STORY OF MY LIFE
please tell us more
Une enfance ? Oui, tu pouvais appeler ça comme ça. Dans une famille aussi conservatrice que la tienne, c'était assez difficile d'en avoir une. D'un côté un père musulman à l'éducation africaine dans laquelle la femme n'a aucune place dans la société. A part celle dans la cuisine bien sûr. De l'autre côté, il y avait ta mère, une parfaite chrétienne chez qui la pudeur et la chasteté étaient primordiales chez une femme. Puis y avait ton frère, qui profitait de ses privilèges sans vraiment t'enfoncer non plus. Il ne t'a jamais supporté face à tes parents. Il t'a toujours laissé dans la merde. Son regard et sourire mesquin t'ont dit pendant toute ton enfance et adolescence "allez, démerde toi.". C'est ce que tu fis, tu devins la parfaite petite fille. Docile et silencieuse, tu te pliais aux exigences de tes parents, mais rien n'était jamais assez bien pour eux. Malgré toutes tes bonnes notes et ton comportement irréprochable, tu ne pouvais pas sortir. Les amis, les amours, jusqu'à tes dix-huit ans, tu dus les oublier. Tu t'es réfugiée dans la natation, la course et la photographie. Ces activités restent encore aujourd'hui un moyen pour toi de te défouler et de te ressourcer. Sinon la plupart du temps, tu étais dans ta chambre à travailler ou à trier tes photos. Eviter le plus possible tes parents, c'était ton objectif, t'as pas trop connu la notion de vie de famille. Il ne fallait qu'un regard ou un mot de travers pour que ton père pète les plombs. Sur toi ou sur ton frère, ça dépendait de son humeur. T'as arrêté de compter le nombre de bleues après quelques mois, mais t'as surtout arrêté d'espérer que ta mère intervienne. Tout ce qu'elle savait faire c'était se taire et le laisser faire puis elle venait s'excuser dans la nuit comme si ça allait miraculeusement calmer ton corps et ton cœur meurtris. Tu considérais que ta jeunesse avait réellement commencé lors de tes premières années de fac. Venant d'un foyer assez stricte, tu avais toujours suivi les ordres de "papa maman" à la lettre. Tu avais peur de leurs réactions et surtout celle de ton père, si tu osais désobéir. Cette habitude t'était restée lors de ta première année d'université. Dans ton coin, tu suivais sagement tes cours, puis tu rentrais dans ta chambre où tu travaillais et c’était à peu près tout. Tu étais si craintive des gens (ça n'a pas réellement changé), tu ne t'ouvrais à personne, c'était plus facile d'être seule. Lors de ta deuxième année, l'emprise qu'avait tes parents sur toi s’est progressivement dissipé. Au fil des mois, tu réussis à te faire quelques amis et tu passas l'été avec eux. Ils étaient intrépides, audacieux et au fil du temps, ils commencèrent à déteindre sur toi. Tu te rendis compte que ce mode de vie téméraire te correspondait beaucoup plus. Sauter d'une falaise, entrer dans une propriété privée ou n'importe quelle activité qui pouvait te procurer un minimum d'adrénaline, te faisait désormais envie.
Puis y a eu l'université ; toi qui avais l'habitude d'être seule, tu te retrouvais en amphithéâtre avec des centaines de personnes et à partager un appartement avec quelqu'un d'autre. Tu mis quelques temps à te faire à l'idée qu'à l'université, tes parents n'avaient quasiment plus d'emprise sur toi et tu pris goût à cette liberté. Au bout de ta troisième année, tu n'allais quasiment plus en cours ; tu préférais passer tes journées à vagabonder dans les rues de San Francisco, accompagnée de ton appareil photo. Ta passion pour la photo a commencé à tes seize ans. Comme à chaque Noël, accroupie devant le sapin, tu t'attendais à ouvrir des cadeaux inintéressants. Tu savais que c'était ton père qui les achetaient et il ne connaissait rien de toi. Tu te retrouvais souvent avec des cadeaux qui ne te plaisaient pas : un vélo, une maison de Barbie, une encyclopédie ou encore un télescope. Cette année, pour tu ne sais quelle raison, il avait fait un bon choix. C'était sûrement ta mère qui lui avait soufflé cette idée dans l'oreille, tu ne voyais aucune autre possibilité. Tu te revois encore, les yeux pétillants, déchirer ce papier cadeau qui laissait apparaître au fur et à mesure un appareil photo. Cet appareil, tu l'as utilisé tout le reste de ton adolescence. C'était la seule chose qui te permettait d'immortaliser les quelques moments de joies de ta jeunesse. Tes nuits se caractérisaient par le visionnage incessant de tes albums photos. Depuis, tu essayes de te lancer dans la photographie, malgré ton manque de confiance en ton talent.
