BEAU GRIFFITH ► SHAWN MENDES

La pièce est froide, impersonnel et impeccablement rangée. Dans cet environnement inconnu, Beau vient de passer dix minutes à regarder ses pieds et jouer nerveusement avec ses mains moites. Le jeune homme serait tout à fait capable de continuer ainsi pendant les cinquante minutes qui restent si ce psy, censé l'aider dans sa vie sociale, n'avait pas brisé le lourd silence." Vous êtes libre de me parler. " Mécaniquement il relève la tête. Faire la conversation n'a jamais été le fort de Beau, encore moins quand il s'agit de parler de lui et d'évoquer ses prétendus problèmes de sociabilisation comme l'a souligné sa mère lorsqu'elle a pris rendez-vous ici pour son unique fils. Le jeune étudiant ne souffre nullement d'un manque affectif. Sa vie lui plait telle qu'elle est, ce que ses géniteurs ne semblent pas comprendre." J'aime ce que je suis. " S'aimer soi même, c'est l'essence même du bonheur. Enfin c'est ce qu'il a lu dans un bouquin parlant de l'acceptation de soi." Dites vous cela pour vous en persuader vous même ? " Les psys, toujours à vouloir retourner le cerveau de leurs patients. Bien qu'il s'agisse là de son job, Beau apprécie peu qu'on le contredise. Quel intérêt aurait-il à mentir là dessus ? " Ce dont je suis persuadé, c'est que je suis plus heureux que certains dans ce vaste monde. " Beau a un toit au dessus de sa tête, de quoi manger, étudie ce qu'il aime, une voiture (bien qu'il l'utilise peu), des parents surprotecteurs mais aimants, et quelques amis sur qui compter. C'est bien suffisant pour lui." Pourquoi vous comparez aux autres ? " Froncement de sourcils, il n'est pas certain de saisir l'intérêt de cette question." Je ne me compare pas, je dis juste que je pourrais être plus malheureux. " A la seconde où cette phrase est sortie de sa bouche, il est conscient du faux pas qu'il vient de commettre." Vous admettez donc être malheureux. Est ce là un sentiment que vous éprouvez constamment ? " Bien sûr qu'il s'attendait à cette question et la réponse ne lui vient pas. Le jeune homme ne tient pas un journal intime où il relate chaque jour ses pensées. Difficile de dire s'il est plus souvent heureux que malheureux." Je ne sais pas. Je ne recherche pas forcément le bonheur dans ma vie. Juste des réponses. " Curieux, désireux d'en apprendre toujours plus sur ce qui l'entoure. L'univers, les gens, une source infini de savoir." Quelles réponses attendez-vous ? " Il se mordille la lèvre en pensant à une question en particulier qui lui trotte dans la tête depuis des semaines déjà." Des réponses de mes parents. Savoir pourquoi ils m'ont menti. " La bombe est lâché et aucun retour en arrière n'est possible désormais. Beau a ouvert la porte en grand sur le plus grand mystère de sa vie. Alors il n'attend même pas que le médecin s'y engouffre et parle sans détour." Je ne suis pas leur fils. Du moins pas biologiquement parlant. J'ai retrouvé la trace de leur vrai fils mais ils ont coupé court au sujet, clamant haut et fort que malgré tout je restai leur enfant. " Une simple erreur administrative à l'hôpital et Beau est reparti avec la mauvaise famille. Deux enfants échangés à la naissance. Une faute qui ne devrait jamais se produire. Beau a malheureusement était frappé par ce cas rarissime. S'il n'avait pas fait son curieux en tombant sur ce gros chèque qu'un certain Mr Anderson a versé à son paternel, il n'aurait jamais su. Il s'en veut d'avoir fait des recherches sur cette famille, d'avoir vu ce Braeden en photo sur internet ressemblant étrangement à ce père qui l'a élevé. Jamais il n'aurait du faire de recherches, contacter l'hôpital, encore moins en parler à ses parents, pire téléphoner à ce Braeden. Rare jour où il a porté ses couilles, porté par la volonté de connaître sa vraie famille, de ne pas vivre dans le mensonge." Comment avez vous réagit à cette vérité ? " Aucun signe compassion dans le ton de sa voix. Ne pas créer de liens avec ses patients. Agir en robot. Pas sûr qu'il puisse venir en aide au jeune Griffith de cette manière." Je me suis senti étranger dans ma propre famille. Mais j'ai gardé contact avec celui qui devrait porter mon nom. Il a décidé de me rejoindre à Harvard. Je pense que ça peut m'aider à aller de l'avant de le rencontrer. Au moins lui me comprendra. " Parce que le plus difficile dans tout ça, ce n'est pas de ne pas connaître sa véritable famille mais de se sentir incompris." Nous continuerons d'avancer là dessus la prochaine fois. Mais n'oubliez pas que vos différences vous rendent unique. Et c'est loin d'être un mal. " Pour être unique en son genre, il l'est. Même l'université et ses vices ne pourront prendre l'ascendant sur le caractère timide du jeune homme. Il est très bien dans sa solitude.