Just because you're not crying doesn't mean you're not sad.
Just like how smiling doesn't mean you're happy.
(
2010 - RIO DE JANEIRO) Doucement, Noora se met à tourner sur elle-même, se stoppant qu’au moment où son corps tout entier la supplie de s’arrêter. Ses mains s’agrippent fortement à la première personne qui se trouve sur son chemin. Un rire franc s’échappe de ses lèvres rosées, très vite accompagné par un autre qu’elle connaît si bien. Gabriel l’observe statique, permettant à son corps de retrouver une certaine stabilité. «
Pourquoi te sens-tu toujours obligé de tourner ainsi sur toi à chaque pays que l’on visite. » lui demande-t-il pour la énième fois, comme si toutes les raisons qu’elle lui avait donné depuis la première fois ne lui suffisait pas. Question qu’elle trouve à chaque fois amusante. Ses longs doigts se resserrent sur ses avants-bras un peu plus fermement comme pour lui faire ressentir cette joie, cet engouement qu’elle ressent à chaque découverte d’un nouveau pays, d’une nouvelle culture. Elle a besoin de s’immerger dans cette culture inconnue jusqu’au bout des ongles, comme si elle voulait devenir une nouvelle personne, encore une fois. La gamine a été une française, une italienne, une grecque, une australienne, une indienne et bien d’autres encore. Elle pourrait parler de chaque culture comme si c’était la sienne. Mais ses racines, sa terre natale reste avant tout ce pays dont la froideur effraie. L’Islande la rend rêveuse, nostalgique de ce passé dont elle se souvient si peu. Ses yeux, ses cheveux, son teint laiteux trahissent ses origines au premier regard. Fière de ses origines, elle a cette mauvaise habitude de s’éterniser dans ses explications lorsqu’on lui demande innocemment d’où elle vient. «
Qu’importe la raison Gab que je te donne, tu me reposeras la question dans le prochain pays encore une fois. » Réponse taquine, révélant son agacement face à la persistance dont fait preuve son frère. Il n’y a pas de réelle explication, elle fait ça un point c’est tout. Elle a vu et appris tellement de chose en si peu de temps qu’elle se sent privilégié. Rare sont les personnes pouvant voyageant de la sorte, alors elle se doit de profiter de chaque instant. Aujourd’hui la découverte ce fait plus chaude que la précédente, le Brésil s’étend devant ses yeux. À peine a-t-elle posé un pied sur le sol brésilien qu’elle a voulu visiter le Corcovado. Epuisé par son énergie quasi-constante et sa soif de savoir, ses parents ont laissé son frère prendre les choses en main. Alors qu’elle se tient au pied de ce qu’elle souhaitait visiter, l’effervescence de l’arrivée, laisse place à l’émerveillement de la découverte d'une telle merveille. «
Un jour, on s’arrêtera de vivre cette vie que nous offre nos parents et je voudrais me souvenir de chaque endroit comme si c’était hier. » dit-elle tout en immortalisant ce moment d’une photo. Gabriel lui tapote la tête pour appuyer ses dires et elle ne peut s’empêcher de prendre une photo en sa compagnie. Photos multiples qu’elle garde précieusement, afin de souvenir à jamais de ses moments partagés. Instinctivement, sa tête se lève pour observer les cieux, espérant qu’une fois la nuit tombée, elle pourra observer ces merveilles scintillantes qui la font rêver.