Tu savais que tout au tard, tes parents allaient recevoir une lettre les alertant de tes nombreuses absences. Tu avais beau te considérer intrépide, t'avais pas le courage d'affronter tes parents qui étaient ta seule faiblesse. Devant eux, tu tremblais de peur ou de tristesse... 'fin des deux. T'avais souvent pensé à fuir, tout laisser derrière toi et à la fin de ta dernière année de licence, t'as décidé de te lancer. Une nouveau ville, une nouvelle identité, une nouvelle vie : c'est ce que tu voulais. Ton plan s'est rapidement acheminé ; t'as juste eu besoin d'une carte des Etats-Unis et de quelques recherches étymologiques pour te trouver un nouveau prénom. La chose la plus dure était de faire tes adieux, pas à tes amis t'en avais pas tellement, mais à ton frère. Il n'avait pas toujours été là pour toi mais vous aviez vécu la même merde ; vous vous ne l'êtes jamais vraiment dit, mais vous vous compreniez et vous aimiez. Fuir, c'était l'abandonner. Comme d'habitude, tu choisis la solution la plus facile et tu sautas l'étape des adieux. Les formalités administratives faites, tes économies en poche, tu pris le premier vol vers Boston. Après quelques semaines de galères, tu finis par trouver un loft dans Charles River et un job de secrétaire. Tu étais définitivement prête à commencer une nouvelle vie, la seule chose dont tu n'arrivais pas à te détacher est ton nom de famille. Hormis quelques cicatrices, c'était la seule chose qui te restait en commun avec ton frère. Non, tu ne pouvais pas l'effacer. Tu commençais à te faire à ta vie à Boston : un job, un appart' et même un copain. Un copain genre un petit-ami, le premier. Même à l'université, tu t'étais pas intéressée aux garçons et encore moins aux filles. Si c'était pour finir comme tes parents, t'en voulait pas de l'amour. T'étais quelqu'un de très secrète et t'ouvrir aux autres t'était difficile, tu ne pouvais pas dire que t'étais avec ton copain actuel par dépit.. mais un peu.
Boston, c'était ta maison, ça t'étais jamais arrivé de te sentir "chez toi" parce-que'à San Francisco, la maison rimait avec peur et violence. Des rires, des pleurs, des cris ont rythmé ta vie bostonienne et tu y as rencontré les personnes les plus importantes de ta vie. Assise sur ton canapé à Charles River, tu t'étais dit "Non, jamais je ne retournerais à San Francisco, pour rien au monde." Tu t'étais bien trompée, puisque quelques jours plus tard te voilà à l'aéroport prête à embarquer dans l'avion qui te ramerais en Enfer. Hakim, ton frère, t'avais retrouvé et il n'a pas hésité une seule seconde à t'obliger à rentrer au bercail. Une fois arrivée, tu tremblais de peur devant ta porte d'entrée, tu savais que t'allais te faire massacrer -littéralement-. Pour toi, ils avaient déjà prévu ton enterrements, les funérailles, le cercueil, tout. Finalement, seulement quelques coups portés par ton père s'étaient abattus sur ton corps, il t'a laissé des bleus certes mais rien n'était cassé. Alors ça allait. Depuis qu'il s'était déchaîné sur toi, ton père ne t'avait plus adressé la parole. Selon ta mère, il t'avait renié. Ta seule réaction fut un haussement d'épaule, il n'avait jamais était un père pour toi de toute façon.
Une semaine passa, tes activités consistaient à être dans ta chambre ou avec ton frère qui ne pouvait pas s’empêcher de te faire la morale encore et encore. Puis tu te décidas enfin à annoncer les résultats de tes examens à ta "famille". Personne n'a vraiment réagit, Hakim et ta mère ont esquissé un sourire mais il valait mieux ne pas trop montrer sa joie devant ton père toujours énervé. Sa réaction fut un long silence et pourtant le soir, tu l'entendais se vanter de TA réussite auprès de ses amis. Vivement Boston, t'en pouvais plus de toute cette mauvaise énergie, cette hypocrisie. T'avais besoin de fuir à nouveau et le parfait prétexte était des vacances. Elles te furent accordées par ta mère en guise de récompense sous une condition. Que te frère soit avec toi partout. En vacances, à Boston... partout.