( i feel an anger inside of me burns like the sun in my chest
i got no patience or self-control but god know i'm trying my best )
the world could never bother me
six juin mille neuf cent quatre-vint onze, rome, italie. officiellement, c’est ici que j’ai vu le jour. capitale de ce pays rital ou les pizzas sont à l’honneur et où il est formellement interdit de couper ses spaghettis — ça, c’est pour les préjugés. mais si on part du principe que celui qui nous dirige tout là-haut à un destin pour tout le monde, il a visiblement décidé que le mien ne se ferait pas à coup de
mamamia en gesticulant des mains et en parlant plus fort que tout le monde. non, moi, j’avais un tracé totalement différent. c’est donc à ce moment précis que rentre dans le schéma ciaràn et saoirse o’meara. jeune couple, désespérés à l’idée de ne pas pouvoir d’enfant.
stérilité, sujet dont on ne parle pas assez. bref, inscrit sur des listes d’attentes à n’en plus finir, ils perdent espoir jusqu’à ce coup de fil. petite fille abandonnée recherche activement deux parents aimants. ils ne leur en faut pas plus pour réserver un avion et s’envoler. et c’est au premier regard que tout se joue. saoirse fond en larme devant cette princesse à la peau halée. ciaràn, lui, plus réfléchit, essaye de ne pas se faire de fausses idées. c’est un combat qui commence. prouver qu’ils sont aptes, qu’ils sont prêt. s’engager pour une vie à lui offrir la meilleure vie possible. des semaines qui semblent s’éterniser, des papiers à n’en plus finir et quand la sentence tombe, c’est ciaràn qui s’écroule. il est papa. il est devenu papa de la plus jolie petite fille qui lui ait été donné de voir. demetria o’meara. c’est donc avec moi qu’ils repartent, joli petit souvenir de ce voyage inoubliable. une chambre d’enfant déjà prête et un amour plus que débordant. d’aussi loin que je me souvienne, c’est dans cette atmosphère là que j’ai grandi. des parents aimants, sur protecteur, s’émerveillant devant le moindre de mes babillages. je crois qu’il est impossible de rater une seule période de ma vie. tout a été photographié, filmé. de mon premier vomi à mes premiers pas. les photos sont accrochés partout sur les murs laissant suivre mon évolution. premier repas, premier tour de balançoire, première chute, ainsi de suite. et c’est lors de mes huit ans que j’apprends la vérité. un week end en famille ce qu’il y a de plus banale au bord du lac du connemara — cette histoire reste donc dans les préjugés. «
tu sais, à l’école ils ont dit que t’étais pas ma maman » c’est un silence de plomb qui s’ensuit. les enfants sont cruels entre eux, ce n’est pas nouveau. et mon teint mât agrémenté de mes cheveux de jais ainsi que de mes prunelles noires, ça soulève des questions. saoirse est blonde vénitienne, des tâches de rousseurs parsème son nez fin. ciaràn, lui est roux avec une peau si blanche qu’elle semble faite de nacre. au milieu, j’ai l’air du vilain petit canard. c’est papa qui s’assoit en premier, en tailleur, face à moi. «
tu sais demi, ce sont ceux qui t’élèves qui sont tes parents » oui, je sais. c’est ce que j’ai dis. personne ne pourrait me faire douter de ça. «
des fois, c’est difficile de faire des enfants. nous, on y arrivait pas. alors on est allés dans un endroit spécial et on t’a trouvé toi. tu es ma fille demi, laisse personne te faire douter de ça. » j’arque un sourcil et je sens maman fébrile. «
j’ai été adoptée alors. » petite fille rationnelle, toujours. mais cette fois, les regards sont fuyants. comme si le mot en lui même était un gros mot. «
c’est pas grave. moi je vous aime quand même. » et ça n’a jamais rien changé à mon existence, loin de là. adoptée, pas adoptée. quelle différence ? je suis probablement plus heureuse que des gens ayant leurs parents biologiques alors oui, ça me va parfaitement comme ça.