▽▲▽
(
2012 - BOSTON) D'un geste las, la demoiselle laisse glisser son sac à dos le long de son corps jusqu’à ce qu’il atteigne le sol, dans un bruit sourd . «
Je suis rentrée. » Son intonation de voix est puissante dans le but de prévenir les habitants de cette maison cachés dans les pièces nombreuses. «
On est dans le salon. » Elle se dirige automatiquement vers ce dernier tout en retirant sa veste jean. Silence pesant accueillant son entrée, laissant perplexe cette gamine innocente. L’expression sur le visage de son frère l’amène à froncer les sourcils. Impossible pour elle d’identifier une émotion sur ce visage si familier. Son ventre se noue, son myocarde bat à un rythme irrégulier dans sa poitrine. Une sensation étrange envahit son corps. Au fond d’elle, elle espère même que personne n’ouvrira la bouche. Naturellement, elle prend place au côté de sa mère. Les mains de cette dernière s’empressent d’attraper celles de Noora. La peur qui lui tord l’estomac se lit dans son regard et sa génitrice qui la connaît sur les bouts des doigts s’en rend rapidement compte. Les secondes semblent se transformer en minutes, la laissant dans une attente insoutenable à ses yeux. «
Ecoute Noora. » La voix de sa mère vint enfin rompre se silence si pesant «
On ne va pas partir en voyage pendant quelques temps. » L’annonce semble si banale que Noora sent qu’une suite ne va pas tarder à venir. Qu’importe si vous devez rester ici plus longtemps, tant mieux même, elle pourra finalement peut-être construire des relations qui pourront durer sur le long terme. «
D’accord. » acquiescement presque inaudible de la part de la demoiselle encore plongée dans l’incompréhension. De sa main libre, sa mère vient replacer une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle l’observe comme si c’était la dernière fois qu’elle le faisait. «
Mais la raison qui nous pousse à prolonger notre séjour à Boston .. » Phrase laissée en suspend, annonçant le pire. Elle est accrochée à ses lèvres, redoutant la suite. Elle voudrait lui hurler de lui cracher cette vérité immonde qui brisera à jamais son coeur et celui de sa famille. « J’ai un cancer des os, Noora. » Son souffle se coupe, son regard se voile et elle n’écoute plus. Les lèvres de sa mère continuent à se mouver sûrement pour fournir des explications techniques qu’elle ne souhaite pas entendre, ni comprendre. Les larmes présentent dans ses yeux, trouvent un chemin jusqu’à ses joues. Les sons ne sortent plus de sa bouche, la rendant silencieuse pendant de longues minutes. Ses gestes sont maladroits et sa peine si forte est imperceptible. La douleur l’étouffe, serrant son coeur dans sa cage thoracique. L’air lui manque. Elle aurait aimé être plus fore que ça Noora pour sa mère, mais la tristesse est la seule émotion qu’elle ressent à cet instant. Elle aurait aimé que ses mots ne l’atteignent pas autant, mais comment réagir autrement face à l’annonce d’une telle nouvelle. La vie est déjà prête à lui retirer cette femme qui ne lui a pas encore tout appris.
UN AN PLUS TARD Cachée sous ta couette, recroquevillée sur elle-même, elle écoute en boucle le message audio de son frère. «
Noora t’es ou putain ? Fait pas ça s’il te plait. Maman veut te voir. Elle veut nous voir avant de .. avant .. avant de partir. » L’émotion dans sa voix ne fait qu’accentuer sa peine et sa culpabilité. Elle n’arrive pas à sortir de ce lit, de cette chambre qui est était la sienne. Sa léthargie l’agace, l’énerve. Elle devrait être auprès de sa mère et pas ici. Elle est juste une enfant apeurée par le fait de perdre sa mère. Sa réaction semble logique, le déni l’envahit, attisant la colère d’autrui. Ses yeux se ferment comme pour puiser le courage dans les dernières forces qui lui restent. Ses doigts pianotent sur son téléphone et la voix familière de son frère résonne à peine après la première sonnerie. «
Tu peux venir me chercher. »
Noora se tient face à la porte. Son cerveau le supplie de faire demi-tour, mais son cœur lui prêtant le contraire. Ce lieu n’a aucun charme, n’a rien de joyeux. Il est seulement synonyme de souffrance et de mort à ses yeux. Elle puise en elle ce dont elle a besoin pour passer cette porte. Son regard se voile instantanément. Tout le monde s’attarde un instant sur sa présence, l’espoir qu’elle apparaisse enfin dans cette chambre était toujours présent. Allongée dans son lit, les yeux mis-clôt, Noora voit malgré tout un sourire faible s’affichait sur le visage déformé par la maladie. Elle sait que sa fille est là, comme si elle pouvait sentir sa présence. Ses doigts tapotent lentement la place à côté d’elle et la gamine t’approche, faisant attention au moindre de ses gestes. Sa main enveloppe la sienne, d’une aura qu’elle veut rassurante. « Je suis là. » murmure-t-elle. « Je serais toujours là. » Noora ne peut retenir ses larmes. La combative dont elle fait preuve, habituellement, s’évapore dans l’air dès qu’elle entend la voix de sa mère. Elle a tellement de choses à lui dire et si peu de temps devant elle. Des bonnes nouvelles, elle en a des tonnes à lui dire, mais le timing n’est