they’re the lucky ones (phinélia)

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{They’re the lucky ones }
crédit/ tumblr ✰ w/phinélia

— JOUR 2
L’Europe, enfin. Le vol combiné au train m’a éclaté. En arrivant à l’hôtel, j’ai croisé mon reflet dans un miroir et je peux vous dire que j’ai eu la frousse de ma vie. De ce fait, j’ai carrément passé vingt-quatre heures à recharger mes batteries dans ma chambre. Vingt-quatre heures ! Je ne plaisante pas. Je me suis enfilée des dizaines de pizzas, une vraie tortue ninja, pis j’suis resté à zapper sur les chaînes locales, le ventilateur collé à la tronche. L’année a été longue. Je le mérite ce Summer Camp bordel, j’y ai même mis toutes mes économies récoltées avec mes jobs miteux, alors je compte bien en profiter. D'ailleurs, maintenant que je dispose de nouveau de mon énergie maximale, je peux commencer à visiter Brighton. Ainsi, après une douche bien froide, les cheveux encore dégoulinants, j’suis sorti de ma tanière en apprenant les noms qui allaient composer mon équipe, parmi eux, un ne cesse de tourner dans ma tête, Amélia. J’sens que je vais douiller avec toi, mais j’ai hâte qu’on allie nos forces pour cette aventure qui nous attend. Bref, aujourd'hui, ma dégaine débraillée et moi avons décidé de nous rendre au Hatt Adventures. De toute façon j’suis pas un mec qui peaufine son bronzage moi. Je préfère me déchirer la tronche contre une falaise plutôt que de pécho au bord de la mer glacée. Après m’être logiquement perdu, j’ai finalement pu me rendre à ce parc où j’suis entré sans savoir ce que j’allais bien pouvoir y foutre. Désormais paumé en plein milieu d’un carrefour, mes yeux jonglent entre tous les chemins qui s’offrent à moi. J’sais pas. Vraiment j’sais pas. Puis, tandis que je m’apprête à demander à mon ami imaginaire quelle direction choisir, ton cul entre dans mon champ de vision et je bug complet. Mes paupières clignotent comme un sapin de noël. Te rattraper ou te laisser vaquer à tes occupations ? Le choix est vite fait. « Amélia ? » Trottinant pour te rattraper, je me place à tes côtés en te faisant un bref coucou ridicule « J’aime bien ta queue de poney, ça te change » Phrase complètement inutile remplaçant le bon vieux « Ça va ? »

Pourquoi tu cours ? Je devrais aussi courir ? Tu es poursuivie par un fou et sa tronçonneuse ? Je ne suis pas un athlète moi, tu me demandes un effort monumental pour te rejoindre. Je te déteste, en plus je suis persuadé que tu as fait exprès de me snober. J’ai bien articulé pour une fois : A-MÉ-LIA. Pourtant, tu ne t’es pas retournée, tu as continué de tracer, me foutant un vent décoiffant au passage. Tu as de la chance, aujourd’hui je me suis levé de bonne humeur et légèrement enclin à me socialiser. Ainsi, je te poursuis en haletant comme un phoque en plein soleil. Arrivant à ta hauteur, talons aux fesses, je comprends rapidement que tu ne m’as pas mis un vent volontaire. La preuve, tu as deux écouteurs fixés dans tes oreilles, des écouteurs que tu ne tardes pas à retirer quand tu t'aperçois que je suis à tes côtés « Les poneys sont moins dangereux et plus adorables » Je hais les chevaux. Trop vifs, trop grands, trop lourds. Adoptant péniblement ta cadence, je souffle de soulagement lorsque tu t’arrêtes enfin dans ta course folle. Les mains sur les hanches, je jette un coup d’oeil à ta silhouette courbée avant de reporter mon attention sur le paysage « On m’a engagé pour te surveiller » Mes prunelles noisette glissent sur tes courbes et reviennent sur ta frimousse de poupée Barbie. Tes cheveux dorés m’éblouissent, tellement que j’suis obligé de me créer une visière pour me parer des reflets « Ces cons ne m’ont pas averti que tu courais aussi vite. J’aurais dû m’en douter, t’es une Gonzalez, Speedy Gonzalez ! » Damn, ça cogne ici, j’avais oublié qu’il pouvait faire aussi chaud au pays des rosbifs. Avec ma génétique de petit-suisse, je vais suinter comme un fromage au four et gagner une belle insolation « Autre info, toi et moi, on est dans la même équipe cet été ! Cache ta joie hein  »