( getting nowhere, tired of fighting put the gun down, do the right
thing that won't fix it any quicker we don't have to pull the trigger )
do we have to take sides ?
bref. l’étape adoption et compagnie était passée et comme prévu, rien n’a changé. ce ne sont pas mes parents parce que je ne leurs ressemble pas ? toi tu ressembles pas à ton père et j’insinue pas que ta mère s’est fait sauter par tout le quartier. donc partant de là, chacun son chemin. et j’crois que ce caractère un peu trop vif, cette manière de dire les choses sans forcément y réfléchir avant, c’était ce qui faisait toute ma personnalité. au collège, c’était toujours les même appréciations.
a des capacités mais est trop dispersés. devrait tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de faire des commentaires. un peu trop agressive par moment. je ne compte plus le nombre de fois ou mes parents ont été convoqués. s’ensuivait par la suite des longues conversations. «
tu ne peux pas dire tout ce que tu penses demetria » «
mais si je ne le fais pas, on me prive de mon libre arbitre, pas vrai ? » et que répondre à ça ? tenter de me canaliser avait toujours été pire que de me laisser faire alors je crois que pour éviter le conflit, ils ont préférés laisser couler. j’étais de toute manière pas une fille à histoire. disons juste que j’aimais un peu trop avoir le dernier mot et détestais qu’on me donne tord. argumenter pendant des heures a toujours été un de mes trucs préférés quitte à paraître épuisante aux yeux de mes interlocuteurs. et c’est très tôt que j’ai choisi ma voie. que j’ai su ce que je voulais faire. peut être que j’ai un peu trop regardé les experts mais.. j’avais cette fascination pour les meurtres à élucider, les mystères et au moment de faire mes voeux, c’est sur un bac STL que je me suis dirigée. sciences et technologies de laboratoire me semblant être la voie la plus adéquate pour l’orientation que je voulais prendre. et comme par miracle, plaçait moi dans une filière qui me plaît et l’assiduité vient avec. c’est avec brio que j’obtiens mon diplôme et que je postule dans une université en suisse pour intégrer la prestigieuse école des sciences criminelles. mes parents ? ils sont fiers. quoi qu’un peu angoissés à l’idée de me voir partir. mais je les rassure, promet de les appeler tous les soirs, de ne rater aucun facetime et surtout, de rentrer pour chaque vacance. c’est pas si loin la suisse, ça devrait aller. et c’est donc cinq ans que je passe là-bas. à me passionner toujours un peu plus pour cette voie choisie. à m’intéresser à chaque détail. c’est ce côté méticuleux qui fait de moi l’une des meilleures de ma promo et c’est ce qui me permet d’obtenir ma licence puis mon master avec une facilité presque déconcertante. trop intelligente ? non. j’dirais plutôt, beaucoup trop investie. c’est presque innée en réalité. mais j’ai désormais vingt-trois ans et il est temps pour moi de rentrer. de retourner dans cette maison familiale près de phoenix park et surtout, d’être auprès des miens. quelque part, je sais que le plus dur reste à faire. les diplômes, c’est bien. mais sans le fameux concours, j’ai rien. je travaille d’arrache pieds, m’en rends presque malade avant de passer l’ASPTS. puis une fois fait, c’est l’attente des résultats qui me rends désagréable, presque aigri. j’ai peur de tout voir s’écrouler, de ne finalement pas avoir les capacités. et quand la lettre parvient enfin, j’ai l’impression que mon coeur lâche dans ma poitrine.
enfin. après presque neuf ans de travail acharné, j’ai réussi. j’y suis.
( if you don't wanna wear make-up, don't wear make-up
if you don't wanna break-up, then kiss and make up )
i'm okay with not being perfect
c’est gravir les échelons qui est plus long en fin de compte. j’étais enfin dans la police scientifique, à faire ce que je voulais, ce que j’aimais mais je crois que sur les premières années, on m’a filé que les tâches ingrates. les affaires peu importantes. j’suppose que tout le monde passe par là et que c’est avec le temps qu’on évolue. moi ? je trépignais d’impatience. j’voulais me sentir importante, j’voulais être la meilleure. et puis j’ai eu vingt-six ans et une promotion. intégrer la meilleure équipe du département et peut être enfin faire mes preuves. c’est là que je l’ai rencontré. cillian. coéquipier et ami en premier lieu. c’était comme si.. comme si on se comprenait en un seul regard. comme si on allait ensemble comme les deux pièces d’un puzzle. et je crois que c’est à cause de cette alchimie là que mon regard à commencer à changer. je me surprenais à le regarder parfois avec un peu trop d’insistance. cette fossette qui se dessinait à chaque fois qu’il souriait, sa manière de se frotter la nuque quand il n’arrivait pas à trouver de solution ou ce tic nerveux de faire craquer ses doigts devant une avalanche de travail. «
