nico Tortorella

Hickam Air Force Base (Hawaï) – 29 février 1992
Face. C’est ce face qui a déterminé toute ma vie. Mes parents n’arrivaient pas à se décider pour mon prénom alors ils ont joué ça à pile ou face. Mon père voulait Hunter, ma mère Addison. Deux prénoms mixtes, choisit pour aller aussi bien à une fille qu’à un garçon (même si j’ai toujours douté sur ce point). Heureusement pour moi, c’est tombé sur Abraham Lincoln et le prénom Hunter. Seul moment de chance que j’ai eu ce jour-là. Je suis né exactement dix minutes avant minuit. Dix minutes avant le premier mars. Dix minutes qui font que mon anniversaire tombe sur la seule date qui n’existe qu’une fois tous les quatre ans. Le début de la poisse à la Hunter. Poisse qui s’est confirmée trois mois plus tard, quand ma mère a commencé à s’inquiéter parce que mes yeux qui ne parvenaient pas à se focaliser sur un point et mon intolérance aux lumières vives. Après des tests, le résultat est tombé : je suis achromate. Traduction, je ne verrais jamais les couleurs de ma vie et je suis presque aussi myope qu’une taupe. Tu parles d’un cadeau pour mon arrivé dans le monde. Surtout quand je suis le seul enfant de la famille à être malade. Mauvaise pioche dans les gènes de maman.

Trop de bases pour les citer – entre 1994 et 2010
Après mon premier déménagement, j’ai hérité d’un petit frère. On a toujours été particulièrement proche tous les deux. Il était mes yeux, mon garde du corps, mon meilleur ami. Petit, j’étais l’exemple même du garçon bouboule dont on prenait plaisir à se moquer. Mon poids était un véritable fardeau pour moi. Presque autant que mon handicap qui me force à porter des lunettes aux verres aussi épais que des fonds de bouteilles. Et lui, il était là, peu importe quand. Mon frère a toujours été mon pilier, celui à qui je pouvais tout confier. C’est lui qui a convaincu mes parents de m’acheter ma première guitare, c’est lui qui m’a emmené faire de la boxe, seul sport que je peux pratiquer à peu près correctement et qui m’a permis de me débarrasser de mes kilos de trop. L’autre membre de ma famille dont j’ai toujours été très proche, c’est ma petite sœur Ayana. La petite que j’ai toujours voulu protéger, même si j’étais loin d’avoir le physique de l’emploi. C’était ma princesse et personne ne touchait à ma princesse. On lui a apprit à se défendre dans n’importe quelle situation, pour qu’il ne lui arrive jamais rien. Peu après mon entrée au lycée, je suis tombé amoureux pour la première fois. Un gars fantastique, membre de l’équipe de foot. Je me souviens que j’allais voir les matchs juste pour lui même si je ne voyais que des formes floues en train de courir sur une pelouse. Il a été mon premier baiser, ma première fois. Puis on a déménagé et je ne l’ai plus jamais revu. Après lui, de nombreux garçons et filles se sont succédés mais je ne l’oublierais pas. Il restera à jamais mon premier amour.

Sur les routes des Etats-Unis – entre 2010 et 2014
A peine mon diplôme en poche, je suis parti. Je savais que les études, ce n’était pas pour moi. Je n’avais pas les capacités pour entrer à l’université et surtout pas l’envie. Moi ce que je voulais, c’était la liberté, les voyages, la découverte du monde. Alors j’ai pris mon sac à dos et ma guitare et je suis parti. Au début, j’enchainais les petits boulots comme serveur, sans pouvoir garder bien longtemps une place. Alors je chantais dans les rues, histoire de me faire un peu d’argent. C’est comme ça que tout a commencé. J’étais en train de hurler à plein poumons ma soif de liberté quand ce gars est venu me rejoindre pour taper sur le sol. Il a directement su trouver le rythme de la musique. Après ça, on est allé discuter autour d’un verre. J’ai vite compris qu’on était pareil. C’est surement pour ça qu’il est mon meilleur ami, encore aujourd’hui. Le soir même, il m’a présenté à deux de ses amis, respectivement bassiste et guitariste. On a tous trop bu ce soir-là. Je ne sais même pas dire si notre décision était réellement rationnelle. Quoi qu’il en soit, on a décidé de former un groupe. Un vrai groupe. Après cette soirée, j’ai passé près d’un an à écrire les chansons qui constitueraient notre premier album. Deux mois plus tard, on signait avec une maison de disque et un peu plus de deux ans après avoir quitté ma famille, je me retrouvais à chanter devant des centaines de personnes. Le début du rêve.