pas le bon et elle devra choisir les bons mots pour laisser partir sa mère en paix. La demoiselle voudrait lui affirmer qu’elle sera forte malgré tout. Elle aimerait la faire rire une dernière fois, comme elle avait l’habitude de le faire quand vous étiez ensemble. Elle voudrait lui promettre que tout ira bien pour elle, que l’avenir sera bon. Mais les promesses ne sont pas bonnes à faire quant au fond, elle sait qu’elle ne sera pas capable de les respecter. Pourquoi mentir à cette femme qui la connaît tant ? Elle ne serait pas forte, elle ne sera pas ce soutien que son père et son frère attendront. Elle se détruira sûrement, physiquement pour aller mieux, psychologiquement, un certain temps. Puis elle remontera la pente parce que c’est ça le deuil. A un moment tout va mal et puis tout s’arrange. Au final, elle sait qu’elle n’a qu’une chose à dire pour qu’elle puisse partir sereine. «
Je t’aime. »
▽▲▽
(
2015 - BOSTON) Plantant sa fourchette dans le bout de poulet qui se trouve dans son assiette, elle sent le regard accusateur de sa meilleure amie sur toi. Innocemment, elle relève le regard vers elle. La Suédoise est-là avec son steak de soja, à la fusiller du regard. Énièmes explications afin de la faire changer d’avis. Mais Noora a cessé d’écouter cet exposé redondant depuis bien longtemps. S’amusant de la situation, elle ne pouvait s’empêcher de la taquiner. «
Elle s’appelait Cocotte, elle était vraiment belle, elle mangeait ses petites graines en liberté. Qu’est-ce qu’elle était heureuse. Je t’assure que sa vie a été un vrai paradis. » explique-t-elle tout en avalant son bout de viande blanche. Elle fronce les sourcils et la pointe de sa fourchette menaçante. «
Arrête de te foutre de ma gueule. » Remarque qui la force à faire naître un sourire ses lèvres. On pourrait la prendre pour une jeune fille naïve avec son teint de poupée et son visage angélique, mais c’est en réalité une vraie casse-pied. Voilà maintenant deux ans que vous vous connaissiez, une amitié qui a commencé dans des circonstances assez improbables. La bombe qui avait explosé dans la cafétéria avait causé pas mal de dégât physique comme matériel. Apeuré, mal en point Noora c’était retrouvée à côté de cette Suédoise aussi tétanisé qu’elle. Instinctivement, sa main s’était accrochée à la sienne, un appel à l’aide, un besoin inévitable de s’accrocher à quelqu’un comme si elle s’accrochait à la vie. Elle se souvient très bien ce qu’elle a ressenti ce jour là. Elle était soulagée d’avoir quelqu’un à ses côtés pour vivre ça. «
Fait pas semblant de m’écouter. » la voix d’Anja la sort de ses souvenirs et elle lui sourit avant de venir piquer sa main avec sa fourchette. «
AIE ! » Les regards se tournent vers vous, Noora ne peut s’empêcher de rire face à l’exagération dont fait preuve sa meilleure amie.«
Je t’ai à peine touché. » dit-elle tout en venant piquer de la nourriture dans l’assiette d’Anja. L’Islandaise persiste pour goûter ce substitut de viande dont raffole la demoiselle devant elle. Elle se force à comprendre le point de vue de la blonde. Mais le résultat est toujours le même. Une grimace se dépeint sur son visage, écoeuré par cette chose sans intérêt. «
Non définitivement, je n’aimerais jamais cette chose. » Aveux qu’elle ne cesse de faire à chaque fois et qui depuis le temps ne vexent plus sa meilleure amie.
▽▲▽
(
2017/2018 - FRANCE) Une année à voyager, à découvrir d’autres pays. Profiter de cette liberté qu’elle pensait avoir perdu. Elle a vécu une vie dont elle rêve, une vie sans contrainte. Devenu une femme différente, tout en gardant se piquant qui la caractérise. Noora, elle a appris à donné ce qu’elle avait à des populations qui n’avaient rien. Elle a aidé des femmes, des hommes, des enfants qu’elle ne reverrait sûrement jamais. Elle a offert son temps sans compter. Elle a construit de nouveau souvenir qu’elle n’oubliera pas. De retour auprès de sa meilleure amie, elle a pris la décision de se calmer, de se poser de nouveau. Anja l’a toujours soutenu, l’a toujours guidé dans ses moments de doutes. Sa meilleure amie, elle c’est épanouie, vit elle aussi des choses dont elle rêvait. Malgré des chemins différents, elles sont toujours présentes l’une pour l’autre. La France a été son dernier grand voyage. Katherine lui a promis des vacances de rêve. Promesse à moitié réalisée. Rêve devenue cauchemar. Accident de voiture qui cloua Noora dans un coma pendant deux semaines. Frayeur de courte durée lorsque ses paupières s’ouvrirent de nouveau devant des visages rassurés. Sa jambe droite fut la partie de son corps qui subit le plus de dégât, même si la souffrance n’est pas visible. La douleur transperce son âme lorsque les mouvements se font plus rudes. La cicatrice qui remonte le long de sa cuisse lui rappellera constamment cet événement dont les souvenirs se font rares. Rassurée Katherine était sa priorité depuis son réveil, elle voulait que cette amie qui s’en voulait, ne se sente pas redevable. L’Islandaise ne lui en voulait pas et ne lui en voudrait jamais. Les accidents arrivent tous les jours et la vie continue malgré tout.