tu sais demi, si tu continues à me fixer comme ça je vais finir par croire que j’ai un truc entre les dents » j’souris un peu bêtement retirant ma blouse comme après chaque journée de travail. «
désolée, j’étais dans mes pensées » ou plutôt sur tes abdos un peu trop bien dessinés. «
on va boire un verre ? » j’hoche la tête machinalement regardant rapidement l’heure. «
un seul, j’ai promis de dîner avec mes parents » mais le verre s’est transformée en deux, puis trois. puis ton corps sur le mien pour la première fois. cette explosion de sens et cette facilité déconcertante. sauf que toi, tu tenais toujours le même discours. «
on prends du bon temps demi, juste ça. » ouais, juste ça. mais même quand je mettais des barrières, consciente que j’étais amoureuse de toi et que c’était nocif, tu revenais à la charge. tentait de me charmer, de me faire céder et ça marchait, ça marchait à chaque fois. mais le lendemain matin, tu n’étais plus là. j’suis fatiguée de cette relation à sens unique. c’est quand tu veux ou tu veux. comme si j’étais ta propriété. mais à côté de ça, tu m’offres rien et tu me laisses m’enfermer dans ces sentiments qui m’oppressent. puis c’est un jour comme les autres qui débutent. une mutation enchaîne une affection. luciàn débarque dans notre équipe, manque un peu de repère et en bon samaritain, j’engage la conversation. je l’aime bien, il est drôle, gentil, attentionné mais.. curieux ? ouais. «
je te jure demi, je t’ai déjà vu quelque part » «
on s’est peut être croisés dans la rue » je reste rationnelle, toujours. mais lui, il est persuadé que c’est autre chose. il lâche pas, pose beaucoup trop de question et m’agace assez souvent. j’crois que j’ai rêvé plus d’une fois de l’étouffer, de l’enfermer quelque part pour une éternité juste pour qu’il arrête avec ses suppositions grotesques. mais il finit par débarquer, fier de lui posant une coupure de journal sur la table de la salle de pause. «
je le savais » je lève les yeux au ciel et bloque finalement sur la photo. «
ahah. jolie maîtrise de photoshop. » «
non demi, non. regarde le nom, cherche sur internet, tu verras. » dear god, asia ferrari, tu viens de bousculer toute ma vie.
( so we fuck and we fight in our blood, in our bones and we know it's alright
and we bark and we bite we are all animals and we know it's alright )
we live like we are free
c’est plus des heures que j’ai passé sur le net, c’est des semaines entières. à taper ce nom, à chercher des informations, des photos. asia. je crois que ça m’obsède. les cernes s’ancrent sur mon visage et c’est auprès de mes parents que je vais chercher du réconfort. je veux des réponses à mes questions, m’apaiser au moins un peu. mais ils n’ont pas d’informations sur mes parents et l’agence d’adoption a interdiction de dévoiler leur nom. sauf qu’elle est forcément ma soeur. et vu la ressemblance flagrante, ma jumelle. est-ce qu’elle est au courant de mon existence. est-ce qu’elle a elle aussi été adoptée ? je dirais que oui. pourquoi me faire adopter moi et pas elle ? je tourne en rond, j’en perds le sommeil, je cherche encore. le profil facebook, j’ai du cliquer dessus des milliers de fois sans jamais trouver le courage et c’est luciàn qui précipitera les choses. «
t’auras jamais de réponse si t’envoie rien » ouais, je sais. mais est-ce que j’en veux vraiment au final ? je suis plus si certaine de ça. j’ai les mains moites, j’écris puis j’efface. «
mais je dis quoi ? » «
sois direct, concrète, lâche toi j’soupire regardant l’écran une nouvelle fois. puis les mots viennent tout seul. mon prénom, ce que je crois, ce que je veux savoir : envoyé. puis j’attends. un jour, deux jours, puis trois. rien. alors j’en renvoie un avec peut être un plus d’insistance. come on asia, je sais que t’as lu mon message, pourquoi tu n’y réponds pas ? et je crois que j’ai le coeur qui explose quand je la vois en train d’écrire. je me tortille, incapable de rester en place. tout ça pour quoi ? un vulgaire
je ne sais pas qui vous êtes et je n’ai pas envie de le savoir. suivit d’une incapacité à re répondre. alors quoi, elle m’a bloqué ? comme ça ? j’y crois pas. ça me frustre, ça m’énerve, crise de colère. je ne suis pas folle, je n’invente rien et elle ne m’a même pas laissé lui prouver quoi que ce soit. et pendant des semaines encore ça me rend dingue. j’essaie de trouver des solutions, des idées, dépose un dossier pour une éventuelle mutation et.. miracle, je l’obtiens. une carte de séjour aux états-unis, un visa de travail. c’est la tempête dans ma tête mais je sais que j’ai besoin de savoir. je veux savoir. alors je prépare mes affaires la boule au ventre et finit par m’envoler pour boston. et voilà. j’y suis. nouvel appartement, nouvelle vie. loin de cillian, près de cette fille-là. j’me dis qu’en face à face, elle ne pourra pas dire que j’invente quoi que ce soit. si elle me voit, elle saura. t’as bousculé ma vie asia, à moi de faire chavirer la tienne et advienne que pourra.