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— JOUR 2
Je ne connais pratiquement rien de toi, alors effectivement, avec mon tempérament méfiant, je te trouve potentiellement dangereuse et méchante. Excuse moi Amélia, mais il va me falloir plus de temps pour que je t’accorde toute ma confiance. Par la suite, afin d’éviter que tu me prennes pour un stalker professionnel, j’invente un bobard pour expliquer ma venue ici. En sondant tes prunelles pétillantes, je constate rapidement que cette justification ne prend pas de ton côté. Ainsi, je bifurque sur ce que je sais le plus faire, l’humour. L’humour me sauve toujours des positions inconfortables. Heureusement qu’on m’a doté d’une vivacité de l’esprit, sinon je serais vraiment cuit pour les relations sociales « Non, je ne savais pas, il y a beaucoup de choses que j’ignore chez toi Speedy » À toi de me faire découvrir ton univers si tu en as le courage. Je suis prêt à créer des liens cet été, à m’enrichir des autres, quitte à en faire une overdose fin août. C’est ma grande résolution de fin d’année scolaire, l'ouverture, profitez-en. J'suis en solde, tout doit disparaître. Les joues bouillantes et la sueur pointant le bout de son nez, je décide de lâcher la bonne nouvelle de la journée : nous serons dans le même bateau tout cet été, à franchir des kilomètres et des épreuves, ensemble. Ouais parce que les deux autres, je ne les connais absolument pas, la preuve, j’ai déjà oublié leur nom. « La même équipe oui. Il y a toi, moi et deux autres gars j’crois. Mais on s’en fout d’eux, tu resteras qu’avec moi c’est tout » exigeai-je en hochant positivement ma frimousse de petit con. J’aime pas les groupes, je préfère la dualité et l’exclusivité. Par conséquent, je vais probablement te suivre nuit et jour, parce que les deux autres, je les sens pas. Tout à coup, alors que je me perds dans le décolleté de ta brassière, tu te rapproches de moi, me forçant à relever mes yeux en direction des tiens « Prêt ! J’ai des calories à brûler, j’ai pas arrêté de m’empiffrer depuis que j’ai posé mes fesses ici. Kayak ? » Secouant mon tee-shirt me collant à la peau, je décide de le retirer pour que tu admires l’inexistence de mes abdominaux. Régale-toi bien princesse, c'est des heures et des heures d'inactivité pour obtenir ce corps « J’ai trop chaud, il me faut de l’eau, vite » La langue pendante comme un chien, je me retourne et cherche la direction de cette activité sur les panneaux derrière nous « À droite, par là ! » Pointant le chemin qu’il nous faut poursuivre, j’emboite le pas en remontant mon jean sur mes hanches « Tu travailleras toujours au Mike's pastries l’année prochaine ? J’comprends pas que tu aies besoin de ce job alors que tu roules dans un cabriolet hors de prix, ou alors ce job paie super bien.. »

