(m) come back to me

On dit que l’amour est éphémère, et qu’il s’en va comme il est arrivé. C’est un peu ce qui pourrait décrire Erika et Austin. La jeune femme venait tout juste de débarquer à l’aéroport de Sydney en ce début du mois de janvier de l’an 2008. Elle avait tout juste seize ans et débutait une grande aventure, celle d’une année à l’étranger. Elle avait le sourire scotché au visage, fin prête à vivre ailleurs qu’en Europe. L’école secondaire, ici, ne débutait pas avant mi-février, mais elle arrivait plus tôt dans le but précis de s’acclimater. C’était l’été en plus ici, alors qu’à Paris les températures avoisinaient les zéros degrés. Merveilleux. Après avoir passé les douanes, elle alla attraper sa valise dans le tourniquet et se dirigea vers la sortie, question de se rendre vers l’aire des taxis. Elle ne regardait pas où elle allait, visiblement trop émerveillée par son nouvel entourage, et elle fonça directement dans un jeune homme d’à peu près son âge. « Oh, sorry. I was clearly not looking at where I was going. (Oh, désolé. Visiblement, je ne regardais pas où j’allais.) » Il la regarda, fixement, dans les yeux. Quelque chose se produisit, à cet instant précis, dans cet aéroport, alors qu’elle arrivait et que lui partait. C’était inexplicable. Il fallait le vivre pour le comprendre. « I’m glad you did. I have to go catch my plane, but I’ll probably see you around when I’ll be back! (Je suis content que tu l’aies fait. Je dois aller prendre mon avion, mais je vais probablement te voir aux alentours à mon retour!) » Et un sourire, et un échange de numéros de téléphone. Gabrielle Erika ne comprit pas vraiment à cet instant ce qui venait de se produire, alors que sa silhouette s’éloignait de plus en plus. Mais leurs regards. Quelque chose c’était produit dans ce cours laps de temps. Quelque chose d’incroyable. Vous croyez aux coups de foudre? Elle non plus. Jusqu’à cet instant précis.

Comme prévu, deux semaines plus tard, alors qu’Austin revenait de son voyage, il la contacta. Et ça ne la surprit pas. Et en fait, elle attendait ce message depuis des jours déjà. Elle avait eu le temps d’emménager dans sa famille d’accueil australienne et avait apprise à les connaître – de forts sympathiques personnes – mais il manquait Austin. Elle ne savait trop pourquoi un étranger lui faisait autant d’effet. Et en fait, lui non plus ne comprenait pas. Il avait juste ressentit ce besoin de la revoir. De lui reparler, elle et son accent européen. Ce que tous deux ne savaient pas, c’est qu’ils allaient être à la même école. Austin, en dernière année. Erika, l’année d’avant. Un an les séparait, mais ce n’était rien. Rien du tout.

Et ce fut ainsi que de fil en aiguille, à force de se côtoyer sans cesse, ils tombèrent follement amoureux l’un de l’autre, partageant plusieurs points communs. Austin apprit à Erika à surfer, celle-ci lui apprit l’espagnol ainsi que le français. Ils apprenaient l’un de l’autre à tous les jours qui passaient. Et ils s’aimaient de plus en plus.

Puis décembre arriva. Ce fameux mois sordide pour eux-deux. Le mois où Erika devait retourner en France. Son séjour d’un an en Australie tirait à sa fin. Ce départ fut très difficile, déchirant. La jeune femme, désormais âgée de 17 ans, ne voulait pas retourner en Europe. Sa vie était ici maintenant. Mais elle n’eut pas le choix. Et ainsi elle repartit, le cœur brisé.

Mais puisque l’amour est toujours plus fort que n’importe quel obstacle, comme on ose dire parfois, les deux amoureux tâchèrent de faire durer leur relation à distance. Puis en mai, Austin vint la visiter à Paris. Gabrielle Erika graduait ce mois-ci et elle avait sa grande danse. Il l’accompagna. Et deux mois plus tard, en juillet, c’est elle qui retourna à Sydney pour le voir (ainsi que voir sa famille d’accueil, évidemment). Et tout était toujours parfait. Austin avait débuté ses études universitaires à l’Université de Sydney. Elle, elle annonça la grande nouvelle de son admission à Harvard, aux États-Unis. Et c’est ainsi aussi qu’ils réalisèrent que leur vie se séparait. L’Université allait leur prendre énormément de temps, et ils n’auraient plus autant le temps de se voir. Mais ils décidèrent d’essayer tout de même. Puisque « l’amour vainc tous les obstacles ».

C’est en janvier 2010 qu’ils se séparèrent d’un commun accord. Ils ne s’étaient pas revus depuis juillet 2009, faute d’avoir du temps. C’était rendu désormais insupportable pour eux deux d’être si loin sans se voir, ni même se parler. Ils ne se parlaient en effet qu’une seule fois par mois, pour quelques brefs instants. Cet accord fut difficile à prendre, mais c’était pour leur bien. Tous deux souffriraient de leur côté, puis ils continueraient à vivre.

En date de septembre 2012, ils ne s’étaient jamais reparlés. Ayant tâchés de s’oublier le mieux possible. Gabrielle l’avait supprimé de ses contacts. Lui avait fait de même. Elle avait tenté d’aimer à nouveau. Et avait terriblement échoué. Sur son bureau était toujours située une photo d’elle et lui, datant de juillet 2009. Et elle n’avait jamais été capable de s’en séparé. Mais elle essayait de vivre sans lui. Sa dernière année universitaire pour graduer et obtenir son baccalauréat venait de débuter. Ce qu’elle ne savait pas, par contre, c’est qu’Austin pensait à elle aussi. Et qu’il venait tout juste de débarquer à Harvard pour débuter sa maîtrise. Et que maintenant, ils sont au même endroit. Après tant d’années.