North Pole (Alaska) – 2013
Je venais de descendre de scène quand j’ai reçu le pire appel de toute ma vie. C’était Ayana, visiblement en larmes, qui cherchait à me dire quelque chose. Je ne sais plus si je l’ai vraiment écouté. Dès ses premiers mots, j’étais déjà en train de chercher un moyen de retourner à la maison pour la voir. Elle m’avait semblé tellement paniquée et effrayée. Sur la route, je n’ai pas cessé d’essayer d’appeler mon père et mon frère. Aucune réponse. Chaque kilomètre me rapprochant de chez moi me faisait paniquer davantage. Je me demandais ce qu’il s’était passé et pourquoi personne ne répondait. Je compris pourquoi en arrivant quelques heures plus tard. Le bandeau de police était toujours présent devant la porte des voisins. Papa n’était pas là, pas plus que mon frère. Quand j’ai demandé à Ayana ce qu’il s’était passé, elle n’a pas répondu directement. C’est maman qui m’a annoncé que mon petit frère s’était fait arrêter pour le meurtre du fils des voisins. Je me souviens encore de l’incompréhension totale qui m’a envahie. Parce que je savais qu’il n’aurait jamais été capable d’une chose pareille. Ce n’est que quelques jours plus tard que j’eu droit au fin mot de l’histoire. Le con de la maison d’à coté avait essayé de violer ma sœur qui l’avait repoussé. Sa mort n’était qu’un accident. Elle avait juste essayé de se défendre comme on le lui avait appris. Mais le résultat était quand-même là. C’est notre frère qui a prit la culpabilité, pour éviter qu’Ayana ait des ennuis. J’ai tout essayé pour le faire sortir de prison sans y parvenir. Alors j’ai fait la seule chose possible : j’ai pris mes affaires et j’ai déménagé à Boston avec Ayana, pour pouvoir veiller sur elle tous les jours.

Los Angeles – janvier 2017
Ça faisait des semaines que notre producteur m’harcelait pour savoir quand j’arriverais avec les chansons de notre troisième album. Le deuxième était sorti il y a près de deux ans et la maison de disque commençait à s’impatienter. Mais je n’arrivais pas à aligner deux mots. Impossible d’écrire quoi que ce soit. Les autres membres du groupe ne s’inquiétaient pas encore, persuadé que j’allais arriver avec une pile de morceaux d’ici une semaine ou deux. Mais rien, pas moyen. J’avais l’impression d’étouffer à Boston donc j’ai fait mon sac et je suis parti un moment à Los Angeles. J’espérais qu’en retrouvant les autres, ma créativité referait surface et que je parviendrais à surmonter le syndrome de la page blanche. C’est ce qui est finalement arrivé quand je l’ai rencontré. Kara. Cette fille était tout bonnement fascinante. Elle m’inspirait. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour l’aider à s’installer à LA, j’ai passé un temps de dingue avec elle. J’ai multiplié les traversés du pays juste pour la voir. Les chansons se sont pratiquement écrites toutes seules après ça. Kara m’inspirait tellement. Ecrire redevenait facile avec elle.  

Los Angeles – juin 2018
J’étais de passage à Los Angeles pour finir d’enregistrer le troisième album du groupe mais aussi et surtout voir Kara. Elle m’avait donné rendez-vous chez elle. Je l’ai attendu un long moment. Tellement longtemps que je me suis dit qu’il lui était arrivé quelque chose. Quand je l’ai enfin vu arriver, ses habits étaient déchirés. Mais ce que je voyais surtout, c’était les larmes sur son beau visage. En la voyant comme ça, j’ai repensé à ma petite sœur. C’est surement pour ça que je n’ai pas vraiment eu besoin d’explications pour comprendre ce qu’il lui était arrivé. Ce qui aurait pu arriver à Ayana. Sur le moment, je voyais rouge. Je voyais tellement rouge que j’ai prit le volant pour l’emmener à l’hôpital alors que je ne sais pas conduire. Je pense que j’espérais qu’à cette heure-là, les rues soient désertes et que le manque de luminosité m’aide à y voir un peu près correctement. Sur la route, j’ai voulu l’emmener porter plainte. Le connard qui l’avait touché méritait de finir derrière les barreaux. Je n’ai pas trop suivi la suite. Je sais qu’on s’était disputé et que Kara a attrapé le volant pour m’empêcher de l’emmener au commissariat. J’ai vu les phares de la voiture d’en face bien trop tard pour changer de cap. Collision frontale. Heureusement qu’on ne roulait pas trop vite. Juste assez pour finir à l’hôpital mais avec rien de plus grave que des cotes cassées pour le conducteur de l’autre voiture. Kara n’avait rien de grave et j’ai réussi à la convaincre de partir pour qu’elle ne soit pas mise en cause. J’ai pris toute la culpabilité de l’accident et je ne m’en suis sorti que parce que l’autre conducteur dépassait légèrement le taux d’alcool autorisé. Je me suis fait passer un sacré savon par mon manageur qui m’a renvoyé à Boston en me faisant promettre de ne pas faire de vague, le temps que l’affaire se tasse.