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— JOUR 2
« Antonio comme Antonio Banderas ? Nan nan, j’ai pas vu un nom pareil, plutôt un truc asiatique et l’autre ça sonnait belge. » C’est quoi le problème avec ce mec ? Il t’a fait du mal ? Tu l’aimes ? C’est ton frère ? Bravo, j’ai trop de questions qui arrivent maintenant. Heureusement, le fait de m’imaginer toi et moi dans la même chambre vient court-circuiter tout ça. « Nan mais, je te laisserais rejoindre ce fameux Antonio, ça ne me dérange pas la solitude, au contraire » Malin hein ? C’est l’occasion pour que tu réfutes mes propos si j’ai tort. Au moins j’en saurais un peu plus sur le lien qui t'unit à ce gars. Malheureusement, pas le temps de papoter tous les deux puisque tu veux me faire suer. Ok, t’auras ma mort sur la conscience quand j’aurais perdu tous mes électrolytes. « De l’eau ? J’ai faim moi. J'veux des frites plein d'huile » râlai-je en te suivant, mon torse à l’air qui luit et se rafraichît au contact de la brise. Tandis que je progresse toujours dans le parc à tes côtés, tu tapotes tout à coup mon bide avant de me clasher gratuitement. Je le savais, t’es méchante. « Je viens de gagner un coach sportif, plus beau jour de ma vie » plaisantai-je en rouspétant de plus belle, mes semelles raclant sur le chemin graveleux. Tu ne t'en rends même pas compte, mais ta main sur ma peau, ça m’a foutu le stress tu sais. J’étais à deux doigts de te faire une prise de karaté suisse moi, faut faire gaffe. Bref, avançant toujours en direction des kayaks, je te questionne sur ton job, là où on s’est rencontré pour la toute première fois. « Ah ok… Donc tu viens d’une famille aisée, je comprends mieux le bolide. J’suis triste, j’aimais bien te voir là-bas et t’embêter en foutant du gâteau partout. J’irais plus maintenant » C’est un peu radical, mais j’aime bien être radical. Haussant les épaules, nous débarquons à un stand pour se ravitailler. Nous achetons de quoi boire, puis nous repartons pour le calvaire sans nom. Après plusieurs mètres d'avalés, nous débarquons enfin près de la rivière où nous décidons de louer un kayak. « Si on avait choisi un kayak chacun, je t’aurais dit que j’allais survivre, mais te savoir dans le même bateau que moi, ça m’interroge sur mes chances de survie là » te taquinai-je en me munissant d’une espèce de double pagaie. Poussant la pale dans l’eau trouble, je nous donne un peu d’élan pour décoller du rivage. Devant nous, le guide nous énonce quelques conseils que je n'écoute pas, pis il se met à user de ces biscottos pour nous semer comme deux pauvres abrutis. « Il sait qu’on est deux dangers ambulants au moins ? » te demandai-je en regardant ton dos, parce que c’est tout ce que je vois de toi à présent, ton dos, ta queue-de-cheval et parfois un bout de ton profil… « Si tu me fais tomber, je te préviens, je risque de me dissoudre instantanément là-dedans »

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— JOUR 2
« Ouais, mais j’ai plus une thune moi, j’vais devoir faire les yeux doux à tes collègues pour bouffer gratis » Malheureusement, tout ceci ne m’apprends rien de plus sur ta haute situation financière. Que fait ta famille pour être si à l’aise ? Donne-moi l’astuce. Blanchiment d’argent ? J’en étais sûr. Je déconne, j’espère que le monde compte encore des gens honnêtes. Nos casques et gilets enfilés, nous voilà enfin dans l’embarcation. Notre guide nous pousse pour nous mettre sur la bonne trajectoire, puis il se glisse dans son kayak comme si c’était un sac de couchage. Et hop, le voilà qui file en nous doublant, sans même nous calculer. « Parce que tu n'es pas douée, tu fais n’importe quoi là, tu fais ta belle au lieu de naviguer ! » C’est faux, c’est plutôt moi qui me perds complètement avec les pédales et tout le bazar. Je suis pas un homme fait pour le sport, surtout ce type de sport où la nature à un poid considérable. La preuve, je me tords dans tous les sens pour éviter des rochers. Notre kayak descend une petite chute et on se mange une tonne d’eau dans la gueule. C’est le néant, j’ai lâché ma pagaie devant moi, je tente de m’essuyer les yeux alors que je t’entends t’étouffer à l’avant « C’était ton idée, c’est ta faute si tu crèves ! T'façon on montera ensemble au paradis, tu riras toute l’éternité comme ça, plus qu’avec ton Antonio » Tel le gros bêta que je suis, je ricane à l’arrière en poussant de nouveau avec ma rame pour avancer plus vite « Allez, plus fort ! On approche d’une grosse cascade regarde ! » m’exclamai-je en pointant droit devant nous une pente rocailleuse « Une dernière prière peut-être ? »